Dans Les quatre vérités hebdo, Jean Rouxel note qu’« un récent sondage a déjà envisagé (l’absence de Marine du premier tour) qui profiterait alors essentiellement à Nicolas Sarkozy, qui monterait de 8 points. » Il analyse aussi les difficultés qui sont celles du FN dans cette quête des signatures, soit les pressions politiques exercées sur les élus acceptant un parrainage démocratique, la « double difficulté spécifique au Front National. D’une part, ce parti est diabolisé dans des proportions absurdes. D’autre part, il n’a guère d’élus locaux. Ce qui le handicape (…) en matière de collecte des parrainages. » M. Rouxel estime également que le départ du FN de « certains cadres bien implantés » et « notamment Carl Lang qui avait, dit-on, un véritable savoir-faire en matière de quête de signatures » a contribué à compliquer la collecte des parrainages.
Le site Atlantico à pour sa part demandé son avis sur cette question à Lorrain de Saint Affrique l’autoproclamé spécialiste d’un FN qu’il a connu de l’intérieur –dont il a été exclu il y a tout de même 18 ans !- . Il estime que l’afflux de dizaines de milliers de nouveaux adhérents « pas du tout expérimentés » n’est pas forcément un avantage dans cette entreprise, ce qui est une évidence.
Abonné aux pronostics foireux, il prédit un effondrement du score attendu de Marine aux alentours de 10% (au profit de François Bayrou !), sachant que les Etats-majors de l’UMP et du PS «feront tout pour que Marine obtienne ses signatures.» Non pas « pour des raisons démocratiques mais aussi pour leurs petits calculs. Finalement, il vaut mieux l’avoir dedans que dehors. Dedans on peut la battre et la ridiculiser ; dehors ça resterait un mythe, réceptacle éventuel de toutes les frustrations de notre société d’aujourd’hui. »
Si nous laissons Lorrain de Saint-Affrique étaler son aigreur, Le Parisien a aussi donné la parole à des cadres frontistes qui reviennent en partie sur les problèmes structurels du FN pointés dans le programme défendu par Bruno Gollnisch lors de la campagne interne. « Le problème des signatures révèle tout notre paradoxe: nous sommes une force électorale puissante, mais l’appareil n’est pas à la hauteur et l’absence de proportionnelle nous empêche d’avoir des élus, déclare à l’AFP un cadre national, sous couvert d’anonymat. »
D’autres cadres, toujours sous le sceau de l’anonymat, expliquent dans Le Parisien que la mobilisation pour cette recherche a été trop tardive. Pourtant, Louis Aliot, le vice-président du FN a eu beau jeu d’expliquer à l’Afp que « les premières notes de mobilisation sont parties au mois de mai 2011 et le premier courrier aux maires en juillet. « Les cadres ont reçu les instructions nécessaires. Mais ils travaillent, ils ont leur vie, et ils pensent que ça se fera, d’une manière ou d’une autre. Or, on s’aperçoit que les parrainages, il faut aller les chercher, il faut une démarche… ». Bruno Subtil, très chevronné Secrétaire départemental de l’Aube et président du groupe FN de Champagne-Ardenne note encore : « Il est arrivé que des maires nous disent ‘vous passez après les autres’ mais ce sont peut-être les mêmes qui nous auraient dit il y a un an ‘vous passez trop tôt’ » !
« Le Front, c’est un tigre de papier » a déclaré pour sa part Edouard Ferrand, Secrétaire départemental de l’Yonne, conseiller régional FN de Bourgogne au Parisien. « Il estime que certains élus frontistes ont parfois tendance à pantoufler et à faire faire le sale boulot par les militants, lesquels sont d’ailleurs plus efficaces. » « Je pensais que la dédiabolisation allait nous permettre d’avoir les signatures les doigts dans le nez. Or, c’est encore plus difficile. Marine (Le Pen) est beaucoup plus crédible que son père, donc plus dangereuse, note cet élu. »
Reste que comme relève David Doucet dans Les Inrocks, Jean-Marie Le Pen avait prévenu que cette collecte des signatures pour Marine serait tout sauf un parcours de santé. Le FN est bien évidement un outil politique perfectible, mais il ne faut pas perdre de vue que si le Système protège mal notre pays, il se défend bien avec toutes les armes dont il dispose contre l’opposition nationale.
Enfin, le très intéressant article paru dans le quotidien La Montage donnant la parole aux élus d’Auvergne et du Limousin qui avaient signé pour Jean-Marie Le Pen expose parfaitement pourquoi «ces maires qui ont parrainé le FN » « ne le referont plus »… «du moins tant que l’anonymat ne sera pas de mise ». Et force est de constater à la lecture de ces exemples qu’à l’évidence le FN est confronté à une grève massive des signatures. Il appartient donc au Conseil constitutionnel saisi par Marine sur cette question de trancher ce nœud gordien. Et aux militants et cadres frontistes de poursuivre leurs démarches puisque le FN ne doit avant tout comme à chaque fois compter que sur ses propres forces.