Bien sûr, très loin s’en faut, l’Europe ne saurait être tenue comme seule responsable du marasme dans lequel la Grèce est engluée, avec les conséquences matérielles extrêmement dures que l’on sait pour les hellènes dans leur vie quotidienne. Nous avons déjà pointé sur ce blogue les aberrations du système grec. Ses gaspillages avec l’argent des contribuable français et européens, l’irresponsabilité, la corruption, les fraudes a répétition à tous les niveaux sous le règne des deux partis qui se sont partagés le pouvoir, depuis la chute du régime des colonels en 1974 jusqu’à la victoire de Syriza. Les Grecs qui ne s’embarrassent pas de politiquement correct constatent d’ailleurs amèrement que sous la dictature militaire des colonels les autorités ne piquaient dans la caisse et que la junte avait quitté le pouvoir en laissant des finances saines et des comptes en équilibre. C’était bien avant l’adhésion de la Grèce à l’Europe en 1981 et que cette dernière ouvre toute grande les cordons de la bourse …
Autre sujet d’inquiétude pour les instances bruxelloises, le rapprochement entre la Russie et la Grèce. Certes, il existe des liens anciens entre les deux nations orthodoxes, liées historiquement notamment par une lutte et une solidarité commune face à l’oppression qui faisait alors régner l’empire Ottoman sur les peuples chrétiens dans les Balkans.
Liens qui se sont renforcés depuis l’élection d’Alexis Tsipras, lequel était présent la semaine dernière au Forum économique international de Saint-Pétersbourg et qui se sont matérialisés et avec la signature vendredi d’un accord entre Moscou et Athènes pour la construction d’un gazoduc russe sur son territoire, qui devrait débuter en 2016.
Un article du quotidien La Croix commentant cet événement donne la parole à « Vladimir Fédorovski, romancier et ancien diplomate russe, proche du Kremlin » qui souligne : L’Union soviétique, puis la Russie, a toujours été liée à nombre de dignitaires de la gauche grecque. »
« Un accord avec la Grèce (qui) permet (à la Russie) de lancer un défi à l’Europe et de tenter d’y rétablir l’influence qu’elle perd depuis l’établissement des sanctions. Moscou souhaite extraire l’Europe du Sud de l’influence américaine, estime Vladimir Fédorovski. Un éventuel Grexit, une sortie de la Grèce de la zone euro, irait dans ce sens. La revue américaine de relations internationales Foreign Policy, dans son édition du 18 juin, ne s’y est pas trompée en qualifiant l’accord gréco-russe de mauvais pour les États-Unis et l’Otan.Si la Grèce se tourne ouvertement vers la Russie, c’est peut-être aussi pour inciter l’Union européenne à la garder dans son ensemble. Barack Obama ( il l’a réaffirmé le 8 juin lors du sommet du G7 en Bavière, NDLR) a plaidé en faveur d’une plus grande souplesse envers Athènes. En menaçant de préférer Moscou à Bruxelles, les Grecs savent que le soutien russe n’est ni désintéressé, ni complètement fiable ».
Si les Russes sont logiquement ici à la manœuvre pour défendre leurs intérêts, desserrer l’étau de l’alliance euro-atlantiste pilotée par Washington qui lui livre une guerre qui ne dit pas son nom, quels sont justement les intérêts bien compris de la Grèce ? Bruno Gollnisch estime qu’il s’agirait comme préalable à tout redressement que ce pays recouvre sa souveraineté monétaire.
En février dernier, le site Polemia publiait une tribune de Jacques Bichot, économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l’université Lyon3 à l’heure ou « la dette grecque pèse 320 milliards d’euros ».
« Les gouvernements européens et les autorités bruxelloises tournent en rond à propos de la Grèce alors que la solution est, dans son principe, d’une extrême simplicité : que la Grèce abandonne l’euro et que sa dette soit convertie en drachmes au taux de change qui était celui de la drachme lors du passage de la Grèce à l’euro ».
« La drachme ne manquerait alors pas de chuter fortement relativement à l’euro, ce qui rendrait la dette grecque supportable (moyennant peut-être quelques rééchelonnements), et rétablirait la compétitivité de ce pays, sans avoir à réduire encore les salaires nominaux ».
« Le problème essentiel est de faire redémarrer la production en Grèce. Pour cela, il faut que les importations deviennent chères, donc que la Grèce sorte de la zone euro. L’adoption de l’euro par ce pays a été une erreur : il faut la corriger. Rappelons-nous le dicton : errare humanum est, sed perseverare diabolicum. Mais il ne servirait à rien de réaliser cette opération de retour à la drachme tout en maintenant une dette en euros impossible à rembourser ».
Tels sont les termes du problème et du défi à relever pour ce pays, mais l’Europe bruxelloise et son maître américain accepteront-ils le choc qui créerait ce précédent ? Ont-ils encore les moyens de l’éviter sachant qu’une sortie de la zone euro n’impliquerait pas automatiquement une sortie de l’UE ? Nous n’allons pas tarder à être fixé.