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Weinstein-Matzneff : un scandale bien tardif

Weinstein, Matzneff. Malgré quelques différences, il y a un parallèle entre ces deux affaires, de part et d’autre de l’Atlantique.

Aux États-Unis, le grand producteur de cinéma hollywoodien, le magnat Harvey Weinstein, fait l’objet d’un procès pour harcèlement sexuel, viols, etc.

En France, l’écrivain Gabriel Matzneff, jusqu’ici coqueluche des milieux littéraires, fait l’objet d’une enquête judiciaire pour des actes de pédophilie sur mineurs.

Dans les deux cas, les intéressés avaient été portés au pinacle par le système médiatique et intellectuel, nullement choqué par l’immoralité de leurs comportements. Plus encore dans le cas de Matzneff, qui ne faisait pas mystère du caractère autobiographique et vécu dans lequel il narrait dans les termes les plus crus ses ébats avec de jeunes garçons, plus tard de très jeunes filles.

La Roche Tarpéienne

Les Romains avaient coutume de dire que la Roche Tarpéienne, d’où l’on précipitait les condamnés à mort pour trahison, était proche du Capitole, où s’achevait le triomphe des généraux victorieux, admis par le Sénat dans le temple de Jupiter. Arx tarpeia Capitoli proxima : une gloire éclatante pouvait être bientôt suivie par une totale et brutale disgrâce. Ce triste sort fut notamment celui du noble consul Marcus Manlius Capitolinus, d’abord héros de la République romaine après sa défense du Capitole contre les Gaulois de Brennus, puis exécuté en 384 avant J-C, accusé de chercher l’appui de la plèbe pour établir la tyrannie. (un « populiste », en somme !). 

Quelques années avaient suffi à la chute de Marcus Manlius. Weinstein et Matzneff ont tenu plus de trente ans.

Plusieurs commentateurs ont voulu voir dans cette bien tardive réaction un « retour de bâton », une réaction pour tout dire, contre la permissivité que prônaient les promoteurs de la « révolution » de Mai 68. 

L’esprit de Mai 68

Il est certain que l’ardeur révolutionnaire de la plupart des « soixante-huitards » a plus ou moins rapidement disparu, au fur et à mesure qu’ils accédaient aux bienfaits de cette société de consommation qu’ils avaient tant décriée. 

Mais il en était resté une appréhension cynique de la Société, un esprit de persiflage systématique des idéaux, des engagements, des institutions, des hiérarchies, de la religion, des valeurs traditionnelles, et aussi de la plus élémentaire morale naturelle. Esprit qu’illustre le ton général de Charlie-Hebdo, ou du journal « Libération », fondé par l’alors Maoïste Serge July avec le concours de Jean-Paul Sartre, et passé de l’état de brûlot maoïste à celui de journal officiel des « Bo-Bo », soutenu par les banques et détenu par Rotschild. Quand on a vu cela, on peut tout voir…

Ce nihilisme bourgeois, bien différent du traditionnel irrespect gaulois propre aux Français, a ses dogmes et ses tabous. La sympathie et l’indulgence que l’on aura, pour la pédophilie comme pour pour les pires criminels se mue par exemple en hostilité viscérale à l’égard de tout ce qui, de près ou de loin, ose encore défendre les valeurs traditionnelles. Les nouveaux Tartuffe publiaient quotidiennement (dans Libération, justement) des petites annonces proposant relations sexuelles de toutes natures, à l’endroit, à l’envers, à deux, à trois ou en partouzes, y compris, comble de l’abjection, avec des enfants, mais s’indignaient en prétendant (d’ailleurs tout-à-fait mensongèrement) avoir cru entendre d’un élu de la droite nationale que Marine Le Pen était « dragable ». 

Le soixante-huitard a échoué. Il s’est trompé sur tous les tableaux : politique, culturel, moral. 

N’en déplaise aux féministes, la prétendue libération sexuelle a en fait surtout libéré les hommes, libres de ne pas s’engager envers leur partenaire, et d’en changer comme bon leur semble, puisque la pilule et l’avortement les dégagent de toute responsabilité. Quant aux infamies pédophiles, elles sont passées de mode. Et ce sont les modes qui dictent leurs lois.

Lapidation

On se réjouirait donc de cette réaction, si ce n’était la fausse unanimité qui l’entoure. Je n’ai absolument aucune sympathie, ni pour Weinstein ni pour Matzneff, et encore moins pour les actes qui leur sont reprochés. J’éprouve cependant un certain malaise en face de l’unanimité du dénigrement qui les accable, faisant suite à l’unanimité des louanges qu’on leur adressait naguère. Il me semble que cela traduit la dérive totalitaire de notre société faussement libérale : il était impossible de les critiquer hier ; il est impossible de leur trouver la moindre circonstance atténuante aujourd’hui. Que de dérobades lamentables parmi leurs anciens laudateurs !

On peut le dire pour Weinstein, contre lequel les accusations culminent lorsque l’actrice Asia Argento publie le 30 octobre 2017 la liste des 93 femmes se disant victimes de ses agissements, dont 14 disent avoir été violées. Pourtant, ses comportements de prédateur étaient connus depuis longtemps. Franck Delétraz, dans les colonnes de « Présent », (8 janvier, p. 3), s’attachant aux faits, s’étonne à juste titre que si peu de plaignantes –deux seulement-soient présentes à son procès. Et que nombre d’entre elles soient restées en relation avec lui après les faits reprochés. L’honneur des autres serait-il lavé par des poignées de dollars ? Il n’en reste pas moins que le lynchage succède à l’adulation : sans attendre l’issue du procès, Macron lui fait retirer la légion d’honneur, comme on lui retire sa décoration de Commandeur du British Empire ; on efface son nom des registres des Académies artistiques, des planches de Deauville ; on annule les distinctions reçues des Universités de Buffalo et de Harvard, etc !

Pareil pour Matzneff, dont les éditeurs, Gallimard en tête, qui l’ont publié sans sourciller durant des décennies, arrêtent la vente des livres, y compris de ceux qui ne contiennent pas les propos litigieux. Leur comité de lecture n’avait-il pas lu ce qu’ils éditaient ? Les membres du jury du prix Renaudot s’excusent de l’avoir distingué, etc… La justice se réveille et ordonne une enquête, sur des faits notoires depuis des décennies. Il est bien temps !

Parmi tous ces gens-là, beaucoup essaient de faire oublier leurs propres turpitudes : carences, lâchetés, complaisances, complicités, en participant à la lapidation du bouc émissaire… Presque seul Denis Tillinac, qui avait eu en son temps le courage de refuser la publication du journal intime de Matzneff aux éditions de la Table ronde, a aujourd’hui celui de critiquer, dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles (N° 4337, 9 janvier, p. 90) les auteurs de son lynchage : « Les enfants naturels du gauchisme culturel recyclent aujourd’hui la permissivité radicale de leurs aînés en un puritanisme non moins radical ». Et comme elle est éclairante, dans le même numéro, la récapitulation des complicités, sous la plume d’Amaury Brelet : « La gauche et la pédophilie, une histoire monstrueuse ». Monstrueuse est le mot qui convient. 

Fruits secs 

Le soixante-huitard mériterait de terminer ses jours dans un mouroir, fruit sec que ne visite aucun enfant, puisqu’il n’en n’a pas eu, ou que, s’il en a eu, ceux-ci s’inspirent peut-être des préceptes qu’il leur a enseignés, dans la ligne de l’un de ces slogans de mai 68 qui font encore aujourd’hui l’admiration des jobards : « Ne dites plus : Bonjour Maman ; dites : Crève salope ! ».

L’un des plus en vue a récemment déclaré, paraît-il : « Nous nous étions révoltés pour ne pas devenir ce que nous sommes finalement devenus ». Malgré son malaise existentiel, toute lucidité n’aurait donc pas abandonné cette génération ? Puisse-t-elle un jour prendre l’exacte mesure de son aveuglement, mais aussi de sa stérilité et de son égoïsme. Et puissent les enfants et petits-enfants des soixante-huitards rompre avec cet héritage délétère, et reconstruire patiemment notre civilisation, sur la base des valeurs qui en ont fait la force et la beauté.

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