« Il s’agit notamment de renforcer le Fonds de soutien financier de la zone euro et de définir les contours du mécanisme permanent appelé à lui succéder à partir de 2013. Mais aussi de se mettre d’accord sur la contrepartie exigée par des pays comme l’Allemagne, à savoir une plus grande discipline budgétaire et un pacte pour renforcer la compétitivité européenne ».
Une « source proche des négociations » rapporte qu’ « on assiste à une partie d’échecs. Les Allemands n’accepteront pas de bouger sur le Fonds de secours si Merkel ne peut pas aller au devant de ses électeurs pour leur dire qu’elle a obtenu des engagements des autres pays à réformer leurs économies. C’est tout l’objet du pacte de compétitivité. » « Le vrai sujet des négociations, c’est le contenu du Fonds à présent. Pourra-t-il ou non racheter de la dette? Accorder des lignes de crédit à court terme? »
Et ce, dans un climat économique toujours aussi morose puisque parmi les principales économies de la zone euro, la croissance a continué à ralentir, notamment en Allemagne: son PIB a augmenté de seulement 0,4% au quatrième trimestre après 0,7% au troisième et même 2,2% au deuxième. Parmi les pays fragiles du Sud de la zone euro, le PIB a augmenté de 0,2% en Espagne et de seulement 0,1% en Italie. Il a même reculé de 0,3% au Portugal et de 1,4% en Grèce.
En France, la croissance a été seulement de 0,3%, comme sur les trois mois précédents, sachant que selon les derniers chiffres de la balance commerciale, négative pour la huitième année consécutive, notre déficit a atteint en 2010 51,4 milliards d’euros. En 2008 le déséquilibre était selon les douanes de 55,14 milliards d’euros ; en 2009 il était moindre à 43,03 milliards.
Plus largement, c’est encore une fois la question de la viabilité de l’euroland qui est posée et partant, de sa disparition éventuelle, engendrée par une divergence toujours plus accrue entre les économies des pays membres.
Dans un entretien accordé au quotidien La Tribune le 15 février , le professeur Niall Ferguson, enseignant à l’université d’Harvard ne parle pas la langue de coton : « il y a déjà dix ans, j’avais annoncé que la zone euro serait une entité instable parce qu’une union monétaire sans une union fiscale n’est pas durable. Cette analyse a été validée par la crise. Actuellement, je crois que la situation reste très fragile et peut aisément se résumer par une question: l’électeur chrétien-démocrate allemand est-il prêt à accepter un changement institutionnel conduisant à des transferts de revenus de l’Allemagne vers la périphérie de l’Europe? La réponse est non ! »
«Jusqu’à la réunification du pays, poursuit-il il était admis que l’Allemagne était le financier du processus d’intégration européenne. Elle devait fournir la première contribution au budget européen : pour la génération d’Helmut Kohl, il s’agissait d’une sorte de réparation après la Deuxième Guerre Mondiale. Les nouvelles générations allemandes ne ressentent pas la même obligation ». Jugement qui fait écho au retour sur la scène européenne d’une Allemagne désinhibée et assumant son passé « impérial », comme le notait dernièrement Marie-France Garaud –voir notre article en date du 25 février.
« Ce qui pose un problème majeur relevait encore le professeur Ferguson, parce que s’il n’y a plus personne pour faire des chèques, le processus d’intégration européenne ne peut pas continuer. En fait, il pourrait même aller à rebours (…). Nous vivons une période de désintégration économique qui est très profonde et structurelle. Si vous regardez les coûts unitaires du travail, depuis la création de la zone euro en 1999, vous constatez une divergence, et non une convergence, ce qui est très problématique. Dans la période précédente, on aurait résolu le problème avec des dévaluations dans les pays devenus trop chers. Aujourd’hui, le seul ajustement possible passerait par des réductions nominales de salaires aux travailleurs Grecs, Irlandais, Portugais ou Espagnols, ce qui est très difficile, si ce n’est impossible. »
« Je pense que ce serait une grande erreur ajoutait-il, de croire que simplement parce que l’euro existe maintenant, il sera toujours là dans 10 ans. Le manque de volonté politique en Allemagne et la désintégration structurelle à l’œuvre dans la zone euro sont les deux facteurs qui rendent la survie à long terme de l’euro improbable. » Les paris sont ouverts…