Après cinq mois d’opposition, la direction d’Arcelor (société incorporant pratiquement tout ce qui nous reste d’industrie sidérurgique) a accepté à l’unanimité l’offre publique d’achat de sa rivale Mittal Steel. Cette affaire est tout à fait symbolique du fonctionnement de l’économie mondiale et des dysfonctionnements de la politique française.
Plus value de 100%
L’économie mondiale se financiarise : on y prend des décisions non pas en raison d’objectifs stratégiques mais des perspectives de rendement financier. Ainsi, la direction d’Arcelor a-t-elle jugé en fonction des intérêts de ses seuls actionnaires. L’offre d’achat, dénoncée comme hostile et inacceptable, quand l’action était à 22 euros, est devenue enthousiasmante quand Mittal en a offert plus de 40 euros, dont 30 % en cash. Soit une plus-value de quasiment 100 % en cinq mois ! L’option russe (une fusion avec l’entreprise Severstal), un temps envisagée, a soulevé elle, un tollé : ne reposant que sur un échange d’actions entre les deux firmes, elle n’induisait que le versement de dividendes exceptionnels. Une misère à côté de la formidable culbute promise avec Mittal ! Cerise sur le gâteau : de nombreux dirigeants d’Arcelor conserveront leur poste, et donc vraisemblablement leurs émoluments et leurs stock-options. Où est la stratégie industrielle d’Arcelor ? On ne sait pas.
Histoire étrangère
Impuissance des politiques français, quand leur action se limite aux rodomontades. Le tandem Villepin-Breton en appelait au patriotisme économique. Sauf que… Arcelor est luxembourgeoise. Mittal est néerlandaise. Cette fusion est donc une histoire… étrangère, même si le groupe est bien implanté en France ! Et le gouvernement sait très bien qu’il ne décide plus de rien en matière économique depuis des décennies : quelle que soit sa couleur politique, il a tout bradé à Bruxelles ou aux marchés. Son indignation de façade n’était qu’une vaine agitation à usage politicien.
La preuve ? Pour nos dirigeants, l’opération est désormais amicale. Pour un peu, ils s’en féliciteraient en se donnant des grandes claques dans le dos. Amicale pour les actionnaires et les dirigeants… mais pour les salariés ? Des restructurations s’annoncent, inévitables pour “rationaliser” le nouveau groupe. Qui peut croire qu’elles s’arrêteront aux frontières de l’Europe, zone économique la moins dynamique du monde ?
La vérité, c’est que l’intérêt national a depuis belle lurette été sacrifié à l’idéologie européiste et à la logique ultra-mondialiste. La vérité, c’est que les fleurons industriels français sont une denrée de plus en plus rare. Et que nos dirigeants en sont à la fois responsables et coupables.