Cette opération visant à liquider la dictature de Kadhafi, qui avait en outre le fâcheux inconvénient de s’opposer au projet sarkozyste ( ?) d’ Union pour la Méditerranée (UPM), peut certes être parée d’une exigence humanitaire. Mais à ce compte là, le « camp du bien » symbolisé par l’Otan pourrait démultiplier les interventions militaires. Et à 300 000 euros pièce le missile tiré, le budget de nos armées n’y suffirait pas.
Ce recours à l’intervention militaire, et bien malin qui devinera l’’issue de ce soutien à la « révolution libyenne », a été critiqué avec force par l’évêque de Tripoli, Monseigneur Giovanni Martinelli, dans un entretien téléphonique avec la chaîne transalpine Rai News 24 , le 21 mars.
« Je me demande pourquoi a-t-il déclaré, il y a eu cette précipitation à employer la violence alors que je peux témoigner, moi, qu’on était en train de chercher des médiations. Et je me demande si l’Italie –liée jusqu’alors par un « traité d’amitié » avec la Lybie, NDLR- ne pouvait pas aussi jouer cette carte de la médiation. Elle ne l’a pas fait et elle veut même, à présent, utiliser la violence. Mais c’est une chose incroyable, ça, que je ne comprends pas. Ce pouvait être l’Italie, ce pouvait être l’Union africaine, ce pouvait être d’autres personnes du monde arabe, qui essaient de calmer et surtout de comprendre ce qui était en train de se passer dans la société libyenne ».
Interrogé début mars par le journaliste Maurizio Matteuzzi sur les raisons de cette révolte d’une coalition tribale contre le pouvoir, Mgr Martinelli précise que « les Libyens ne sont pas fondamentalistes mais le fondamentalisme est présent dans la révolte et les instrumentalise. »
« La mèche qui a mis le feu aux poudres poursuit-il n’est pas la revendication religieuse-politique d’Al Qaeda, mais beaucoup plus terre à terre : le problème du logement, celui des salaires qui touche surtout les jeunes, part prépondérante des 6 millions et demi de Libyens, même si la pauvreté en Libye n’a rien de comparable avec celle en Tunisie et en Egypte.»
«Et puis, indubitablement il y a l’effet domino : la contagion des révoltes tunisienne et égyptienne. La crise est donc une crise générationnelle, que le régime n’a pas évaluée et écoutée peut-être de peur d’ouvrir une brèche au fondamentalisme ».
Une brèche que Daoudal Hebdo perçoit en Egypte, où se déroulait un referendum portant sur les modifications à la Constitution. Le « Oui » l’a emporté à 77,2 %. Un appel au vote « Oui » relayé par le parti de Moubarak « qui demeure très puissant (car si Moubarak a disparu, sa nomenklatura est toujours là) »…et les Frères musulmans.
En, effet, « les amendements constitutionnels préservent l’article 2 de la Constitution, celui qui stipule que l’islam est la religion de l’Etat et que les principes de la charia constituent la source principale de la législation. Le grand imam d’Al Azhar avait prévenu qu’il n’était pas question de toucher à cet article sous peine de provoquer des troubles. »
« L’Egypte musulmane réelle, relève encore Yves Daoudal, même quand elle a éventuellement manifesté place Tahrir avec les révolutionnaires , rappelle que l’ordre islamique doit régner, et qu’il est temps d’arrêter de rêver. Et c’est une indication pour les prochaines législatives, où les Frères musulmans seront en situation de force comme jamais dans leur histoire…»