Lors de son grand oral face à MM. Pernaud et Calvi diffusé en simultané sur TF1 et France 2 la semaine dernière, Nicolas Sarkozy expliquait pour faire peur dans les chaumières que si « l’euro explosait, c’est l’Europe qui explosait également » mais aussi « le monde » ! Une manière de légitimer sa volonté qu’il y ait « plus d’intégration économique au sein de la zone euro ».Sans demander bien sûr l’avis de nos concitoyens…dont se contrefiche de toute façon nos dirigeants comme on l’a vu avec le referendum sur la constitution européenne de mai 2005 qui a été ignoré car n’allant pas dans le sens du progrès…
Georges Papandréou a donc osé demander l’avis des Grecs sur leur avenir –lesquels ne sont pas exempts de responsabilité dans la crise très douloureuse qu’ils subissent…- et on lui prête aujourd’hui les arrières pensés politiciennes les plus tortueuses ; calculs politiciens qui sont ignorés bien sûr de la technocratie bruxelloise… Un crime de lèse majesté dont il sera largement débattu ce mercredi par les dirigeants européens se réunissent ce mercredi en urgence avant le sommet du G20 de Cannes .
En cas de « non » des Grecs, c’est-à-dire du refus de la mise sous tutelle monétaire renforcée de leur pays (voulue par Berlin), le scénario est connu à l’avance : le gouvernement ne pourra faire autrement que de faire un défaut unilatéral sur sa dette ; il est même envisageable qu’Athènes négocie sa sortie de la zone euro. Dans cette situation il est prévu une éjection rapide d’autres mauvais élèves de l’euroland. N’est-ce pas là finalement le souhait martelé plus ou moins mezzo voce par l’Allemagne , une très large partie de ses élites économiques …et politiques ?
La Tribune relate que le coup de semonce a eu pour effet de « déclencher une forte chute des marchés financiers » tandis que « les taux payés par l’Italie, devenus le baromètre du risque de contagion dans la zone euro, se sont à nouveau envolés, malgré l’intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE). Et la déclaration commune franco-allemande qui se dit déterminée à appliquer les décisions prises la semaine dernière n’ont pas même réussi à freiner le mouvement. Il est vrai que l’accord de Bruxelles, par son flou, n’avait déjà guère convaincu les marchés. »
Le fond du problème relevé par l’économiste eurosceptique socialiste Jacques Sapir est bien en effet que cet énième plan anticrise, censé lui aussi régler définitivement le problème de la dette européenne, est le « pire accord envisageable » et signe « la mort de l’euro ». « Les marchés, après une euphorie passagère (car on est passé très près de l’échec total) vont comprendre que ce plan ne résout rien » pronostiquait il juste après la conclusion de celui-ci.
La réduction partielle de la dette grecque « à 120% en 2012 », est « très insuffisant pour sortir le pays du drame dans lequel il est plongé ». Il note que si le FESF va se transformer en « fonds de garantie », « la capacité de 1000 milliards d’emprunts » dont il dispose réellement ne pourra sauver les pays de l’Euroland en train de sombrer : « Barroso avait déclaré qu’il fallait 2200 milliards et mes calculs donnaient 1750 milliards pour les besoins de la Grèce (avant restructuration) du Portugal et de l‘Espagne. Cet aspect de l’accord manque totalement de crédibilité. »
Idem pour l’engagement de « de pure forme « de Berlusconi à remettre de l’ordre en Italie (…). Sans croissance (et elle ne peut avoir lieu avec le plan d’austérité voté par le même Berlusconi) la dette italienne va continuer à croître. » Quant à « La demande faite à l’Espagne de résoudre son problème de chômage, c’ est une sinistre plaisanterie dans le contexte des plans d’austérité qui ont été exigés de ce pays. »
L’économiste note encore que la recapitalisation des banques (estimée entre 110 milliards et 147 milliards) est elle aussi très insuffisante. « Il faudra en réalité 200 milliards au bas mot, et sans doute plus (260 milliards semblent un chiffre crédible). Tout ceci va provoquer une contraction des crédits (credit crunch ) importante en Europe et contribuer à nous plonger en récession. Mais, en sus, ceci imposera une nouvelle contribution aux budgets des États, qui aura pour effet de faire perdre à la France son AAA ! »
Sapir affirme encore que si la BCE dans le cadre de cet accord « va continuer à racheter de la dette sur le marché secondaire, ceci va limiter et non empêcher la spéculation. » Concernant « l’appel aux émergents (Chine, Brésil, Russie) pour qu’ils contribuent via des fonds spéciaux au redressement de l’Europe», c’est « une idée très dangereuse car elle va enlever toute marge de manoeuvre vis à vis de la Chine et secondairement du Brésil. » Tout aussi préoccupant pour notre souveraineté , « l’implication du FMI est accrue, ce qui veut dire que l’oeil de Washington nous surveillera un peu plus… L’Europe abdique ici son indépendance ».
« La zone Euro poursuit-il se condamne à terme. En recherchant un appui auprès de la Chine, elle s’interdit par avance toute mesure protectionniste (même Cohn-Bendit l’a remarqué….) et devient un marché et de moins en moins une zone de production. Ceci signe l’arrêt de mort de toute mesure visant à endiguer le flot de désindustrialisation. Cet accord met fin à l’illusion que l’Euro constituait de quelque manière que ce soit une affirmation de l’indépendance de l’Europe et une protection de cette dernière. »
Dans le même ordre d’idée le Bulletin d’André Noël reléve justement qu’ « en finançant les Européens, la Chine les conserve comme clients pour ses produits (…). N’est-ce pas ainsi que nous procédions en subventionnant les pays africains pour qu’ils achètent des produits made in France ? On disait alors qu’il s’agissait d’une pratique néocoloniale. Plus nous aurons besoin d’argent, plus Pékin nous en donnera et c’est nous qui serons colonisés par les Chinois. On avait vendu à l’opinion l’euro et l’Union européenne comme garants et remparts de notre indépendance face à ces deux géants que sont les USA et la Chine ! »
« Politiquement, indique lui aussi Jacques Sapir, on voit guère ce que Nicolas Sarkozy pourrait gagner en crédibilité d’un accord où il est passé sous les fourches caudines de l’Allemagne en attendant celles de la Chine. Ce thème sera exploité, soyons-en sûrs, par Marine Le Pen avec une redoutable efficacité. Il importe de ne pas lui laisser l’exclusivité de ce combat. »
Or le « problème » pour l’aile gauche du Système, et M. Sapir le sait bien, c’est que seul le FN peut incarner légitimement et de manière cohérente ce combat de redressement national et de défense de l’Europe des patries. Et certainement pas par définition un PS européiste qui a tout trahi, tout lâché, tout abandonné. Quant à la fraction socialo-communiste qui combat la « mondialisation », de Montebourg à Mélenchon, hémiplégique, opportuniste, empêtrée aux yeux des Français dans ses contradictions internationalistes, elle ne saurait incarner une alternative sérieuse à la hauteur des défis.