Le Figaro donne la parole à Philippe, 44 ans : « Je fais confiance à Marine pour ne pas faire les mêmes bévues que son père sur les Juifs ». «Louis, 63 ans », « encore indécis » précise de son côté: «Je me dis que Marine peut nous faire gagner en 2012, mais je crains qu’elle le fasse en édulcorant les valeurs pour lesquelles nous militons depuis des dizaines d’années».Un autre adhérent, « Pierre » explique : « Avant toute chose, il faut rassembler notre camp ». Un « militant de 33 ans » est-il encore rapporté ajoute : «Quand on s’est dédiabolisés en 2007, on a fait 10% (à la présidentielle, ndlr) pendant que Sarkozy gagnait en parlant de nettoyer les cités au Kärcher ».
Car au-delà de l’étude pseudo sociologique et assez sujette à caution des soutiens respectifs de Bruno et de Marine, ce sont bien les différences stratégiques entre les deux candidats à la présidence du FN qui sont les plus stimulantes pour le débat d’idées entre frontistes.
Chercheur à l‘Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) et « spécialiste (médiatique) de l’extrême droite », Jean-Yves Camus affirme que « Si Marine Le Pen prend le soin d’entretenir une image plus ouverte, et que la sociologie de ses partisans est différente de ceux de Bruno Gollnisch, la radicalité idéologique de leurs propos n’est pas si divergente». «Tous deux prônent la préférence nationale, sont anti-européens, anti-immigration, anti-mondialiste… ».
« La vraie différence, poursuit-il, c’est que Marine Le Pen s’inscrit dans une stratégie électoraliste en visant le pouvoir, alors que Bruno Gollnisch se place dans une stratégie plus réaliste de renforcement du socle électoral. Avec 15 ou 20% des suffrages, je vois mal comment Marine Le Pen pourrait accéder aux affaires, alors même qu’elle refuse toute alliance avec l’UMP ».
Le projet mariniste de « faire du Front National le pôle de rassemblement du peuple français tout entier est une stratégie qui n’est pas sans danger. Comment peut-on dire qu’on ne veut pas témoigner et écarter les alliances? », se demande-t-il. Marine Le Pen dit « quelque chose de fondamental aux cadres et aux adhérents, c’est qu’ils vont y arriver. En promettant d’atteindre le sommet, elle risque donc surtout d’engendrer une forte frustration… » explique encore M. Camus.
Cette ambition, légitime en soi, de voir le FN, seul contre tous, rafler la mise et prendre d’assaut l’Elysée à la hussarde avec la majorité des voix est une hypothèse hasardeuse, totalement irréaliste diront les plus critiques. Elle l’est en tout cas aux yeux de la très grande majorité des Français, elle impliquerait une déflagration générale du Systéme…dans les 18 mois qui viennent. Après tout pourquoi pas ? L’avenir n’est écrit nul part et comme très souvent dans l’histoire ce sont les évènements les plus importants qui sont les plus imprévisibles.
S’il n’y a pas de miracles en politique, cet objectif n’est pas pour autant à perdre de vue, mais il nécessite déjà de rassembler notre camp, les électeurs nationaux, ceux de la droite sociale et de la gauche patriotique en déshérence, de porter le FN à un étiage de 20% des suffrages, qui le rendra réellement incontournable.
Un socle électoral qui permettrait déjà d’enrayer fortement les rouages de ce système mortifère, de prendre des assemblées régionales, des communes, des circonscriptions…
Bruno associe la fermeté et le réalisme politique. Pas question de se vendre pour un plat de lentilles à l’aile droite du système, de transformer le Mouvement national en force supplétive, d’imiter la trajectoire pathétique d’un Gianfranco Fini, qui de glissements sémantiques en reniements honteux ânonne désormais le discours officiel des « élites ».
Le vice président du FN a fait part ces derniers temps de sa conviction selon laquelle il lui apparaît que l’UMP va imploser sous le poids de ses propres contradictions entre une base sensible aux valeurs patriotiques et nationales et un état-major vendu au mondialisme. Le candidat à la succession de Jean-Marie Le Pen a noté que cette implosion annoncée du parti sarkozyste allait se traduire par des « personnes », des « électeurs » et des élus » UMP qui se rapprocheront du FN. « Je pense que Christian Vanneste fera peut-être partie des gens qui nous rejoindront », notait il encore dernièrement à titre d’exemple -voir notre article en date du 10 novembre. A nous de ne pas leur fermer la porte.
Il s’agit de ne pas cantonner uniquement le FN dans le rôle d’une simple machine de soutien au candidat frontiste à la présidentielle, mais en force capable d’ébranler, de grignoter le système de l’intérieur. Un exemple : la conjonction d’une UMP localement inexistante et d’un PS communal totalement discrédité a failli ouvrir aux dernières municipales les portes de la mairie d’Hénin-Beaumont au ticket Steeve Briois-Marine Le Pen qui a mené une très belle campagne de terrain. Sur cette liste ne figurait pas uniquement des frontistes « pur sucre »… et la flamme du Front était absente sur leurs affiches.
Autre exemple, plus lointain : Gollnisch a mis sur pied lors des régionales de 1998, avec l’accord de Jean-Marie Le Pen et du Bureau Politique, une stratégie visant à faire élire plusieurs présidents de région de droite avec l’appui du FN. Stratégie dont il a failli résulter une redistribution générale des cartes de la vie politique française, et qui n’a achoppé alors que sur l’opposition de Chirac…
Il appartient au FN, selon les vœux qui sont ceux de Bruno Gollnisch, de s’enraciner localement, de se doter d’un appareil solide, structuré, cohérent, de cadres et de militants bien formés. En un mot d’améliorer l’attractivité de notre Mouvement afin d’envoyer ce signal positif aux millions de Français tentés par le vote FN mais qui doutent encore de notre crédibilité.
Dans la course contre la montre dans laquelle nous sommes engagés pour sauver notre pays, Bruno ne rejette aucune initiative, n’insulte pas l’avenir, reste dans une logique résolue de rassemblement.