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Quand la Turquie ne veut pas s’assimiler…

En visite d’Etat lundi  en Turquie,  la chancelière allemande Angela  Merkel a déclaré comme elle l’avait fait la semaine dernière dans les medias  turcs et allemands qu’elle restait opposée à une adhésion pleine et entière de la Turquie à l’UE, à laquelle elle préfère la solution d’un « partenariat privilégié ». Alors qu’Ankara a déjà ouvert depuis cinq ans 12 des 35 chapitres de « l’acquis communautaire » nécessaire à l’adhésion,  le ministre turc chargé des Affaires européennes, Egemen Bagis,  a souligné  samedi que la notion de partenariat privilégié « n’existait pas, et n’avait pas de fondement légal ». Reste que la Turquie a  ralenti très sensiblement  le rythme des réformes qui étaient exigées d’elle comme préalable à son intégration dans l’Europe. Ce qui participe comme nous allons le voir d’un repositionnement  géopolitique de ce pays.

En  effet, si les pourparlers avec l’UE achoppent  sur la non-reconnaissance par Ankara de la République de Chypre, membre de l’UE, la question iranienne est également au cœur des débats. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est en effet opposé à de nouvelles sanctions.

Membre de l’Otan  (et membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies), allié traditionnel des Etats-Unis,  entretenant avec Israël  une coopération assez soutenue sur le plan militaire,  la Turquie est  un  pays « à part » au Proche-Orient  mais  sa  politique étrangère  a subi ces derniers mois une inflexion  marquée. A tel point que le néoconservateur  Daniel Pipes, a publié, dans le quotidien  Jerusalem Post le  28 octobre 2009, un article dont la tonalité était résumée par un  titre  assez fracassant : La Turquie, ce n’est plus un allié ».

A l’appui de sa thèse M. Pipes citait le fait que l’armée turque  avait  demandé le 11 octobre dernier   aux forces israéliennes de ne pas participer à l’exercice annuel de la Force aérienne turque, le Premier ministre  Erdogan  et  le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu évoquant des  « sensibilités diplomatiques », notamment  « à propos de Gaza, Jérusalem-Est et la mosquée d’Al-Aqsa ». Or  deux jours plus tard le ministre des Affaires étrangères de Syrie, Walid al-Moallem, annonçait un exercice militaire conjoint des Forces turques et syriennes près d’Ankara ».

Enfin, lors de la  rencontre de dix ministres turcs sous l’égide de M. Davutoglu et  de leurs homologues syriens , dans le cadre  du nouveau « Haut Conseil de Coopération stratégique Turquie-Syrie », ce renforcement de la coopération militaire entre les deux pays  a été réaffirmé avec l’annonce d’un accord stratégique (en novembre),  une déclaration conjointe annonçant la formation d’un « partenariat stratégique durable  entre les deux parties ».

Au-delà,  Daniel Pipes cite  le livre du  ministre des Affaires étrangères  turc,  paru en 2000 « Profondeur stratégique : la position internationale de la Turquie », qui énonce une volonté de voir son pays émerger comme une puissance régionale,  ce qui passe  par une  pacification des relations entre Ankara et ses voisins musulmans  et de facto, une prise de distance avec l’UE, les Etats-Unis et Israël.

A Tel Aviv, rapporte encore le site voxnr,  l’analyste Barry Rubin a déjà tranché : « le gouvernement turc est plus proche politiquement de l’Iran et de la Syrie que des Etats-Unis et d’Israël » et Caroline Glick, éditorialiste du Jerusalem Post, le confirme : « Ankara a déjà quitté l’alliance occidentale et est devenue un membre à part entière de l’axe iranien. »

« Or ce changement capital dans les choix géopolitiques de la Turquie est lourd d’implications dont la principale est sans doute la mise tacite sous le boisseau de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Dans le même temps on assiste également à un rapprochement  assez spectaculaire avec la Russie (soutien aux  positions de Moscou  sur l’indépendance du Kosovo, le refus de l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan, invitation faite à la Russie de participer au projet Nabucco, cette route énergétique partant d’Iran dont les Européens entendaient l’exclure…) ».

« En attendant, il se pourrait bien qu’un autre pays frappe à la porte d’entrée de l’Europe : Israël, au sujet duquel, le porte-parole de la diplomatie européenne, Javier Solana, a déclaré, le 21 octobre dernier  qu’ Israël est plus proche de l’Union européenne que ne l’est la Croatie (…) Israël, permettez-moi de le dire, est un membre de l’Union européenne sans être membre de ses institutions ».

Refermons la parenthèse et soulignons encore que la  visite de Mme Merkel auprès de son homologue turc avait pour but de régler le désaccord entre Berlin et Ankara sur  la création d’écoles ottamanes en Allemagne. Au nom d’une logique nationale et  identitaire qui à sa cohérence, pour peu que les populations turques vivant en Allemagne aient vocation à ne pas y rester,  M. Erdogan, avait déclaré  il y a deux ans refuser l’assimilation des Turcs,  souhaitant  dans cette optique  la création d’établissements d’enseignement secondaire turcs dans ce pays.

Une idée alors  rejetée par la chancelière et la grande majorité de la classe politique Outre-Rhin qui militent pour « l’intégration », à l’heure où la forte communauté turque -officiellement 1,8 million de personnes, auxquelles s’ajoutent 700.000 Allemands d’origine turque- génère de lourds  problèmes d’insécurité et est « travaillée » également par le fondamentalisme islamique

 Finalement,  Mme Merkel a jugé lundi que des écoles enseignant en turc pourraient être ouvertes en Allemagne, mais que cela ne devait pas être un « prétexte » pour les immigrés de ne pas apprendre l’allemand et de ne pas s’intégrer. « Apprendre la langue de la société dans laquelle on vit est une condition de l’intégration, ce n’est pas de l’assimilation ». Bref l’acceptation tacite par Mme Merkel d’une dérive  communautariste particulièrement problématique, a fortiori  en Allemagne, nation confrontée au terrible hiver démographique que l’on sait…

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