Monsieur le Président, chers collègues, il y a 113 ans, le célèbre socialiste français Jean Jaurès s’écriait « que le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». Je dirais plutôt que le communisme porte l’oppression plus sûrement que les nuages n’apportent la pluie. La Chine est ainsi asservie depuis soixante ans à l’une des dictatures qui compta parmi les plus effroyables de l’histoire de l’humanité sous Mao, pourtant adulé et encensé, avec enthousiasme, par une grande partie de l’intelligentsia européenne, dont ces apprentis sorciers que furent alors l’actuel ministre français Bernard Kouchner, le philosophe André Glucksmann et beaucoup d’autres maoïstes, ce qui aurait dû suffire à discréditer les tentatives révolutionnaires de 1968.
Oui, Monsieur Cohn-Bendit, nous n’étions pas nombreux, dans ces années 60-70, à contester, contre vos amis de l’époque, le prêt-à-penser révolutionnaire et à refuser l’asservissement des peuples d’Asie au marxisme que vantaient vos amis. Aujourd’hui, l’étau s’est un peu desserré sur le plan économique et les progrès rapidement réalisés par le peuple chinois, l’un des plus intelligents et industrieux du monde, ont contribué à masquer la réalité politique, qui demeure une dictature: pas de liberté, pas de véritables élections représentatives de la population, pas d’indépendance du système judiciaire, persécutions, emprisonnements, exécution des dissidents politiques, intellectuels ou religieux.
Comme les Mongols de Mongolie extérieure, les Ouigours ou Turkmènes du Xinjiang, le Tibet supporte cette oppression qui vise à détruire son identité. Tout distingue pourtant cette identité de celle de la Chine: la population, la langue, l’écriture, les traditions, la spiritualité. Dans le cas du Tibet, hélas, il n’y a pas que l’occupation militaire ou la répression politique, il y a aussi le recours à l’immigration. Vous avez tiqué, tout à l’heure, quand on évoquait le Kosovo, mais il y a un point commun à des questions aussi diverses que le Kosovo et le Tibet: ce sont les conséquences de la politique d’immigration sur les peuples indigènes. Ces conséquences sont terribles, mais ce qu’il y a de plus terrible encore, c’est que, non content de nous masquer cette réalité, nous laissions ce processus s’enclencher en de multiples points des territoires qui sont les nôtres.