« L’identité de la France » a dit François Hollande dés le début de l’émission, c’est « la république sociale »…un peu court comme définition, non ? Un chef de l’Etat qui a gardé le silence sur la progression dans notre « république sociale » de la grande pauvreté qui angoisse nos compatriotes, soulignée par le dernier rapport annuel du Secours Catholique – Caritas France dévoilé hier. Une structure qui a accueilli l’an dernier 1 477 000 personnes, chiffre en sensible augmentation par rapport à 2012.
Une extrême précarité, qui touche même les salariés à faible revenu mais en premier lieu est-il détaillé dans ce rapport, les familles étrangères (roms?) avec 34 % des personnes accueillies. Chez les Français, les plus fragilisés sont les familles monoparentales, les personnes isolées, notamment âgées, les moins de vingt ans…. Nous touchons là aux effets concrets de la crise certes, mais aussi des politiques menées sur le plan « sociétal », aux résultats tangibles de la destruction des solidarités et des liens familiaux…
Quant à l’Europe, quasi absente de ce débat hier soir, alors même que Bruxelles impose ses règles, pèse de tout son poids dans les décisions prises au sommet de l’Etat, elle n’a été franchement célébrée comme un modèle par M. Hollande que pour attaquer Marine Le Pen. Interrogé sur l’hypothèse de son accession au pouvoir, qu’il n’a pas minimisé, le chef de l’ Etat a voulu voir dans la présidente du FN le symbole du retour des « années 30 », du repli mortifère, de la régression, du déclin, « la porte de sortie » de la France de l’Histoire avec un grand H. Une peu finaude tentative de renverser la charge accusatoire contre les défenseurs des souverainetés nationales et de l’Europe des patries.
Présidente du FN qui selon l’étude Ifop commandée par Itélé et Sud Radio publiée mardi, et quels que soient les candidats de gauche ou de droite engagés face à elle, arriverait largement en tête du premier tour de la présidentielle, avec près de 30% d’intentions de vote. Dans les huit scénarii présentés aux sondés, les socialistes sont systématiquement éliminés dès le premier tour, (Manuel Valls, François Hollande, Martine Aubry). Alain Juppé (28% des voix), Nicolas Sarkozy (26%) et François Fillon (18% ) sont derrière Marine.
Que faire alors pour enrayer cette dynamique nationale ? Abel Mestre note dans Le Monde la maladresse du peu inspiré Nicolas Sarkozy qui, « lors de son discours prononcé à Nancy, lundi 3 novembre, a affirmé tout de go : Marine Le Pen est d’extrême gauche, son programme économique est celui de Jean-Luc Mélenchon. Vieille antienne commune, à droite comme à gauche, des extrêmes qui se rejoignent ».
La veille, dans un entretien au JDD poursuit-il, Marine avait « déclaré que l’extrême gauche faisait de bons constats dans leur dénonciation de la mondialisation, mais qu’ils n’allaient pas au bout de (leur) logique ».
« Si l’on ne parvient pas à percevoir l’intérêt qu’a M. Sarkozy de classer Mme Le Pen à l’extrême gauche – dans ce cas, qui incarne l’extrême droite ? La droite de l’UMP ? –, la présidente du FN a, en revanche, tout intérêt à brouiller les codes politiques classiques. Quand Marine Le Pen donne quitus à l’extrême gauche, cela n’a rien d’innocent. C’est un élément de plus de sa stratégie de dédiabolisation. Car plus il y a de confusion, plus il est difficile de renvoyer le FN à ce qu’il est fondamentalement, c’est-à-dire un parti d’extrême droite » affirme M. Mestre.
La confusion n’est pas tant dans l’esprit des Français qui ne sont pas idiots que le désarroi dans la tête des adversaires du FN qui n’ont pas compris –ou ne veulent pas comprendre- que le modèle artificiel gauche-droite sur lequel repose ce Système à bout de souffle est condamné et dépassé.
Un désarroi souligné par un article publié hier sur le site de L’Express, intitulé significativement « Face à Marine Le Pen Patrons-Syndicats même combat ». Il confirme aux lecteurs de ce magazine une collusion objective souvent pointée par Bruno Gollnisch, entre un certain patronat euromondialiste et la gauche altermondialiste-internationaliste, les deux faces d’une même médaille antinationale.
C’est ainsi que le président du Medef, Pierre Gattaz, fulmine contre « La montée de votes extrêmes» ,«une source d’inquiétude, dans une interview au Monde (25 septembre) ». Lequel déclare encore : « Quand je vois le programme de Marine Le Pen, je suis pour le moins inquiet».
C’est « le PDG d’un grand groupe » cité aussi dans cet article qui affirme que « Marine Le Pen défend la sortie de l’euro, le populisme, le protectionnisme et un mauvais patriotisme (sic), tout ce que le patronat n’aime pas. Nous devrions le dire encore plus haut et plus fort ! ». Et à visage découvert ce serait bien, puisque ce Monsieur du haut de ses mâles déclarations, préfère courageusement garder l’anonymat.
L’Express souligne que « les syndicats se félicitent de cette évolution (du discours anti FN du Medef, qui en fait est récurrent, NDLR), même s’ils en mesurent le risque : que Le Pen apparaisse proche du peuple, puisque les patrons la combattent. (…). Nouveauté, la CFDT et la CGT vont travailler ensemble sur le sujet. Elles participeront, avec d’autres, à un colloque organisé les 21 et 22 novembre par le collectif Pour une république solidaire ».
Dans les faits il est trop tard. Les jaunes du Système que sont les dirigeants démonétisés, marginalisés, de syndicats, qui représentent moins de 8% des salariés français (3% dans le secteur privé), sont inaudibles depuis longtemps. La preuve en est apportée au regard des scores enregistrés par le FN , premier parti ouvrier de France déjà lors de la présidentielle de 1995, chez les salariés. Quant aux adhérents de base des syndicats en question, ils sont aussi les premiers à glisser un bulletin Front dans l’urne.
Le piètre Pascal Debay, « responsable de la campagne contre l’extrême droite de la CGT »,un brin schizophrène, en fait la confidence attristée, son vieux monde confortable s’écroule : « les repères droite-gauche se perdent. Il faut de la patience et un travail de longue haleine » feint-il d’espérer.
Ecrivain grandement apprécié par François Mitterrand, Jacques Chardonne écrivait : « Proudhon se demande pourquoi la France a repoussé tant de sortes de gouvernements. Quelle cause oppose toujours l’intérêt du prince et celui du grand nombre et précipite les Etats vers leur ruine ? (…). A cette question (…) Proudhon répond fort bien : ce qui importe dans tout gouvernement, ce n’est pas l’origine, ce n’est pas la forme (monarchie, démocratie, etc.,) ni même l’organisation ; il faut considérer l’esprit qui l’anime. C’est par leur idée que les gouvernements vivent ou meurent. »
Et bien oui, l’esprit qui anime ce Système les Français n’en veulent plus. On devrait lire Proudhon à la CGT. Et au Medef aussi d’ailleurs, cela ne pourrait pas leur faire de mal.