Monsieur le Président, mes chers collègues, de quoi s’agit-il ? De protéger la propriété intellectuelle qui résulte de l’innovation informatique. Deux procédures juridiques s’opposent: la brevetabilité, d’une part, le droit d’auteur, de l’autre. Selon nous et, je crois, selon l’immense majorité, Monsieur le Commissaire, des orateurs de cette Assemblée, le mode normal de protection est le droit d’auteur. Si un journaliste, un romancier, voit son texte protégé par le droit d’auteur, il ne peut en revanche prétendre s’approprier la syntaxe, la morphologie, le vocabulaire et la grammaire de la langue qu’il utilise. Il doit en aller de même pour le logiciel, car le logiciel utilise un langage.
Certes, Monsieur le Commissaire, dans votre exposé – extrêmement agressif, menaçant même, à l’égard des critiques suscitées par votre projet de directive –, vous avez affirmé que les logiciels n’étaient pas visés en tant que tels par la brevetabilité. Mais il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que votre directive est ambiguë, car la définition que vous donnez de l’invention mise en œuvre par ordinateur, article 2, point (a), peut parfaitement s’appliquer aux logiciels. Bien sûr, à l’article 4 du projet de directive, vous paraissez limiter la brevetabilité aux inventions, je cite, « susceptibles d’application industrielle ». Mais voilà une notion que vous vous gardez bien de définir ! Chacun sait que les multinationales américaines ont réussi à faire breveter des éléments aussi triviaux que l’usage d’un clic sur un bouton pour fermer une fenêtre sur un écran, ou l’idée d’avertir un utilisateur par une mélodie qu’il a reçu un courrier électronique, ou encore le soulignement par une couleur des mots méritant une correction dans un traitement de texte – et un traitement de texte est susceptible d’applications industrielles en typographie ou en imprimerie. Je citerai encore le caddie électronique dans un commerce par Internet. De jeunes créateurs ont même réussi à faire breveter les 35 heures hebdomadaires de travail imposées par le précédent gouvernement de mon pays.
Alors, pourquoi un tel texte est-il proposé dans cette Assemblée? Les intérêts de l’Office Européen des Brevets, financé en fonction du nombre des brevets déposés, y sont-ils totalement étrangers? En réalité, Monsieur le Commissaire, il y avait un choix stratégique à faire: ou bien s’aligner sur la pratique de brevetabilité des multinationales américaines – c’est ce que vous paraissez commencer à faire –, ou, bien défendre la spécificité du droit européen, et refuser tout effet aux brevets abusifs. Il est évident que vous n’avez pas fait ce deuxième choix, et l’on peut considérer que votre directive n’est pas conforme aux intérêts légitimes des créateurs européens.