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Dans un monde multipolaire…

A l’aune des derniers évènements au large de Gaza, l’accord, signé le  17 mai par l’Iran, la Turquie et Brésil, prévoyant  l’échange en Turquie de 1200 kg d’uranium iranien faiblement enrichi (3,5%) contre 120 kg de combustible enrichi à 20%, fournis par les grandes puissances et destinés au réacteur de recherche de Téhéran, prend un relief tout particulier.  Un accord qui a déclenché la colère des Etats-Unis qui ont vivement critiqué cet accord tripartite. Au lendemain de celui-ci, les Etats-Unis ont déposé un projet de résolution au Conseil de sécurité pour renforcer les sanctions contre l’Iran. Hier, le site de la présidence iranienne a fait savoir que le président brésilien Luiz Ignacio Lula da Silva  a déclaré  lors d’un entretien téléphonique avec son homologue  iranien Mahmoud Ahmadinejad, qu’il allait appeler ses homologues français, russe et chinois pour obtenir leur soutien à l’accord en question…

Le contre-feu  américain ne s’est pas fait attendre puisque le même jour, les Etats-Unis ont annoncé qu’un rapport de l’ONU démontrait « les manquements continus de l’Iran à respecter ses obligations internationales et à coopérer » avec les Nations unies sur son programme nucléaire. Selon « un document confidentiel » de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA), évoqué  par  le porte-parole du Conseil national de sécurité américain, Michael Hammer, « l’Iran a produit au moins 5,7 kilos d’uranium enrichi à 20% jusqu’à début avril, un matériau dont Téhéran affirme qu’il est destiné à son réacteur nucléaire de recherche ».L’AIEA, s’est déclarée « inquiète de la possibilité d’existence en Iran d’activités cachées liées au nucléaire, passées ou actuelles, impliquant des organisations liées à l’armée ».

Sur le site oumma.com,  Mohamed Tahar Bensaada consacre un long article sur le précédent que constitue  cet accord historique entre l’Iran, la Turquie et le Brésil.   « En effet note-t-il,  en mobilisant à ses côtés deux grandes nations du sud qui passent pour être amies des USA (la Turquie est membre de l’OTAN et entretient (entretenait?) des relations privilégiées avec Israël, le Brésil est quant à lui engagé dans un vaste programme d’intégration industrielle et militaire avec son grand voisin du nord), l’Iran a su montrer qu’il n’était pas si isolé sur la scène internationale et que son intransigeance apparente sur ce dossier ne fait que refléter l’aspiration légitime et commune à toutes les nations du sud à un développement de capacités technologiques et nucléaires à des fins civiles  (…) ».

« La scène internationale est d’une telle complexité poursuit-il,  qu’elle permet désormais une certaine marge de manœuvre à des acteurs moyens qui ne sont pas obligés d’adopter une ligne de rupture radicale à l’égard de la superpuissance américaine pour affirmer leurs intérêts propres. Mieux, c’est parce qu’elles entretiennent une relation de coopération privilégiée avec les USA et avec les Etats dissidents comme l’Iran que ces puissances moyennes ont plus de chance de réussir une médiation diplomatique qui serve leurs intérêts commerciaux et stratégiques et consolide leur nouveau statut international ».

« L’accord tripartite irano-turco-brésilien ne doit pas être lu de manière unilatérale relève-t-il encore. Certes, la Turquie et le Brésil ont envoyé à l’Iran une bouée de sauvetage inespérée. Mais ces deux puissances moyennes émergentes ne l’ont pas fait pour les beaux yeux de l’Iran. Elles ont aussi énormément à gagner sur les plans stratégique et commercial dans une région vitale pour le système mondial. Ce n’est pas un hasard si l’intervention diplomatique inattendue de la Turquie et du Brésil a d’abord importuné les puissances en perte de vitesse sur ce dossier comme la France et l’Allemagne ».

« En revanche, en jouant sur cette compétition internationale, l’Amérique peut arriver à neutraliser les ambitions des uns et des autres sur la scène internationale. De ce point de vue, l’accord irano-turco-brésilien peut être lu de deux façons à Washington. Certes, cet accord permet à l’Iran de s’en sortir à bon compte. C’est ce qui dérange la diplomatie américaine. Pour cette dernière, il n’est pas question de récompenser l’intransigeance iranienne. Mais une autre lecture est possible. Cet accord a permis de sortir du jeu la Russie et la France punies par Téhéran pour s’être trop compromises avec Washington dans le système de sanctions imposées à l’Iran. En outre, cet accord permet à deux puissances émergentes « amies » d’entrer (pour le Brésil) ou de consolider sa position (pour la Turquie) dans la région vitale du Moyen Orient ».

Chacun est libre de ne pas partager  les analyses de Mohamed Tahar Bensaada que nous relayons partiellement ici, notamment  son optimisme ( ?) sur la volonté de Téhéran  de n’utiliser le nucléaire qu’à des fins civiles. Cela étant, comme l’a souvent relevé  Jean-Marie Le Pen, l’Iran est entouré de nations possédant l’arme atomique et  celle-ci  est «  une arme de dissuasion,  de non-emploi ».  A ce jour,  les Etats-Unis ont été les seuls à l’utiliser sur des populations civiles. Les Américains le savent d’ailleurs très bien, Barack Obama le premier, l’Iran chiite des mollahs, malgré ses discours homériques et apocalyptiques vis-à-vis d’Israël, est autrement moins dangereux pour la sécurité de la planète qu’une puissance dotée de la bombe comme le Pakistan en proie à la guerre civile des fous d’Allah.  Enfin, il semble en effet évident que la France,   n’a rien gagné  à s’aligner largement  sur les dogmes américains –y compris sur le plan économique-  notamment au Proche et au Moyen-Orient,  ce qui a beaucoup nui au  rayonnement international de notre pays.

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