« Pour la première fois de notre vie, on se sent humains. On peut choisir qui on veut, c’est une joie pour tout le peuple libyen, a déclaré Basma Fortey, une enseignante, en montrant son index gauche marqué à l’encre indélébile. » Une humanité qui a ses limites si l’on en croit Amnesty International, dont les rapports sont d’habitude parole d’évangile mais dont celui sur la Libye est ici largement passé sous silence et qui affirme que 7 000 prisonniers ont été torturés l’an passé dans la Libye libérée…
Le docteur Zouhair Lahna, chirurgien obstétricien, ancien Président d’Aide Médicale Internationale, qui a effectué des missions notamment avec MSF, et parcouru la Tunisie, l’Egypte, la Libye, le Yémen et le Maroc pendant le printemps arabe est tout aussi sévère. « Fini les rêves africains de Banque de développement, fini la nouvelle monnaie africaine rêvée par Kadhafi, le dinar Or (…). Quant à la société libyenne, elle est désormais plus divisée que jamais. La guerre de quelques mois y aura installé une haine entre tribus et une défiance pour au moins des décennies.En Libye on a l’impression qu’à l’instar des autres révoltes arabes, les instigateurs ont laissé le terrain aux islamistes pressés de gouverner et ignorants des affaires internationales. »
Sur son blog, l’africaniste Bernard Lugan souligne que ce pays est effectivement morcelé, coupé en trois. « La Cyrénaïque n’accepte pas les décisions prises depuis Tripoli par le CNT (…), les tensions y sont fortes entre les islamistes fondamentalistes et les membres des confréries soufies dont le poids régional est important(…). Le sud de la Libye a éclaté en deux zones qui, toutes deux, échappent totalement au CNT. Celle de l’ouest, peuplée par des Touaregs constitue la base arrière de l’insurrection qui embrase le nord du Mali depuis le mois de janvier dernier. Dans le centre/sud/est, des combats ont éclaté entre Toubou et Arabes. (…°).
La Tripolitaine ajoute-t-il encore est quant à elle coupée en quatre : Misrata est aux mains de milices gangstéro-fondamentalistes unanimement détestées. Ce furent leurs membres qui massacrèrent le colonel Kadhafi et qui tranchèrent les mains de son fils. Au Sud, la tribu des Warfalla qui, à elle seule totalise environ 30% de la population de la région, refuse de reconnaître l’autorité du CNT. Tripoli est sous le contrôle de milices rivales qui n’obéissent qu’à leurs chefs respectifs, le président du CNT, M. Mustapha Abd el-Jalil, étant quant à lui totalement impuissant. »
Voilà pour les premiers résultats de cette intervention occidentale, placée sous le signe des droits de l’homme. Et le professeur Lugan de s’adresser aussi aux « cocus de l’an I » des printemps arabes, à « ceux qui laissèrent éclater une joie indécente lors de l’écrasement du régime libyen, mais qui se turent devant les images atroces du lynchage de son guide.Les mêmes qui seront une nouvelle fois cocus quand le départ du président Assad aura débouché sur un affreux bain de sang, sur le pogrom des minorités alaouite, druze, chrétienne et sur une nouvelle victoire des Frères musulmans. Car, et ne nous y trompons pas, derrière tous ces évènements, cette organisation supranationale dont le but est la création d’un califat mondial, avance méthodiquement ses pions, abritée par le paravent de l’incommensurable bêtise des dirigeants politiques occidentaux. »
Un jugement que nous partageons largement souligne Bruno Gollnisch,qui constate encore que le Front National fut le seul et reste le seul mouvement politique français de tout premier plan à avoir vu juste sur les « printemps arabes » et leurs développements…