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Terrorisme islamiste et manipulation : un pas de deux

 

Le terrorisme  islamiste a  frappé la Russie lundi avec les deux  bombes qui ont explosé dans le métro à Moscou. Un double  attentat particulièrement sanglant (38 morts et 63 blessés)  commis par des femmes kamikazes et   revendiqué mercredi par le chef du groupe rebelle islamiste « l’Emirat du Caucase », Dokou Oumarov. Oumarov a expliqué qu’il s’agissait d’ « un acte de vengeance » pour une opération spéciale menée par les forces de l’ordre russes le 11 février en Ingouchie. Une région limitrophe des  républiques du Daguestan et de la Tchétchénie, elles aussi toujours fragilisées par un irrédentisme soutenu et encadré par les « fous d’Allah ». Les organisateurs des attentats seront « retrouvés et anéantis », a déclaré le président russe Dimitri Medvedev.

La  violence terroriste islamiste est une incontestable réalité, elle ne doit pas pourtant nous inciter à endormir notre sens critique, nous empêcher de percevoir  son instrumentalisation auprès des opinions occidentales, et ce  à des fins pas toujours très « catholiques ».  Signalons à ce titre, le colloque organisé au Sénat fin janvier 2010, auquel était invité Alain Chouet, ancien directeur de service de la DGSE.

Chef du bureau de coordination des recherches et opérations anti-terroristes pendant cinq ans,   Conseiller technique (islam, terrorisme) du directeur du renseignement de 1996 à 1999, M. Chouet  a rappelé notamment qu’« al Qaïda est morte sur le plan opérationnel dans l’anéantissement de Tora Bora en 2002 », qu’aucun membre de cette organisation n’a agi dans les attentats de Londres, Madrid, Casablanca, Djerba, Sharm el-Sheikh, Bali, Bombay.
Certes si Al-Qaïda est morte,  «avant de mourir, elle a été engrossée par les erreurs stratégiques de l’Occident et les calculs peu avisés d’un certain nombre de régimes de pays musulmans ».

Au nombre de ses erreurs stratégiques, nous citerons  l’enlisement de l’Otan en Afghanistan. A ce sujet le blog Secret Défense animé par Jean-Dominique Merchet, souvent bien renseigné,  revient sur un document interne de la CIA  « mis en ligne par un site américain spécialisé dans la divulgation d’informations confidentielles, Wikileaks». « Cette note de quatre pages aurait été rédigée par la Red Cell (cellule rouge) de la CIA – un organisme créé au lendemain du 11 septembre pour produire des études non-conventionnelles et nourrir la réflexion du Directeur national du renseignement ».  « La CIA ne reconnait pas officiellement la paternité de cette note »,  aussi, « l’hypothèse qu’il s’agisse d’une manipulation ne peut être totalement exclue » est-il cependant précisé.

« Le document, en date du 11 mars 2010, se révèle particulièrement intéressant et écrit par des professionnels de la communication et de l’opinion publique. Il est intitulé  » Afghanistan : Sustaining West European Support for Nato-led Mission. Why Counting on Apathy Might Not Be Enough« . Il est le type même de rapport que tout service responsable et compétent doit produire régulièrement ».

« La rédaction de cette note aurait été déclenchée par la chute du gouvernement néerlandais, le 20 février dernier, sur la question de l’engagement militaire en Afghanistan. Un expert de la « communication stratégique » de la CIA et des analystes du Département d’Etat, en charge du suivi des opinions publiques au bureau du renseignement et de la recherche (INR) auraient été invités à en tirer les conclusions ».

Pour ce qui est de la France  il est souligné que  « les Français sont focalisés sur les civils et les réfugiés ». « Il s’agirait donc de citer des exemples de gains concrets ».  Les partisans de l’engagement sont en effet sensibles à « la mission d’aide aux civils afghans, alors que les opposants font valoir que la mission blesse des civils ». « Il est important de contredire l’idée selon laquelle l’ISAF fait plus mal que de bien, en particulier pour la minorité musulmane de France ». Selon la note, il convient également de mettre en avant le soutien de la population afghane à la coalition occidentale ».

« La note estime qu’il faut « dramatiser les conséquences négatives potentielles pour les civils afghans d’une défaite de l’Otan ». On pourrait ainsi « tirer parti de la culpabilité des Français à les abandonner. La perspective de voir les talibans faire reculer les progrès durement acquis sur l’éducation des filles pourrait provoquer l’indignation française ». Cet argument pourrait devenir « un point de ralliement pour un public en grande partie laïque ».

« Les rapporteurs font preuve d’une bonne connaissance des affaires intérieures françaises souligne Jean-Pierre Merchet  lorsqu’ils écrivent ensuite : « la controverse médiatique générée par la décision de Paris d’expulser douze réfugiés afghans fin 2009 suggère que les histoires sur le sort des réfugiés  sont susceptibles de trouver un écho auprès du public français. » La note propose donc de « soutenir une campagne d’information » sur le thème :  » la défaite de l’OTAN en Afghanistan pourrait entrainer une crise (par afflux) de réfugiés« .

« La note propose encore deux axes de communication : la popularité élevée du président Obama, qu’il conviendrait de ne pas décevoir, et le sort des femmes afghanes. Celles-ci sont des « messagères idéales pour humaniser l’Isaf ». Il faut donc organiser des « opportunités médiatiques » pour qu’elles puissent partager leurs expériences auprès des femmes d’Europe de l’ouest, pour convaincre celles-ci du bien fondé de l’action de l’Otan ».

« Reste à savoir si les politiques et les communicants français vont appliquer ces recommandations de la CIA (ou des rédacteurs de cette note, quels qu’ils soient). Quelque chose me dit que c’est probable » conclut M. Merchet. « Probable », c’est le mot juste.

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