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Le Déclin de la démocratie Française

A la demande    de beaucoup de nos fidéles internautes, nous reproduisons ici l’intervention de Bruno Gollnisch lors des Journées d’été de Marine Le Pen, samedi 10 septembre 2011 à Nice. Celle-ci est   par ailleurs consultable sur ce blog sous forme vidéo.  

Le Déclin de la démocratie française

Le thème de mon intervention est le « Déclin de la démocratie française », vaste sujet ! Mais d’abord, y a-t-il jamais eu beaucoup de démocratie en France ? Il y en a eu davantage certainement autrefois qu’aujourd’hui, mais qu’est ce que la démocratie ?

La démocratie, c’est une belle chose, quand elle est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cette idée européenne, cette idée française a fait son chemin jusqu’en Chine : le fondateur de la République chinoise, Sun Yat-sen, dans son « Triple Démisme » avait repris cette idée du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Principe qui reste encore d’ailleurs, éventuel et hypothétique dans ce grand pays.

Contrairement à ce que l’on pense, la démocratie française n’est pas à proprement parler issue de la Révolution.

Les Etats généraux de la monarchie, convoqués en 1789, étaient assez démocratiques. Certes la population était convoquée par ordre : le Clergé, la Noblesse, le Tiers Etat. Mais dans le Tiers Etat, tout le monde votait, y compris les plus humbles laboureurs. Et non seulement on votait, mais en plus on donnait aux délégués un mandat impératif, ce qui est assez intéressant. Et l’on écrivait des cahiers de doléances dont la lecture aujourd’hui demeure passionnante. Ces cahiers de doléances expriment toutes les craintes et toutes les espérances de la société française de l’époque. Ils s’entendent à peu près sur deux choses essentielles : le maintien de la monarchie et du rôle de l’Eglise catholique ; deux points que les révolutionnaires auront à cœur d’éradiquer de façon radicale.

La Déclaration des Droits de l’Homme t du Citoyen du 26 août 1789 comporte un article 6 : « La loi est l’expression de la volonté générale ; tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation ; elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse« . Et on lit plus loin : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux [aux yeux de la loi], ils sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois selon leurs capacités et sans autre distinction que leur mérite et leurs vertus ».

Vaste et beau programme, dont les Constituants de 1791 ne tiendront compte que très partiellement. Car, il faut bien le dire, si tous les Français, du moins de sexe masculin et adultes, étaient citoyens, il y en avait qui étaient plus citoyens que d’autres !

N’avaient le droit de vote que les citoyens actifs. Et pour être actif, il fallait payer l’équivalent de trois journées de travail d’impôt. Et cela a restreint le droit de vote à un dixième de la population. On est par conséquent entré dans un système censitaire. La parfaitement « démocratique » constitution de 1793, une fois la République proclamée et le malheureux Louis XVI éliminé, prévoyait, elle, que tout homme né et domicilié en France, âgé de 21 ans accomplis, était admis à l’exercice des droits de citoyen français. Il n’y avait donc  plus de distinction de fortune.

Il y avait même une disposition très intéressante : les citoyens devaient se rassembler au siège du canton, et quand les organes législatifs avaient élaboré un projet de loi, celui-ci devait être affiché dans les mairies. Au bout d’un délai de 40 jours, si la moitié des cantons avaient protesté, le corps législatif devait faire juge la Nation tout entière.

Ces dispositions étaient magnifiques, mais elles étaient tellement parfaites qu’elles ont été suspendues le lendemain de leur promulgation et remplacées par la dictature du Comité de Salut Public de Robespierre et par la Terreur !

Puis vint la Constitution du 5 fructidor An III, celle du Directoire, qui prévoyait des assemblées diverses de citoyens. Chaque groupe de 100 habitants devait désigner au niveau du canton un électeur. Puis ces électeurs se rassemblaient au niveau du département et ils désignaient à nouveau un centième des leurs, pour former le corps législatif, le Conseil des Anciens, le Conseil
des Cinq-Cents.

Les Constitutions du Consulat et de l’Empire, qui suivirent celles du Directoire,  avaient prévu un système un peu comparable : on se réunissait au niveau de l’arrondissement communal, c’est-à-dire de la municipalité, puis de l’arrondissement départemental, et à chaque fois on élisait un dixième des citoyens. On établissait ainsi des listes de confiance, mais c’était le pouvoir exécutif qui choisissait sur ces listes les fonctionnaires publics d’autorité.

Lors de la Restauration, la Charte du 4 juin 1814, puis, sous la Monarchie de Juillet, celle du 14 aout 1830, ont institué une Chambre des Pairs héréditaires ou nommés par le Roi et une Chambre des Députés, élus par des  collèges d’électeurs extraordinairement restreints, puisqu’il fallait être âgé de plus de 30 ans et payer 300 francs d’impôts. De plus, on ne pouvait élireque des gens âgés de 40 ans et payant une contribution de 1.000 francs. Il arrivait alors souvent qu’il n’y ait pas 50 personnes éligibles par département. On avait prévu dans ces cas-là de compléter la liste jusqu’à 50.

C’est seulement le 4 novembre 1858 que sera rétabli le suffrage universel des hommes de 21 ans, éligibles à partir de 25 ans. Après le coup d’Etat du prince Louis Napoléon Bonaparte, Président de la République et futur Napoléon III, le Corps Législatif sera élu à raison d’un député pour 35.000 électeurs,  mais le pouvoir avait soin de nommer des candidats officiels pour lesquels la population était invitée à voter, sans toutefois que cela ne fut une obligation. Et furent d’ailleurs élus de farouches opposants à l’Empire.

Une autre particularité de ce second empire était le plébiscite, que nous appelons aujourd’hui Referendum. Un plébiscite avait ratifié le coup d’Etat; un autre avait permis l’instauration de l’Empire. Lorsque Napoléon III fit des réformes libérales, il les soumit aussi au suffrage populaire et, le 31 mai 1870, il obtint un succès considérable. Il l’emporta par 7.350.000 oui contre 1.538.000 non. Cela n’empêcha pas quelques mois plus tard, le 4 septembre 1870, après le désastre de Sedan, l’Empire de s’effondrer et la République d’être proclamée par la gauche du Corps Législatif sur les marches de l’hôtel de ville à Paris.

La  IIIème République, établie par une succession de lois qui s’échelonneront de 1871 à 1875, avait prévu une chambre des députés. Elle eu du mal à s’imposer. Elle était assez démocratique. Encore que le scrutin d’arrondissement, que le républicain Gambetta qualifiait de « miroir brisé dans lequel la France ne reconnaît pas son image« , faisait obstacle à l’émergence de forces politiques nouvelles. Il n’en reste pas moins qu’il y avait une gauche, qu’il y avait une droite, qu’il y avait un parti radical, et que le parlement y était véritablement le siège du pouvoir.

La IVème République avait prévu une Assemblée Nationale ainsi qu’un Conseil de l’Union française. Elle essaiera de se prémunir, et notamment contre la montée du poujadisme – dont notre Président d’honneur Jean-Marie le Pen fut l’un des fleurons et dans le cadre duquel il fit ses premières armes politiques et parlementaires – par un usage assez scandaleux de la loi des apparentements, et de la déclaration d’invalidation d’élus qui ne lui convenaient pas.

Entretemps le suffrage avait été rendu véritablement universel, Mesdames, c’est à dire que les femmes étaient devenues électrices. Je mentionne ce fait parce qu’on nous bassine tout le temps avec les conquêtes politiques et sociales de la gauche, et l’on ne nous parle jamais des conquêtes politiques et sociales de la droite. Or il faut savoir que le vote des femmes était une grande revendication des députés de droite, qu’il avait été voté à l’Assemblée nationale par la Chambre « Bleu Horizon » après la première guerre mondiale, et que c’est la gauche, au Sénat, qui s’y était opposée de façon persistante, pensant que les femmes étaient « sous l’emprise des curés ».

La majorité radicale de ces assemblées s’opposait farouchement au vote des femmes, qui apparait pour la première fois dans le projet de Constitution du Maréchal Pétain, et que le Général De Gaulle pourra réaliser lors de la promulgation – douloureuse d’ailleurs – de la Constitution de 1946.

La Constitution actuelle, celle qui est née de l’effondrement de la IVème République après l’affaire d’Algérie, celle du 4 octobre 1958 par conséquent, est démocratique en apparence. Mais ce caractère démocratique est obéré par
quantité d’atteintes au principe de l’égalité, au principe de la
représentation. J’en ai listé six principales :

  1. le filtrage préalable des candidats, notamment à l’élection présidentielle ;
  2. le mode de scrutin à toutes les élections, qui ne respecte pas le principe de proportionnalité ;
  3. l’absence véritable de consultation directe du peuple ;
  4. l’emprise du droit européen sur la législation française ;
  5. l’inégal accès aux médias des formations politiques ;
  6. et l’institutionnalisation excessive des lobbies, des groupes de pression, investis d’ailleurs du pouvoir judiciaire.

Voila quelles sont à mon sens les six plaies du régime actuel et de la démocratie française, ces plaies auxquelles il appartiendra tout à l’heure à nos amis, sous la présidence de Louis Aliot, de trouver des remèdes.

La première d’entre elles est par conséquent le filtrage des candidatures par l’imbécile système des parrainages de maires. Le général De Gaulle n’en voulait pas, considérant que l’élection présidentielle était la rencontre directe d’une personne avec le peuple. On a malgré tout à l’époque instauré un parrainage de cent notables, maires, députés, conseillers généraux ou sénateurs, pour éviter les candidatures farfelues. Cela d’ailleurs ne les a pas évitées, en réalité.

Ce chiffre a été porté à 500 sous la présidence de Giscard d’Estaing avec l’objectif très clair d’éliminer la droite nationale et en fait d’empêcher  notre président – Jean-Marie Le Pen – d’être candidat à l’élection de 1981.  Avec les conséquences que vous  connaissez : la droite n’ayant pu faire le plein des voix de la droite nationale au deuxième tour, c’est le candidat François Mitterrand qui a été élu.

Cet exemple devrait être médité par nos dirigeants actuels. Ce système est scélérat, car au mépris de tous nos principes, il donne une publicité au parrainage des maires, qui peuvent alors considérer que ce qui leur est demandé est un engagement public et politique en faveur d’un candidat, alors que l’esprit de la loi est simplement de voir certifier qu’un candidat n’est pas un candidat fantaisiste, qu’il est bien représentatif d’un courant d’opinion et qu’il mérite de participer à la campagne.

Je me souviens, ayant été directeur de la campagne de 2002, que le mardi de Pâques étant le dernier jour de dépôt des parrainages de maires au Conseil Constitutionnel, cinq jours auparavant, le Vendredi Saint, nous n’avions pas les 500 parrainages. Il s’en est  fallu de peu pour qu’un candidat qui s’est retrouvé en finale de l’élection présidentielle ne soit pas autorisé à concourir ! C’était, de l’avis unanime des observateurs à l’époque, une honte.

C’était un scandale qui devait être réparé, mais ce scandale persiste toujours ! Et nous allons passer du temps, certains en passent déjà sur les routes, pour trouver les parrainages qui permettront à Marine Le Pen d’être candidate et, j’en suis sûr, de figurer en finale de cette élection, et peut être mieux encore, de l’emporter au deuxième tour.

La deuxième grande atteinte à la démocratie française résulte évidemment du mode de scrutin. Le scrutin uninominal à deux tours est pire encore que le système britannique, dont on dit qu’il favorise le duopole politique au profit de deux partis. Car le système britannique, c’est l’élection à un tour, et avec ce système d’ailleurs, j’aurais été élu dans le passé député du Rhône, l’ayant emporté sur les autres candidats au premier tour. Mais ceux-ci s’étant naturellement coalisés contre ma candidature, comme contre celle de tous les candidats du Front National, au deuxième tour, ce ne fut pas le cas.

Je disais que Gambetta décrivait ce système comme le miroir brisé dans lequel la France ne reconnaît pas son image ; et en effet, il favorise le clientélisme et transforme les députés, de législateurs et de contrôleurs du gouvernement qu’ils sont, en assistantes sociales de leur arrondissement, ce qui n’est pas leur rôle. Il induit évidemment l’absentéisme parlementaire et le déclin du rôle du Parlement.

L’élection du Sénat est quant à elle une élection de notables. Dans les municipalités il existe une dose de proportionnelle mais cette dose est infime. Prenez le cas, notamment, de villes comme Paris, Marseille, Lyon. Et dans ma ville de Lyon, prenez le deuxième arrondissement, où régulièrement nous obtenons plus de 20 % des suffrages. Cet arrondissement n’envoie au conseil municipal de Lyon que 5 élus sur 72 membres. La liste arrivée en tête dans ce secteur très conservateur est invariablement la liste RPR-UDF, qu’on appellerait aujourd’hui la liste UMP. Elle emporte la moitié des sièges au titre de sa seule victoire, arrondie à l’entier supérieur. Donc, du seul fait qu’elle soit arrivée en tête elle bénéficie déjà de trois sièges. Elle participe en outre, en fonction de son nombre de voix à la répartition prétendue proportionnelle du nombre de sièges restants. Ça lui en fait quatre. Le cinquième est pour les socialistes. Nous n’en avons pas.

Au niveau de l’ensemble de Lyon, le Front National qui dans cette ville conservatrice, sur un terrain défavorable, a néanmoins par le passé réalisé 16 % des suffrages, n’avait que deux élus au conseil municipal sur soixante-douze, alors qu’en toute logique arithmétique il aurait du en avoir onze ou douze.

Ne parlons pas non plus des départements dans lesquels le scrutin uninominal à deux tours s’applique aussi dans le cadre des élections cantonales, et des régionsl’élément de proportionnalité, qui a donné lieu à des développements politiques tout à fait intéressants,  est sans cesse contrebattu par la création d’une prime de 25 % au vainqueur, ne correspondant en réalité à aucun suffrage d’électeurs.

Comme le dit Jean-Marie, on ne fait pas la queue devant un cinéma où l’on ne passe pas de film. Les majorités automatiques pourraient faire remplacer aujourd’hui ces assemblées par un club de bridge dans lequel le président du Conseil régional détiendrait tous les atouts dans sa manche.

Mais la réforme que messieurs Sarkozy et Hortefeux ont concoctée et qui devrait entrer en vigueur en 2014 sera pire encore : une gigantesque usine à gaz dans laquelle on fusionnera soi-disant les conseils régionaux et les conseils généraux. On élira au niveau de cantons – dont le nombre sera diminué de moitié pour en augmenter la superficie et la population  – ces nouveaux élus locaux. Et tout élément de proportionnelle a disparu, en dépit des assurances qui nous avaient été
données à l’époque par les intéressés place Beauvau. J’avais dit alors à Brice Hortefeux : « ce système est absurde, il déplaira aussi à votre majorité qui y verra la disparition d’un certain nombre de ses sièges dans ses conseils généraux. La seule chose que vous égocierez avec votre projet, c’est de réduire encore la portion congrue que vous laissez au scrutin proportionnel« . Et bien cela n’a pas manqué, il a complètement disparu !

C’est un scandale absolu dont résulte la situation actuelle du Front National. Il fait la stupéfaction de nos collègues étrangers au Parlement européen qui ne connaissent pas les arcanes de la législation, française. Les Estoniens, les Lituaniens, les Slovènes, les Slovaques, les Hongrois, les Portugais nous disent : « Ah, vous êtes du Front National ! De combien de députés, de parlementaires disposez-vous dans les assemblées de votre pays ?« 

Quand nous leur disons que nous n’en avons aucun, ils sont stupéfaits ! Ils savent que nous représentons des millions de Français ! Ils savent que notre Président a été en finale à l’élection présidentielle. Ils savent que si une telle situation se produisait dans un pays d’Afrique, d’Amérique Latine ou d’ailleurs, on empilerait les résolutions vertueuses, afin de demander que le mode de scrutin dans ces pays soit changé afin de faire une place plus large à l’opposition !

Et quand  Chirac  a eu l’audace de rassembler dans un stade de rugby les protagonistes de la crise ivoirienne pour demander que toutes les forces politiques du pays soient représentées, non seulement au parlement, mais encore au gouvernement de la Côte d’Ivoire, dans le même temps il s’efforçait de faire disparaitre les quelques éléments de proportionnalité qui pouvaient donner au Front National un nombre infime d’élus dans les assemblées locales!

Voila la tartufferie française actuelle ! Voila l’imposture et l’hypocrisie des élites qui nous ont dirigés jusqu’à présent, et qu’il nous appartient de chasser d’ailleurs, quel que soit le mode de scrutin.

Contre la proportionnelle on nous dit : « mais ça ne permet pas l’émergence de majorités, c’est un facteur d’instabilité« . Ceci est tout à fait inexact, et à supposer que cela soit le cas, il existe des mécanismes correcteurs possibles ! En Allemagne, où l’on pratique largement la proportionnelle, la Constitution a prévu la motion de défiance constructive : on ne peut renverser le Chancelier – c’est à dire le Premier Ministre – que si une majorité du Bundestag propose au chef de l’Etat la nomination de son successeur. Et par hypothèse, un gouvernement, même dans une assemblée élue à  la proportionnelle, ne peut être renversé que s’il existe une  majorité de remplacement.

En 1998, dans les régions, refusant l’alliance généreuse que proposait le Front National, les élus RPR-UDF, sur l’ordre de Jacques Chirac, de son gouvernement et des caciques de son parti, parfois la mort dans l’âme et parfois en pleurant, comme Monsieur Censi en Midi-Pyrénées, ont remis les clés des régions à des exécutifs socialo-communistes qui étaient minoritaires dans les assemblées. Est-ce qu’il en est résulté pour autant une instabilité de ces régions ? Il n’y a eu aucune solution de continuité !

La continuité du fonctionnement de l’institution a été assurée. Les présidents de région minoritaires, alors même que leur budget avaient été refusé, utilisaient une disposition de la loi que l’on appelait improprement le 49-3 régional, qui leur permettait d’envoyer leur projet de budget par lettre recommandée à tous les élus régionaux en leur donnant un délai de 15 jours pour qu’ils se mettent d’accord et sur un contre-budget, et sur le nom d’un successeur à la présidence. Comme aucune majorité régionale n’y est jamais parvenue, ces exécutifs minoritaires, avec des effectifs élus à la proportionnelle intégrale, ont cependant continué à gérer – mal certes – mais continué à gérer les régions.

Il faut par conséquent rétablir la proportionnelle. Rien, aucun argument ne saurait s’y opposer. Il faut l’étendre aux communes, dont le système est factice comme je l’ai exposé, aux départements, aux régions en supprimant la prime de 25 % de sièges ne correspondant à aucun électeur, et bien sûr au parlement.

La troisième atteinte à la démocratie résulte de l’absence de consultation directe. Certes les articles 11 et 89 de notre Constitution prévoient la possibilité de consulter le peuple. L’article 11 le prévoit pour un projet de loi, mais sur un projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics. Ce qui fait notamment que Mitterrand a dû y renoncer au moment de la querelle de l’enseignement libre, parce que l’enseignement libre, ce n’est pas l’organisation des pouvoirs publics.

L’article 89 prévoit la saisine du peuple en cas de révision de la Constitution. Mais fort « sagement », comme il ne s’agit que d’unefaculté, les princes qui nous gouvernent ont préféré faire passer toutes les récentes infamies d’abandon de la souveraineté française par la voie parlementaire, qui leur était acquise, sachant bien, depuis leur échec cuisant au référendum de 2005, que le peuple, comme Sarkozy me l’a dit, ne vote pas toujours comme ils veulent.

J’ai en effet eu l’occasion de dire à Sarkozy : « Mais enfin ! Ce traité de Lisbonne dont tout le monde, à commencer par Monsieur Giscard d’Estaing, père de la Constitution européenne, dit qu’il est la Constitution européenne, mais rédigée autrement, pourquoi ne le soumettez vous pas au référendum comme a été soumis au référendum le projet de constitution européenne ? ». Et Sarkozy m’a benoîtement  répondu : « Parce que je suis incertain du résultat« . Et « parce que« , a-t-il ajouté, « si je le soumets au référendum, les Anglais devraient faire pareil ; et là, je suis certain du résultat : il sera négatif. » On n’est pas plus clair !

Il faut bien sûr mettre en œuvre le programme du Front National : le référendum d’initiative populaire, qui a été récemment introduit de façon tout à fait caricaturale dans l’Union Européenne et n’est que purement consultatif. Il existe des pays où cette pratique est en vigueur et a fonctionné : l’Italie, la Californie – où précisément sous l’action du gouverneur Reagan, ce grand Etat des Etats-Unis d’Amérique s’est engagé dans une politique délibérée de réduction d’impôts et des charges publiques– et bien sûr la Suisse dans sa Constitution de 1848 avec ses très remarquables « votations » !

J’ai eu l’occasion d’avoir sous la main tous les documents de ce qu’est un référendum suisse. Et bien c’est quelque chose de tout à fait extraordinaire et de tout à fait sérieux ! 100.000 signatures suffisent à provoquer un référendum. L’Assemblée fédérale se saisit du projet, et elle a la possibilité d’élaborer un contre-projet. L’un comme l’autre, projet et contre-projet, avec l’avis de l’Assemblée fédérale et des différentes forces politiques, sont soumis aux électeurs.

Depuis qu’il existe, ce droit à été utilisé par les Suisses à 200 reprises et vous pourrez trouver, si vous allez voir sur internet, quels sont les projets qui seront soumis à ce référendum d’initiative populaire. Si ces projets révisent une disposition de la Constitution, ils doivent recueillir non seulement la majorité des électeurs, mais aussi la majorité des cantons. Vous verrez qu’on y parle d’imposer les successions de plusieurs millions, d’agir contre l’immigration de masse, de mettre les centrales nucléaires hors service de remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie d’une perception sans doute plus simple, de publier les revenus de la classe politique, de revenir sur la pénalisation fiscale du mariage, etc…

La Suisse est une vraie démocratie et le Front National ne s’inspire pas de dictatures d’une époque fort heureusement révolue : il va puiser son inspiration dans les pays où la démocratie fonctionne effectivement, c’est-à-dire dont le gouvernement se fait par le peuple et pour le peuple.

Le quatrième élément qui affaiblit considérablement notre démocratie, c’est que notre législation résulte dans des proportions que l’on peut discuter, entre 65 et 80 %, de l’adaptation pure et simple des directives européennes dans le droit français. En effet, les traités européens considérant la diversité des systèmes législatifs des pays membres, certains étant fédéraux, d’autres unitaires ont recours au système de la directive, qui requiert une réception dans chaque droit national. En France d’ailleurs, la loi ne concerne que certains domaines. Les autres en revanche, aux termes des articles 34 et 37 de la Constitution, sont du ressort du seul gouvernement ; et le budget social, qui est aussi important en réalité que le budget de l’Etat, échappe au contrôle du Parlement.

Mais plus des deux tiers, par conséquent, de la législation française résulte de la transposition en droit interne des directives européennes, qui sont obligatoires dans leurs objectifs. Nous n’avons que le soin de les transcrire en lois ou, si cela relève du domaine réglementaire, en décrets ou en arrêtés. C’est à ça que nos assemblées passent l’essentiel de leur temps.

Les Français ne le savent pas. Ils sont abusés par les ors de la République : tous les jours à 15h, le Président de l’Assemblée précédé par des huissiers à lourdes chaînes d’argent, passe devant deux rangs de gardes républicains sabre au clair, pendant que bat le tambour, jusqu’à ce qu’il rejoigne son poste au perchoir de l’Assemblée. Quand on voit tout ce décorum, quand on voit le Président de l’Assemblée qui fait, beaucoup moins discrètement que ne le faisait le marquis de Lassay, le chemin que parcourait celui-ci pour aller le soir rejoindre sa maîtresse la Princesse de Bourbon, on se persuade que l’on est encore dans un Etat souverain et indépendant. Et en réalité il n’en est rien, malgré tout ce decorum. Dans le fonctionnement des institutions, il n’y a plus de souveraineté effective.

La Cour de Cassation, en 1975, dans son arrêt Cafés Jacques Vabre, et le Conseil d’Etat, en 1989 dans son arrêt Nicolo, ont décidé que le droit européen, même dérivé – pas seulement les traités -, avait une autorité supérieure aux lois françaises. Et pire encore par la voie parlementaire, des réformes constitutionnelles ont rajouté des articles qui donnent à cette législation européenne une valeur supérieure à notre Constitution ! Nous ne sommes plus que les collectivités territoriales de l’Euroland, du gigantesque Etat européen qui s’édifie au mépris du génie de l’Europe, l’espace où ont été inventées autrefois la liberté et l’égalité des Nations.

Ce qui caractérise aussi l’absence de démocratie en France, c’est l’inégal accès aux médias. Je ne suis pas marxiste. Mais Marx n’avait pas tort de distinguer les libertés formelles, celles qui sont théoriquement reconnues par le droit, des libertés réelles, celles que l’on peut exercer en réalité.

Il est choquant selon moi que les principaux groupes de presse, de médias et de télévision soient la propriété de groupes d’armement ou de génie civil qui vivent en grande partie des commandes de l’Etat. Je n’ai pas besoin de les citer, vous les connaissez. Ceci à mon avis doit changer !

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a une mission de régulation sur une part du domaine public – car les ondes hertziennes font partie du domaine public, et le principe fondamental de droit qui régit l’utilisation du domaine public, c’est l’égal accès de tous les citoyens. Eh bien, il est scandaleux que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel  s’en tienne simplement à la fameuse et inepte règle des trois tiers : 1/3 pour le gouvernement, 1/3 pour la majorité – vous allez me dire, cela fait deux tiers pour la majorité – et 1/3 pour l’opposition. Mais l’on ne s’est jamais soucié de savoir ce qu’il y avait à l’intérieur de ce tiers pour l’opposition ! Si c’était Mme Laguiller qui parlait, ça valait aussi bien que si c’était M. le Pen ! Cette institution, le CSA,  qui a pour but de faire respecter l’équité et le droit se borne simplement à constater, dans l’édition régulière de ses statistiques, la violation du droit et de l’équité. Il y a là quelque chose d’extraordinairement choquant.

Nous respectons l’imminente dignité des journalistes, leur rôle, leur liberté. Nous savons que celle-ci ne peut être canalisée peut-être que dans des circonstances extrêmement brèves qui sont fixées par la Constitution, par la loi organique, par les décrets d’application, et les règles édictées par le CSA, en particulier entre les deux tours de l’élection présidentielle. Or j’ai eu devant moi les membres du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, M. Baudis en tête, en 2002 entre les deux tours de l’élection présidentielle.

Je leur ai dit: « tous ces textes concordent, à commencer par ceux que vous avez pris, qui ont valeur de lois, qui sont publiées au Journal Officiel de la République française« . Et je leur cite de mémoire : « Entre les deux tours de la présidentielle, les commentaires et présentations ne doivent porter préjudice à aucune des deux candidatures. Les temps de parole des candidats et de leurs soutiens doivent être régulièrement égaux. Pensez vous que ce soit le cas ? » Et en baissant les yeux et timidement, ils m’ont répondu : « Les directeurs de chaînes nous disent que c’est bien ainsi que cela se passe« !

J’ai demandé aux membres du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel s’il leur arrivait d’allumer la télévision ou d’écouter la radio ; d’écouter dès le soir de l’élection M. Bernard-Henri Lévy dire que le Front National était un parti fondé par des SS ; d’écouter Mr Carlier dire sur France Inter – radio du service public ! – « Je suis hélas obligé de parler la moitié du temps de Jean-Marie le Pen » et consacrer la deuxième partie de son émission à scander « Le Pen, Le Pen, Le Pen« , sur fond musical du Horst Wessel Lied afin que nul n’en ignore.

 Voila comment étaient respectés les textes les plus fondamentaux de la République en matière d’équité médiatique entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002. J’espère que ce ne sera pas le cas entre les deux tours de l’élection présidentielle de l’an prochain, et si c’était le cas, cette imposture devrait cette fois-ci grouper les Français autour de la candidature de Marine le Pen pour la faire triompher.

 Enfin, le dernier facteur de déclin de notre démocratie, c’est l’institutionnalisation insupportable des lobbies. Ce sont les lois scélérates qui limitent la liberté  d’expression, qui font traîner sur des bancs d’infamie ceux qui, par exemple, ont le malheur de critiquer la politique d’immigration et qui sont accusés d’incitation à la haine raciale. La haine ! Un sentiment certainement moralement répréhensible mais qu’il est absolument impossible de mesurer et par conséquent susceptible, dans sa qualification, de tous les abus !

 J’ai eu l’occasion un jour de dire à un magistrat instructeur – c’était la doyenne des juges d’instruction de Strasbourg – « Mais Madame, comment est-ce que vous mesurez la haine ? »

Je ne souhaite pas coopérer à l’application des lois de la police de la pensée ! Parce qu’autant l’incitation à la commission d’un crime est claire – si je dis par exemple « Il faut tuer un tel ou une telle« , j’incite bien à la commission d’un crime -, autant l’incitation à la haine ne l’est pas. Si je porte un jugement défavorable, à partir de quel moment ce jugement défavorable va être considéré comme incitation à la haine ? Dans la réalité, c’est à la tête du client : si vous êtes de gauche, votre discours sera baptisé « discours de justice, d’amour et de charité », y compris lorsque vous dénoncez vos adversaires ; et si vous appartenez à la droite nationale, vous tenez un « discours de haine, de racisme et d’exclusion ». Cette magistrate m’a d’ailleurs répondu : « Mais Monsieur, la Cour de Cassation est là pour préciser ces notions dans sa jurisprudence« . Ce à quoi j’ai rétorqué : « Madame le juge, je ne souhaite pas servir de cobaye à la Cour de Cassation« !

 Il faut supprimer ces lois scélérates ! Récemment au Parlement européen, Brice Hortefeux m’a dit : « je ne voterai pas la levée de votre immunité arlementaire, je sais moi-même ce que c’est que ces lois, je trouve ça tout à ait abusif ». Je lui ai dit « Brice, vous avez été, pour un mot d’humour, pas de très bon goût peut-être, trainé devant les juridictions correctionnelles. Vous-même, tout Ministre de la République en exercice que vous étiez. Mais alors ! Demandez à votre majorité d’abroger ces lois ! Qu’un député de votre majorité, en séance de nuit à l’Assemblée nationale, dépose un amendement ramenant la loi sur la presse de 1881 à ses dispositions originales ! L’amendement tiendra en trois lignes ! Et il passera en dix minutes ! »

 Il a levé les bras comme s’il s’agissait de quelque chose d’impossible. Ce qui est terrible chez ces gens qui ne sont pas tous idiots, tant s’en faut, et qui prétendent exercer le pouvoir, ce qui est terrible, c’est leur impuissance!

 Il faudra aussi supprimer ou réformer très profondément un certain nombre d’organismes à qui le législateur a à tort délégué certaines de ses compétences comme la HALDE, la CNIL, le CSA, la Commission des Comptes de Campagne… organismes de type judiciaro-politico-administratives, monstres normatifs et institutionnels qui légifèrent  et qui épriment et qui, par conséquent, contribuent à la destruction de notre démocratie.

 Certes, notre démocratie ne fait pas tout. Certes, la volonté majoritaire et circonstancielle d’une population ne peut pas changer le bien en mal ni le mal en bien. Certes, personnellement, contrairement à Chirac, je pense qu’il existe des règles et des normes sacrées qui sont même au dessus des normes civiles. Mais la fausse démocratie fait mine de consulter les gens sur les questions où ils sont le moins compétents, et dans le même temps, elle les dépouille de leurs prérogatives naturelles, comme on dépouille les parents de leurs droits d’éducateurs, comme on dépouille les corps professionnels de leur faculté de réguler précisément l’exercice des professions.

 Ce à quoi nous aspirons Mesdames, Messieurs, Chers Amis, c’est tout simplement à redonner la parole au peuple. Qu’il la prenne, le peuple ! Il n’est que temps !

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