Depuis neuf ans, le bilan des affrontements entre les troupes américaines et la « résistance », mais aussi et surtout entre chiites et sunnites, factions ethniques et religieuses rivales, est de 4 400 soldats tués, 32 000 blessés côté américains ; 150 000 morts et 250 000 blessés côté irakiens. Deux millions d’entre eux ont pris le chemin de l’exil dont beaucoup de chrétiens, désormais persécutés, victimes d’attentats; une communauté prospère sous le régime du parti Baas et qui jouissait alors d’une paix totale…
À quelques semaines du retrait militaire américain d’Irak, Le président Barack Obama a déclaré lundi, après la réception du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, que les États-Unis resteront un « partenaire solide et fiable » de l’Irak mettant en garde des « pays tiers » (l’Iran principalement, on l’aura compris) contre toute ingérence. M. al-Maliki a fait entendre une petite musique convenue en affirmant que « le terrorisme et Al-Qaïda ont été vaincus » et en « (espérant) que les entreprises américaines joueront un rôle très important pour mettre en valeur nos richesses, que ce soit le pétrole ou d’autres secteurs… »
Deux jours plus tard, devant des soldats à Fort Bragg (Caroline du Nord, Sud-Est), le président américain a évoqué le « prix élevé » de cette guerre, à laquelle il était opposé en 2003, mais a salué la « réussite extraordinaire » des Etats-Unis dans ce pays. « Nous laissons derrière nous un Etat souverain, stable, autosuffisant, avec un gouvernement représentatif qui a été élu par son peuple. Nous bâtissons un nouveau partenariat entre nos pays. Et nous terminons une guerre non avec une bataille finale, mais avec une dernière marche du retour. »
Un plaidoyer assez ahurissant et qui ne correspond guère à la réalité du sanglant chaos irakien, qui devrait s’exacerber avec le départ des derniers militaires yankees – l’Amérique a compté jusqu’à 505 bases et 171.000 soldats en Irak contre 7 bases et 13.800 militaires actuellement. En attendant les macabres statistiques de ce mois de décembre, 258 civils, policiers et militaires ont trouvé la mort en octobre selon le décompte officiel, 187 en novembre ; 19 personnes ont été tuées et 29 autre blessées cette semaine à Bagdad, Abou Ghraib et Mossoul, dont un couple de chrétiens abattus dans leur voiture.
Dans Le Point, le journaliste Pierre Beylau avait écrit en octobre 2010 un article implacable dont nous nous étions fait l’écho, sur la parodie de justice qui a conduit à prononcer la peine capitale contre Tarek Aziz, l’ex ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein. Il a évoqué cette semaine le « désastre historique » de cette guerre américaine, la forte probabilité, a très court terme, de l’exacerbation de la confrontation « entre les chiites (majoritaires) et les sunnites », « le sort de la malheureuse communauté chrétienne (…) qui ne sera plus, demain, que résiduelle. » Au-delà du bilan financier exorbitant de ces neuf années d’intervention, « environ 1 000 milliards de dollars », « l’expédition voulue par George Bush et les faucons écervelés qui l’entouraient est une catastrophe en termes géopolitiques. La destruction de l’Irak a ouvert un boulevard à l’Iran (…) ».
« Le Premier ministre (chiite) Nouri Maliki, mis en place par Washington, n’a désormais qu’un seul souci : complaire à l’Iran où il a d’ailleurs vécu en exil pendant de longues années. Avec des alliés tels que Maliki, les Américains n’ont pas besoin d’ennemis. Maliki se comporte, de surcroit, en apprenti dictateur faisant embastiller sans sourciller ceux qui lui déplaisent. »
« Sur le plan régional, la contagion démocratique mise en avant par George Bush n’a jamais fonctionné. Le Printemps arabe survenu huit ans après l’invasion de l’Irak n’a aucun rapport avec le renversement de Saddam Hussein (…) À Tunis comme au Caire, à Benghazi ou à Homs, ce sont des causes endogènes qui ont provoqué la colère et l’explosion des peuples. Avec in fine la victoire électorale des fondamentalistes musulmans en Tunisie et en Égypte en attendant sans doute la Libye et la Syrie. L’horizon est sombre entre Nil et Euphrate » conclut Pierre Beylau avec un pessimisme largement partagé par Bruno Gollnisch.