En 2002 déjà, Damien Meslot, actuel député UMP du Territoire de Belfort et secrétaire national de l’UMP en charge de l’accueil et de la formation des nouveaux adhérents, avait déposé une proposition de loi concernant les élections cantonales, visant à « se mettre à l’abri des extrêmes », c’est-à-dire empêcher les fameuses triangulaires. Il n’avait pas été entendu mais à défaut, un article paru dans Libération fin mars 2005 relayait une plainte du Parti socialiste selon laquelle il avait suscité, lors des cantonales de 2004, deux candidatures « d’extrême droite » estampillées « Français d’abord » pour « grappiller quelques voix au FN afin d’éviter de périlleuses triangulaires au second tour ». Mis en examen et renvoyé devant le tribunal pour « manœuvres frauduleuses », il obtint un non-lieu fin août 2009. En février 2009, il fut cependant condamné pour outrage à magistrat, une condamnation confirmée en appel le 15 octobre 2009.
Le 3 février 2005, cinq députés de l’UMP, Olivier Dassault, Roland Blum, Christian Estrosi, Jean-Marc Roubaud et Christian Vaneste déposaient devant l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant elle aussi à supprimer les triangulaires aux élections législatives et cantonales. Pour les élections régionales et municipales (dans les villes de plus de 3500 habitants) qui se déroulent à la proportionnelle, ils exigeaient que la moitié des sièges soient partagés au premier tour, au prorata de leur score, entre les listes ayant obtenu plus de 5%, seules les deux listes arrivées en tête pouvant se maintenir au second tour. Les députés UMP expliquaient déjà qu’ils souhaitaient ainsi « encourager un vote efficace » et « tout en assurant le pluralisme » (sic), « se protéger des extrêmes ». Des arguments fallacieux repris aujourd’hui à l’identique par les sarkozytes Éric Ciotti et Christian Vanneste.
«Les triangulaires permettent à des mouvements qui ne peuvent espérer obtenir une majorité absolue de se placer en contradiction avec les principes démocratiques fondamentaux qui régissent notre pays». «La légitimité d’un élu doit reposer sur une majorité absolue et non sur une majorité relative» a plaidé M. Ciotti. «Je suis un admirateur du régime parlementaire britannique qui repose sur le bipartisme, a affirmé de son côté Christian Vanneste. Le seul scrutin où une triangulaire me paraît acceptable, c’est lors d’une élection municipale. C’est une position que je défends depuis 2002».
Est-ce bien étonnant, le président du groupe UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé, s’est déclaré jeudi très favorable aux propositions de loi dans ce domaine de MM. Ciotti et Vanneste, que ces derniers aimeraient voir inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée lors d’une semaine d’initiative parlementaire.
Les deux députés se font en l’espèce les avocats des craintes de leurs collègues, notamment de ceux qui sont élus dans les circonscriptions et régions où le vote FN est (re)devenu important, réclamant l’interdiction des triangulaires au deuxième tour des législatives de 2012. Jusqu’alors peuvent se maintenir les candidats qui ont obtenu 12,5 % des inscrits au premier tour. Franck Reynier, député radical valoisien (UMP) de la Drôme trouve ce seuil insuffisant rapporte Le Figaro : « Nous souhaitons que seuls les deux candidats ou les deux listes arrivés en tête au premier tour d’une élection puissent participer au second. Il faut appliquer à tous les scrutins la règle déjà en vigueur pour l’élection présidentielle».
On remarquera que cette volonté d’éradiquer autant que faire se peut le vote national et de freiner l’émergence d’une alternative patriotique à l’UMPS, est placée sous le signe des « principes démocratiques fondamentaux », du « pluralisme ». Comment ne pas voir pourtant que ce souhait de l’UMP en est la négation même et achèvera de faire monter l’abstention ? Un respect de la « démocratie » tellement ancré dans le mode de fonctionnement de l’UMP que les élus de ce parti n’ont pas hésité à annuler le résultat très net du referendum de 2005 contre la constitution européenne pour la faire adopter finalement en janvier 2008 par le congrès quelques mois après l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée… Le peuple vote mal, coupons lui le sifflet !