Dans un communiqué paru la semaine dernière, Marine Le Pen a constaté qu’après Péchiney et Arcelor, c’est un nouveau « fleuron industriel français » qui est ainsi « sans vergogne abandonné à ses concurrents étrangers ».« L’Etat qui avec succès avait pu sauver Alstom en 2003, en prenant 21% du capital (rétrocédées ensuite à Bouygues, NDLR), bute à présent sur le barrage de l’Union européenne construit par les traîtres de l’UMP et du PS. Ce que la Commission avait jadis toléré du bout des lèvres, nous est à présent sèchement refusé, marquant là le désastre de notre soumission ». « Sauver Alstom et ses 18 000 emplois directs sur le territoire, par une solution nationale, est donc une obligation stratégique, sociale et morale. Il faut refuser le faux choix du dépeçage américain ou allemand et y préférer une voie patriote, française, par le rachat des parts de Bouygues, principal actionnaire, par la Caisse des Dépôts et Consignations ».
Négligeant cette voie patriote , M. Montebourg ne cache pas dans le dossier Alstom sa préférence pour son concurrent de toujours l’allemand Siemens plutôt que pour General Electric. Or, comme le rappelle le Bulletin d’André Noël, il y a plusieurs raisons pour lesquelles Alstom est de nouveau en difficulté, « mais parmi celles-là il faut citer la transition énergétique allemande et l’abandon du nucléaire qui prive la firme française de commandes de réacteurs. Il en va de même pour son secteur ferroviaire : Eurostar, filiale de la SNCF, a choisi, en 2010, les trains à grande vitesse de Siemens, moins chers, au détriment du TGV d’Alstom. Ainsi l’Allemagne, après avoir affaibli notre champion français, Alstom, confie à Siemens le soin de s’en emparer et Montebourg applaudit au nom du patriotisme économique » !
Pourtant, le futur ministre du redressement productif fustigeait en 2011 l’ogre allemand, incarné par Angela Merkel qu’il n’avait pas craint de qualifier de « nouveau Bismarck » ! Sur son blog, M. Montebourg dénonçait ainsi «un ordre allemand» que voudrait imposer la chancelière , «la question du nationalisme allemand en train de resurgir», «l’intransigeance dangereuse et suicidaire» de l’Allemagne à l’égard des autres pays de la zone euro.
Les européistes de gauche avaient alors dénoncé ses propos, Daniel Cohn-Bendit, l’accusant même de «sombrer dans le nationalisme au clairon», de faire «du Front National à gauche». Hier comme aujourd’hui, ce type d’«accusation », même s’il s’en défend, fait le jeu d’Arnaud Montebourg qui multiplie les mâles déclarations contre le « monde de la finance ». Et ce, dans le but assez évident d’apparaître aux yeux des électeurs de gauche, des déçus du hollandisme, comme un concurrent sérieux, sur le même segment qu’une Martine Aubry dont on retrouve la patte derrière les députés PS qui ont refusé de voter le pacte de stabilité porté par M. Valls. Bref, un candidat potentiel en 2017, susceptible de séduire mieux que cette dernière les catégories populaires patriotes par ses saillies cocardières…
Voilà pour le positionnement mais qu’en est-il de son impact ? C’est dans ce contexte qu’un sondage CSA pour Les Echos , Radio Classique et l’Institut Montaigne vient d’être publié sur la perception par les Français du patriotisme économique dont M. Montebourg entend se faire le héraut. 59 % des personnes interrogées jugent que « le fait de privilégier des produits ou des entreprises françaises dans le contexte actuel de mondialisation » est « efficace pour redresser l’économie française » (38 % jugent cette stratégie « inefficace »).
« Dans un contexte de défiance vis-à-vis vis de l’exécutif, il s’agit d’un sujet fédérateur : quel que soit le degré d’exposition à la mondialisation, la catégorie socioprofessionnelle ou les sympathies politiques, les Français se retrouvent sur le bien-fondé de cette sorte de protectionnisme », souligne Yves-Marie Cann, directeur en charge de l’opinion chez CSA.
Pour autant et c’est un sujet d’étonnement pour les commentateurs, ce seraient « les sympathisants du Front National » qui se montreraient les plus dubitatifs quant à l’efficacité du patriotisme économique. Seuls 51 % d’entre eux l’estimeraient « efficace ». En l’espèce constate Bruno Gollnisch, le doute qu’exprimerait les frontistes porte non pas tant sur le concept de patriotisme économique, autre déclinaison du protectionnisme, autre nom du refus de l’ultra libre échangisme et de l’ouverture inconsidérée des frontières à tous les flux de marchandises, que sur la sincérité et l’efficacité de M. Montebourg.
Force est de constater que celui-ci se définit toujours comme un internationaliste, un immigrationniste. Et la grande médiocrité des résultats obtenus à la tête de son ministère, qui reste subordonné à des orientations gouvernementales radicalement inverses. M. Montebourg est donc perçu pour ce qu’il est, une simple caution, un alibi, qui accepte par sa seule présence au gouvernement d’avaler des couleuvres et/ou de cautionner une politique eurobruxelloise qu’il feint largement de combattre.