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La révolte des « actionnaires »?

Il n’y a pas qu’aux Etats-Unis que  des personnalités de tout premier plan   s’interrogent ouvertement sur l’efficacité de  la stratégie suivie pour mater « l’insurrection » des talibans. « Scandale » au sein de la « Grande muette »,  un militaire français  occupant des fonctions éminentes,   le général  d’active Vincent Desportes, directeur du Collège interarmées de défense (CID a  « osé »   rompre avec le discours officiel. ce qui n’a pas été vraiment apprécié par  sa hiérarchie. Le chef d’état-major des armées, l’amiral Edouard Guillaud, a fustigé aujourd’hui sur Europe 1,  «  une opinion malvenue » et  « irresponsable » car émanant  de « quelqu’un qui est en activité et qui, de ce fait, a une crédibilité ».

Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde (édition en date de ce vendredi), le général Desportes ne s’embarrasse pas de circonlocutions  pour affirmer qu’en  Afghanistan, « factuellement , la situation n’a jamais été pire. La doctrine de contre-insurrection traditionnelle, telle que l’a engagée Stanley McChrystal (voir nos articles à ce sujet) depuis un an, avec un usage restreint de l’ouverture du feu, des moyens aériens et de l’artillerie pour réduire les dommages collatéraux, ne semble pas fonctionner ».

« Si la doctrine McChrystal ne fonctionne pas ou n’est plus acceptée, il faudra bien revoir la stratégie » et « probablement repousser la date du retrait d’Afghanistan », sachant que le président Obama a prévu (promis)  le début du  retour des boys  sur le sol américain en juillet 2011.

 Selon le général Desportes,  le renvoi du général  McChrystal, qui succède à l’éviction de son prédécesseur,  le général David McKiernan , « révèle une faiblesse  (…), tout se passe comme si le président (américain) n’était pas très sûr de ses choix ».  Signe de ce flottement dans la conduite de ce conflit, il affirme que l’envoi de 30 000 soldats américains en renfort, annoncée en décembre par M Obama ne résoudra rien : « Tout le monde savait que ce devait être zéro ou 100.000 de plus (…), on ne fait pas des demi-guerres ». Or,  les doutes  des autorités américaines sur la stratégie à suivre  ont «  des conséquences sur le moral des troupes » et l’ « on ne peut pas faire la guerre contre le moral des soldats ».

Enfin,  et cela explique grandement la colère  du chef d’état-major des armées cité plus haut,  le directeur du CID a brisé  le mythe, véhiculé par les pontes de l’Otan et  ses relais, d’une coalition des « nations libres »  en  guerre « contre le terrorisme »,   en  affirmant que le conflit en  Afghanistan « est une guerre américaine » dans laquelle « il n’y a pas de voix stratégique des alliés ». « Quand vous êtes actionnaire à 1%, vous n’avez pas la parole »…

Rappelons que   le géopoliticien  Aymeric Chauprade, enseignant au CID,  en fut débarqué  manu militari  l’automne dernier par Hervé Morin et le lobby atlantiste, pour avoir énoncé  un certain  nombre de vérités sur « l’allié américain », ses objectifs et ses méthodes…

Pour faire écho à cette polémique naissante, citons encore les propos de Hugues Kéraly dans Sedcontra : « Pourquoi en refuser l’évidence : 99% de la population rurale d’Afghanistan accepte ou protège le retour en force des Talibans. Le combat pour la démocratie et la liberté dans ce pays n’est donc pas l’affaire de la France, si les Afghans eux-mêmes n’en veulent pas ».

M. Kéraly s’arrête sur le cas du Maréchal Lyautey, « seule personnalité occidentale à avoir réussi (en 30 ans) la pacification durable d’un pays musulman, expliquait ainsi les raisons de son succès:

Au fond, si j’ai réussi au Maroc, dans la tâche que le gouvernement de la République m’avait confiée là-bas, c’est pour les raisons mêmes qui me rendaient inutilisable en France […] J’ai réussi au Maroc parce que je suis monarchiste et que je m’y suis trouvé en pays monarchique […] J’étais religieux, et le Maroc est un pays religieux […] Je crois qu’il n’y a pas de vie nationale possible et prospère, et naturelle, qui ne fasse sa place au sentiment religieux, aux disciplines religieuses […] Je crois à la bienfaisance, à la nécessité d’une vie sociale hiérarchisée. Je suis pour l’aristocratie, pour le gouvernement des meilleurs ».

Pourtant, relève M. Kéraly,  « la politique actuelle de lutte contre le terrorisme en Afghanistan fait exactement le contraire : elle invoque des principes égalitaires qui n’ont aucun sens pour les populations locales. Elle ignore les hiérarchies, les alliances, les autorités ancestrales de l’organisation tribale qui caractérise encore ce pays. Dans les unités de la nouvelle armée afghane, elle anesthésie d’avance le courage militaire en mélangeant les ethnies. Le Président Sarkozy a affirmé un jour qu’il fallait tout faire pour éviter que l’Afghanistan ne retourne au Moyen-Age. Ce serait pourtant déjà un énorme progrès ».

 

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