Il a ainsi martelé l’urgence de taper l’Etat islamique au portefeuille en empêchant la vente illégale de pétrole, source de financement majeur de cette organisation. Un juteux business, rappelons-le dans lequel le propre le fils du Premier ministre turc Erdogan avait été impliqué.
Dans un entretien accordé ces dernières heures à la télévision italienne, Bachar el Assad a affirmé que les criminels se réclamant du takfirisme qui ont ensanglanté Paris sont entraînés en Syrie. Et que leurs agissements ne sont rendus possible que par le «soutien des Turcs, des Saoudiens et des Qataris, et bien sûr à la politique occidentale qui a soutenu les terroristes de différentes manières ».
L’EI «n’a pas démarré en Syrie. Il a débuté en Irak et avant, en Afghanistan», a affirmé le président syrien, rappelant pour l’occasion une citation de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui n’est guère contestée, selon laquelle « la guerre en Irak a contribué à créer l’EI». «Son aveu constitue la preuve la plus significative », a insisté Bachar el Assad.
C’est en effet toute l’ambiguïté, dans cet orient compliqué, de la lutte des occidentaux, des Etats-Unis, de l’Otan et de ses alliés des pétromonarchies contre l’EI, qui est implicitement soulevée ici par le président russe comme par le président syrien (lui-même non exempt de reproches).
Aymeric Chauprade en son temps l’avait rappelé, nous savons qu’al Qaïda fut «une légion arabe», « d’idiots utiles au service la CIA», dont les membres étaient persuadés de lutter contre le grand Satan américain alors qu’ils étaient pilotés à distance, instrumentalisés par ceux qu’ils croyaient sincèrement combattre.
Il y a quatre ans le géopoliticien soulignait que comme «l’Histoire l’atteste, le terrorisme, c’est d’abord un fait étatique, le fait de services de renseignement qui ont la volonté, la vision, les moyens, la logistique pour mener à bien ce genre d’opérations en utilisant les illuminés, les idéologues, les fanatiques». Et il existe des spécialistes très bien formés, rompus aux techniques de manipulations, pour pénétrer des « cellules », utiliser tous les «moyens humains disponibles», repérer les profils psychologiques de ceux qui ont de failles, des fragilités, qui peuvent être conditionnés pour aller jusqu’au bout, jusqu’à se faire exploser au milieu d’une foule…
Alors l’Etat islamique est une organisation monstrueuse qu’il s’agit d’éradiquer, ce qui commande pour mieux la combattre de percer de la nature même de cette entité, constate Bruno Gollnisch. Nous évoquions sur ce blogue les analyses du criminologue Xavier Raufer, qui est tout sauf un obsédé paranoïaque du complot, invité de l’antenne de TV libertés samedi pour parler de tragiques attentats de la veille.
Concernant Daech, M. Raufer a fait part de son trouble : «aucun groupe terroriste dans l’histoire de l’humanité a eu plus de chars d’assaut que l’armée française (…). L’Etat islamique n’est pas un groupe terroriste ce n’est pas à l’échelle (…). Est-ce une guérilla? Non plus une guérilla attaque l’ennemi et se replie, l’EI ne se replie pas, se crée un fief, occupe le terrain et y reste. Alors Qu’est ce que c’est? La seule explication c’est que l’EI est une armée mercenaire. Au service de qui? A l’heure actuelle, c’est tout sauf clair Pour le compte de qui frappe-t-elle? Tout cela est très bizarre, rien ne colle dans les pièces du puzzle (…). »
« Contrairement au Hezbollah, à d’autres groupes, l’EI ne va pas de soi » affirme encore Xavier Raufer. « Cette entité a-t-elle son libre arbitre, décide-t-elle de frapper ici ou là ou il y a-t-il quelque chose de très trouble derrière? Les questions que posent Daech sont très lourdes et très inquiétantes (…) ». Bref on ne sait pas très bien ce qu’est l’EI : « une étude a été faite récemment par des officiels sur le sujet. Vous avez une organisation, l’EI, qui fait des signes dans toute sa propagande d’une absolue dévotion à l’islam», «c’est pour sa pureté soi-disant qu’ils égorgent de individus et brûlent des enfants vivants». Or, « une analyse biographique a été faite des cinquante personnes au sommet de l’EI» et elle révèle qu’ « il n’y a pas un seul islamiste » en haut de la pyramide comme en atteste l’étude de leur passé, « al Baghdadi est un leurre (…)».
Alors « qu’est-ce que c’est que ce machin ? Personne n’a de réponse, y compris la présidence des Etats-Unis.» Interrogé en novembre 2014 (sous serment) par le «congrès américain» relatait encore M. Raufer, «le général commandant toutes les troupes américaines du Moyen-Orient a dit : nous ne comprenons même pas le concept. Cette nébuleuse bizarre qui a des gros moyens est-elle le faux nez ou le paravent à des Etats X ou Y de la région ? Mais lesquels?» Les saoudiens jurent qu’ils ont rompu depuis deux ans avec l’EI. « Qui est derrière ? c’est une vraie question et moi je n’ai pas la réponse ».
Ce qui est pour le coup certain c’est que l’EI frappe la France pour des raisons précises, prioritairement en tant qu’adversaire militaire et politique qui contrarie ses plans, et non pas seulement parce qu’elle serait l’incarnation du vivre-ensemble, de l’hédonisme ou de l’existentialisme sartrien comme l’affirment les idéologues dépassés, cramponnés à leurs certitudes, les déboussolés, les naïfs qui luttent contre l’obscurantisme en envoyant le symbole peace and love sur les réseaux sociaux. Si l’EI s’attaque à notre pays sur notre sol, c’est certes parce qu’elle sait aussi que la société française est fragile, traversée par des tensions, des violences, la montée des communautarismes. Toutes choses qui sont bien évidemment en rapport avec l’immigration de peuplement, la babélisation de beaucoup de nos quartiers…où le vivre-ensemble cher à Roland Barthes a disparu depuis longtemps.
« Tolérance et apathie sont les dernières vertus d’une société mourante » notait Aristote qui serait aussi effaré que nous le sommes d’apprendre que dans ce contexte, la Commission européenne a annoncé voici quinze jours la venue de trois millions de migrants d’ici 2017.
Lors d’une conférence de presse à Berlin il y a deux jours, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a juré qu’aucun élément formel ne permettait d’affirmer pour l’instant que des islamistes étaient arrivés en Europe parmi les réfugiés. Une certitude battue en brèche par les spécialistes du renseignement, d’autant que l’EI n’a pas fait mystère de l’aubaine que représentait pour lui cette masse migratoire en mouvement vers les pays des croisés…
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a fait part lundi de son pessimisme, en relevant que «de façon délibérée et organisée, les terroristes ont exploité les migrations de masse, en se mélangeant à la foule des gens quittant leurs foyers en quête d’une vie meilleure (…).»
Dans un entretien accordé au Kronen Zeitung, l’Autrichien Gert-Rene Polli, ancien directeur du Bureau fédéral de la préservation de la Constitution & de la lutte contre le terrorisme (Bundesamt für Verfassungsschutz & Terrorismusbekämpfung, BVT) a dit lui aussi exactement le contraire des assertions de M. de Maizière et des tenants de la ligne bisounours.
«La situation sécuritaire ne peut plus être maintenue sous contrôle», a-t-il estimé, pointant l’afflux d’immigrés (« migrants», «réfugiés») vers l’Europe. «Cette migration absolument incontrôlée » est un facteur de très grand risque, car il est évident soulignait-il que des terroristes profitent de ce torrent migratoire pour s’infiltrer dans les pays de l’UE. Les djihadistes «n’attendent pas que les autorités les arrêtent sans hâte, ils attaqueront avant. Nous verrons cela dans cinq mois au plus tard », mettait-il en garde. L’heure est au changement de cap, et vite.