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Référendum irlandais : faut-il que les irlandais reprennent le fusil ?

Par Bruno GOLLNISCH,
député français (FN) au Parlement Européen,
Ancien Président du groupe Parlementaire ITS (Identités-Traditions-Souverainetés)-

Nous exprimons notre gratitude au peuple irlandais qui a voté pour l’ensemble des Européens auxquels ce droit a été refusé et qui l’a fait par une majorité très claire de 53,4 % des suffrages exprimés en faveur du Non contre 46,6 % en faveur du Oui. Le Traité de Lisbonne en tout état de cause n’entrera pas en vigueur le 1er janvier 2009.

Cependant, l’avenir est extrêmement préoccupant, car, selon une pratique qui paraît inscrite dans les us et coutumes de l’Union européenne, il semble que tout soit fait pour contourner ce vote, à l’exception semble-t-il, de la voix discordante du Président Tchèque, Vaclav Klaus.

Je voudrais en premier lieu stigmatiser les procédés qui sont utilisés pour ne pas tenir compte du vote irlandais. ​

Ces procédés sont grossiers, mais inlassablement utilisés. Le mensonge, mille fois répété, prend les allures de la vérité. Voici les principaux éléments de cette dialectique fallacieuse :

  1. « Ils ne savent pas ce qu’ils font ». D’abord jeter le discrédit sur le vote NON parce qu’on suppose que les électeurs auraient voté pour d’autres raisons que celles qui ont trait à leur appréciation du texte proposé. C’est ce que l’on disait déjà du vote français : les Français n’auraient pas voté contre la Constitution européenne, mais contre Chirac !
    On peut retourner l’argument contre les partisans du OUI. N’ont-ils pas voté oui pour des raisons de politiques internes ? ou bien parce qu’on leur a fait peur en leur faisant craindre, par exemple, de façon abusive mais récurrente, le retour des guerres européennes qui ont ensanglanté notre continent au siècle dernier ?
  2. « Ils paralysent l’Union ». On prétend aussi, sans jamais donner de justification précise, que sans constitution ou sans traité de Lisbonne l’Union serait paralysée, alors que M. Chirac avait à l’époque présenté le traité de Nice, actuellement en vigueur, comme une grande victoire, une avancée considérable sur le plan institutionnel alors unanimement saluée. Si l’Union est paralysée comment expliquer que tant de textes soient votés au Parlement européen ? Comment expliquer que rien qu’à cette session des 16 au 19 juin, à Strasbourg, l’on vote autant de textes en quatre jours qu’il ne s’en vote en quatre mois au Parlement français ?
    Quos vult perdere Jupiter dementat. « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre » : En fait, les auteurs du Traité de Nice sont victimes de leur ambition. Ils ont prévu que ce traité serait gravé dans le marbre pour toujours. Alors que si sa durée avait été limitée, on aurait pu en sortir plus facilement. C’est leur problème ; ce n’est pas la faute de l’Irlande.
  3. « Ce sont des ingrats ». On accuse ensuite le peuple irlandais d’ ingratitude car il aurait reçu de l’Europe entre 40 et 60 milliards d’euros. Par conséquent, leur vote serait particulièrement immoral. Comme si l’identité nationale, les libertés politiques, étaient une marchandise à vendre. M. Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, a même parlé de « caprices d’enfants gâtés ». Il justifie là les subventions européistes que perçoit ladite subvention. Cela ne donne pas plus de valeur à cet argument.
  4. « Ils ne peuvent pas décider pour tous les autres ». Le vote irlandais devrait être contourné, car l’Irlande ne constitue que 1 % de la population de l’Union ; on laisse donc entendre qu’elle a décidé arbitrairement contre la volonté des 99 % autres. C’est complètement faux, puisque les autres pays n’ont pas eu droit à un referendum, justement parce que les dirigeants craignaient un résultat négatif. Et cela traduit un manque total de considération pour les exigences du droit international, comme d’ailleurs pour les « petits » Etats. Il y a en effet sept Etats membres qui sont moins peuplés que l’Irlande, et même parfois beaucoup moins : Le Luxembourg (450.000 habitants), membre fondateur de l’Union, la Slovénie (2.000.000), qui en exerce aujourd’hui la présidence ( !), Malte (400.000), la Lettonie (2.350.000), l’Estonie (1.360.000), la Lituanie (3.700.000), Chypre (670.000). Le Danemark et la Slovaquie ne sont guère plus peuplés. Si j’étais ressortissant de ces Etats, je me ferais du souci pour la conservation de mes libertés au sein de la nouvelle Union des Républiques Soviétiques Européennes !
  5. Conclusion : « C’est un incident de parcours ». Un ultime procédé, conséquence de ce qui précède, consiste à minimiser le vote intervenu, à n’y voir qu’une dérisoire péripétie, un léger ralentissement dans une progression sur la voie tracée qui ne saurait s’arrêter. M. Jouyet, Ministre français des Affaires européennes s’était dit « effondré » dans un premier temps puis, sur ordre, parle d’ « incident », comme M. Sarkozy. M. Barnier a repris aussi ce terme d’ « incident », qui procède à l’évidence d’une consigne officielle donnée par le futur président du Conseil européen. Or ce n’est pas un incident, c’est un désaveu de fond, puisque trois pays qui se sont prononcé par référendum -les Pays-Bas, la France et l’Irlande – ont voté NON. Les votes français et hollandais peuvent en effet être assimilés au vote irlandais car, comme l’a dit le père du projet de Constitution, M. Valéry Giscard d’Estaing, le Traité de Lisbonne ce n’est jamais que la Constitution européenne distribuée autrement (« dans d’autres tiroirs »). Tout le monde le sait et presque tout le monde l’a reconnu, du Premier ministre luxembourgeois Junker à la chancelière allemande Angela Merkel, auteur de la consigne qui a présidé à la rédaction du traité de Lisbonne « Let us change the wording and keep the substance » « Changeons les mots, gardons la substance (de la constitution, N.D.L.R.) ». C’est certainement ce cynisme-là que les Irlandais ont aussi sanctionné.

On déclare donc vouloir faire revoter l’Irlande comme naguère le Danemark à l’époque de Maastricht en 1992. Je vous rappelle qu’on avait alors dispensé le Danemark de l’Euro, de la PESC (Politique Etrangère & de Sécurité Commune), et de la politique d’immigration commune. Autrement dit le Danemark se trouve signataire d’un Traité de Maastricht d’où les principales dispositions du Traité de Maastricht ont disparu ! Cette pratique est immorale et dangereuse. Elle est aussi juridiquement contestable, car elle met en cause la validité du consentement donné par les autres pays. C’est ainsi que l’aménagement consenti au Danemark, postérieurement au vote exprimé par le peuple français, est évidemment de nature à modifier la validité de celui-ci : on avait consulté les Français pour l’adoption d’un texte applicable à tous les Etats membres. Ils n’ont acquiescé qu’à une très faible majorité. Qui peut affirmer que la connaissance du statut dérogatoire consenti au Danemark n’aurait pas fait changer, ne serait-ce que 1% de l’électorat ?

En résumé, on veut poursuivre la ratification à tout prix, et M. Barroso l’a dit très clairement : « les autres nations doivent donner leur avis » comme si c’était une consultation facultative et non pas un texte qui modifie un traité existant qui, comme tout traité international ou tout contrat, ne peut être modifié que de l’avis unanime des co-contractants. M. Barroso insiste sur le fait que l’Irlande a signé le Traité de Lisbonne. Il sait pourtant ce que sait tout étudiant de troisième année de droit : Depuis des siècles, les Etats ne sont engagés dans un traité que par la ratification (Cf. Convention de Vienne de l’O.N.U. sur le droit des traités, arrêt de la Cour Internationale de Justice de La Haye dans l’affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord, etc.). La signature n’a d’autre sens que d’arrêter un texte pour les négociateurs. Cependant, la ratification sera poursuivie comme si rien ne s’était passé. Telle sont les positions de M. Carl Bildt en Suède, Miguel Angel Moratinos en Espagne, Franco Frattini pour l’Italie.

Les meilleurs esprits envisagent au pire d’en rester au Traité de Nice.

Il y aurait cependant selon nous une autre solution que de poursuivre aveuglément la ratification, ou même d’en rester au traité de Nice. Cette autre solution consisterait à s’asseoir sur le bord de la route et à réfléchir. A se demander si cette construction européenne initiée dans les années 50, extrêmement contraignante, a rempli toutes ses promesses. Si elle est adaptée à l’époque de la planétisation que nous vivons. Ou bien si elle n’est pas obsolète à l’âge de cette planétisation, et aussi de l’affirmation du fait national, non seulement de la part des Etats-Unis d’Amérique ou de la Russie, mais aussi aujourd’hui de la part du Japon, de la Chine, de la Thaïlande, de l’Inde, de l’Iran, de l’Union sud-africaine, du Maroc, du Brésil, de l’Argentine et de tant d’autres Etats.

On pourrait encore se demander si les coûts de cette construction et les abandons de liberté, de souveraineté qu’elle requiert sont équilibrés par rapport aux avantages qu’on en recueille. Pourtant, ce doute ne semble pas effleurer ce que M. Attali appelle à très juste titre « l’hyper classe ». J’emprunte à Mme Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, (encore elle !) une citation très explicite : « En 2005, le NON français n’a rien changé. Le résultat du référendum irlandais n’aura pas plus d’incidence ». La voix des peuples est méprisée par la caste eurocratique d’une manière que n’auraient pas osée les ordres privilégiés de l’Ancien Régime à l’égard du Tiers Etat. Faut-il donc que les Irlandais reprennent le fusil pour défendre leur indépendance, comme par le passé ?

L’Irlande a exprimé la voix de la majorité des Européens qui ne veulent pas d’une Europe eurocratique, ni de surcroît d’une Europe non européenne en ce qu’elle ne connaît ni référence culturelle ni patrimoine spirituel ni limites géographiques. Ces Européens veulent bien, certes, d’une garantie des frontières et de la sécurité commune, d’un arbitrage pacifique des différends, d’une préférence économique mutuellement reconnue, d’une garantie des prix des produits agricoles et des revenus de leurs agriculteurs, d’une garantie (difficile) des niveaux de protection sociale chèrement acquis par les générations qui nous ont précédés, d’une coopération industrielle, d’échanges culturels et scientifiques, etc., mais qui pensent aujourd’hui à juste titre que le carcan de l’Europe de Bruxelles est trop petit pour eux.

En conclusion, nous allons faire une campagne active. Une campagne pour que les Irlandais ne soient pas privés de leur victoire. Nous allons poursuivre la constitution d’une fédération de partis politiques européens, bien que les intentions des inventeurs de ce concept soient contestables. Nous allons poursuivre l’intensification de nos contacts avec les formations politiques qui partagent sur l’essentiel nos analyses en Europe. Nous allons enfin, dans nos pays respectifs, mener une très active campagne pour faire triompher nos idéaux contre cette caste qui méprise la volonté populaire de nos compatriotes.

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