Une déplorable situation économique, sociale, identitaire, qui explique logiquement les revers électoraux de la gauche au pouvoir. Une nouvelle démonstration nous en a été donnée dimanche avec la législative partielle de la troisième circonscription de l’Aube, qui a vu notre ami Bruno Subtil se qualifier pour le second tour en laissant loin derrière lui le candidat du PS. Depuis mars 2013, c’est la quatrième législative partielle qui voit l’élimination du PS dés le premier tour et la qualification du Front pour le second.
Marine Le Pen le notait lundi «il y a quelque chose d’assez remarquable dans cette énième partielle: l’UMP ne bénéficie pas du tout du rejet de la gauche». Un constat que le politologue enseignant à Science-po Pascal Perrineau tentait d’amoindrir sur le blogue de L’Obs le 8 décembre en estimant qu’au vu du contexte, le score du candidat UMP «n’est pas négligeable».
Pour le reste M. Perrineau livre un constat d’évidence lorsqu’il souligne que dans ce fief de l’UMP, «le grand vainqueur (au premier tour, NDLR) de la législative partielle de l’Aube est l’abstention, qui explose littéralement avec un gain de 35 points par rapport à la législative de 2012. Il ne faut pas croire que cette abstention exprime seulement un désintérêt. Il y a là, aussi, l’expression d’une très forte contestation ».
Contestation, nous le voyons élection après élection, qui ne profite pas aux formations progressistes: «Le candidat socialiste s’effondre, mais aucun autre candidat de la gauche n’enregistre de progression. Les autres composantes de la gauche se montrent incapables de récupérer des électeurs gagnés par le malaise et qui choisissent d’aller soit dans l’abstention, soit, même, à droite ».
Bruno Gollnisch l’a dit, c’est en effet sur sa capacité à capter l’intérêt, à susciter l’espoir au sein de la grande masse des grévistes du vote, des déçus de la politique, des écœurés du sempiternel et stérile balancier gauche-droite, que le FN et Marine en 2017 peuvent bâtir de nouvelles victoires électorales.
Pascal Perrineau enfonce ensuite des portes ouvertes en analysant les succès du FN à l’aune de «sa capacité à s’ériger en force anti-système », à récupérer tout ou partie de la mauvaise humeur qui a gagné le pays ». Il admet certes du bout des lèvres que ce vote FN n’est pas uniquement « un vote de protestation». Définition qui ne veut d’ailleurs pas dire grand chose. Ainsi, est-il légitime d’affirmer par exemple que tous les éclairés électeurs de l’UMP, contrairement aux électeurs du FN jugés bas de plafond, voteraient uniquement par adhésion pleine et entière au programme de l’UMP et non pour protester contre la politique du PS ? C’est bien évidemment absurde.
Aussi, M. Perrineau vaut bien admettre «la capacité (du FN) de capter les déçus de terrains différents, de milieux différents, car il est en train de bricoler un discours composite autour du rejet de l’euro et de la construction européenne, un syncrétisme de repli identitaire de droite et de protectionnisme économique de gauche». Un «bricolage»? Plutôt une série de mesures qui ont leur cohérence programmatique, idéologique, qui sont le fruit d’une vision pour la France qui n’est certes guère enseignée à Science-po… Le politologue devrait ainsi tenter d’expliquer à ses lecteurs en quoi le « protectionnisme économique de gauche» qu’il prête au FN serait différent d’un protectionnisme de droite ? Dans les faits le protectionnisme est bien évidemment utilisé partout dans le monde, de la Chine aux Etats-Unis, pour les mêmes raisons : la défense de secteurs commerciaux nationaux, au nom d’une stratégie économique et d’un patriotisme bien compris.
Pascal Perrineau indique aussi que la seule façon d’empêcher Marine d’être au second tour de la prochaine présidentielle impliquerait que « la gauche comme la droite changent complètement d’organisation, de stratégie, de programme et d’hommes ». «Si, en 2017, on ressort la même affiche que lors de la présidentielle de 2012, cela ne peut que favoriser le vote de protestation. Mais c’est difficile car l’UMP comme le PS sont des formations petites, peu ancrées dans la société, et qui visent surtout la reproduction des élites politiques ».
Dans les faits, le choix à droite ne se fera pourtant qu’entre chevaux de retour qui ont échoué quand ils étaient au pouvoir. Le calamiteux Alain Juppé explique qu’il est le seul capable de rassembler la droite et le centre. Nicolas Sarkozy rétorque que l’élection se gagnera à droite, qu’il est le seul en capacité à prendre des voix au FN et qu’entre lui et Marine les électeurs centristes, au second tour, seront bien forcés de voter pour lui. François Hollande en appelle pour sa part à l’unité de la gauche contre le danger Le Pen, argumentation rejetée par le Front de Gauche et Cécile Duflot…
Ce qui est certain, c’est que Nicolas Sarkozy a clairement désigné, comme MM. Hollande et Juppé, le FN comme l’ennemi à abattre lors de sa visite hier mardi au groupe UMP du Sénat. Un article publié sur le site des Echos le rapporte, il ne s’est pas contenté d’y entonner le «chant du rassemblement » et son souhait de « travailler avec l’UDI ».
« Le président de l’UMP a en effet exprimé sa vive inquiétude face au terrain gagné par le Front National. Il n’est pas devant nous, il est loin devant nous», a-t-il prévenu (…). « (…) Il a répété que le FN était la première force politique, que tout le pays était touché et qu’à chaque élection, le FN engrangeait 10 points de plus , raconte un sénateur. Il a aussi dit que certes, les élections départementales et régionales de 2015 s’annonçaient gagnables pour la droite, mais qu’il fallait se remettre au travail en raison du FN».
« Bref, l’adversaire numéro un n’est plus la gauche, mais le Front National, qui dispute à l’UMP la place de première force d’opposition et vise comme elle, l’alternance. Et pour lutter, Nicolas Sarkozy a martelé qu’il faut être capable de parler de tout, sinon c’est le FN qui passera devant , rapporte-t-on. Un discours annonciateur d’une ligne sans tabou , estime un sénateur ».
Nous verrons bien alors dans les mois prochains, et dans l’hypothése de sa victoires aux primaires, si M. Sarkozy peut se hisser à un niveau de mensonge et de duplicité encore supérieur à ce qu’il a pu faire dans le passé. Les Français jugeront et nous parions qu’ils ne seront pas tendres. Sans tabou.