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À propos de l’affaire Fillon

© AFP

Au tribunal de correctionnel de Paris se déroule en ce moment le procès de l’ancien Premier Ministre François Fillon et de son épouse Pénélope : le premier accusé de détournement de fonds publics, inculpation d’une extrême gravité, pour avoir utilisé son crédit d’assistant parlementaire au bénéfice de son épouse sans que cela corresponde à un réel travail ; la seconde accusée de recel.

La tentation est grande d’y voir, sur la seule foi de la clameur médiatique, une nouvelle illustration de la corruption du monde politique et de ses élus. Pour ma part, et bien qu’ayant été un adversaire résolu de la politique de M. Fillon dont je fus le collègue à l’Assemblée nationale en 1986, je conseillerai cependant la plus grande réserve dans cette affaire. L’arbre me paraît masquer la forêt.

L’arbre masque la forêt 

L’arbre, ce serait la cupidité réelle ou prétendue des époux Fillon. On excite l’opinion en faisant état de salaires qui sont ceux de cadres supérieurs, ces fameuses indemnités parlementaires ou traitements d’assistants, qui font envie à beaucoup, mais qui sont très peu de choses à côté de ce que s’octroient sans vergogne certains dirigeants du CAC 40, dont les émoluments n’ont cessé de croître au cours de ces années, et qui prennent vingt fois, cinquante fois, cent fois ce que gagne un député ou même un ministre (300 fois dans le cas de Monsieur Ghosn). Situation d’autant plus choquante qu’il s’agit bien souvent d’anciens fonctionnaires ayant « pantouflé », nommés par la faveur du pouvoir politique, placés à la tête d’entreprises anciennement nationalisées qu’ils n’ont pas créées, dans lesquelles, contrairement aux créateurs de PME, ils n’ont pas aventuré un centime de leur patrimoine personnel, et qu’ils gèrent parfois mal, ce qui ne les empêche pas de bénéficier à la sortie de mirifiques « parachutes dorés » et autres « retraites chapeau ». 

Coup d’État silencieux

La forêt masquée aux yeux du public, c’est qu’au détour de ce genre d’affaires se réalise un véritable coup d’État silencieux : la mainmise d’une certaine bureaucratie sur les élus ; bureaucratie souvent jalouse, aigrie, partisane, de toute façon incontrôlée et indéboulonnable, qu’il s’agisse de fonctionnaires parlementaires ou de magistrats, français ou européens. Il en résulte une violation flagrante de ce principe de séparation des pouvoirs que prônait (d’ailleurs avec excès) Montesquieu, et, à sa suite, les rédacteurs de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lesquels, sans séparation des pouvoirs, il n’y avait point de constitution. 

De quoi s’agit-il ?

L’assistant parlementaire, qui n’est pas un fonctionnaire, est indispensable au travail du député. Lorsque, dans une mandature de vaches maigres (2009-2014), nous n’étions que trois au Parlement européen, Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen et moi-même, pour représenter les convictions de millions d’électeurs du Front National, suivre les travaux de 20 commissions parlementaires spécialisées, et émettre chacun près de 40 000 votes (!) en cinq ans sans avoir à regretter un seul d’entre eux, ceci n’a été possible que grâce au concours de nos assistants. De tous temps, ces assistants, payés sur les budgets des Assemblées à l’intérieur d’une enveloppe fixée pour chaque député, étaient par eux choisis en toute liberté, et leurs activités laissées à la discrétion des parlementaires employeurs. Et il doit en être ainsi : c’est la condition de l’indépendance du législatif. Si un député (ou un sénateur, ou un parlementaire européen,) décide que les conseils du clochard du coin de la rue lui apportent davantage dans sa réflexion que n’importe quel expert ou énarque, cela relève et doit relever de sa seule décision. Et pareillement en ce qui concerne les conjoints. Personnellement, je n’ai jamais fait rétribuer un membre de ma famille. Pourtant, mon épouse m’a souvent aidé : dans les relations avec les Japonais, puisque j’étais membre de la délégation chargée des relations avec ce pays et qu’elle en était originaire ; dans les contacts avec des collègues, des militants, des électeurs ; par l’avis et les conseils qu’elle me donnait sur mes passages dans les médias, etc. J’ai eu d’excellents collaborateurs, dévoués et compétents, et je considère qu’aucune administration et qu’aucun juge n’a à s’immiscer dans leur travail.

 « La République c’est moi ! » 

Adversaire résolu de M. Mélenchon, et au risque de surprendre, je partage totalement son indignation lorsque, se prévalant d’une législation antiterroriste, et sous le prétexte précisément de connaître la réalité du travail de ses assistants, on a procédé dans les locaux de sa formation et dans ses bureaux à une perquisition massive, hors sa présence, sans mandat d’un juge d’instruction, et qui n’aurait d’ailleurs pas été plus légitime si ce mandat avait existé. La phrase qui lui fut reprochée n’était pas une prétention digne d’un Louis XIV, mais l’affirmation de la légitimité de l’élu face à l’arbitraire administratif ou judiciaire.

Au Parlement européen, des fonctionnaires inamovibles et politisés, certains au sommet bien plus payés que les députés, se sont arrogés le droit de contrôler la relation de travail entre le député, l’assistant, et la formation politique dont le député est issu, sous le prétexte insane de ne pas financer un parti, serait-ce indirectement. Comme si l’analyse des situations, la prise de décision, la préparation des actions, ne s’exerçaient pas en commun, au sein d’une communauté d’élus partageant les mêmes convictions, c’est-à-dire, qu’on le veuille ou non, un parti. À quoi sert donc l’article 4 de la Constitution française, qui en consacre le rôle, si l’on peut ensuite faire grief aux assistants d’avoir travaillé avec celui dont est issu leur parlementaire, un parlementaire qui a été élu sur une liste, et présenté par cette formation ? 

L’intention persécutoire 

À l’Europe, le message est donc clair : les « facilités » accordées aux députés deviendront autant de moyens de pression sur eux, selon qu’ils seront puissants ou misérables, mondialistes ou patriotes, c’est-à-dire selon qu’ils appartiendront au courant dominant ou à la minorité. On épluchera les activités de leurs collaborateurs, on leur demandera des comptes, et, sans aucune procédure réellement contradictoire, par oukase d’un secrétaire général (le nommé Klaus Welle) agissant sur ordre d’un président dévoyé (le sieur Martin Schulz), on s’arrogera le droit de les taxer de sommes considérables qui seront prélevées sur leur indemnité personnelle, voire sur leurs biens, c’est-à-dire sur ce qui est nécessaire à leur indépendance et au libre exercice des fonctions pour lesquelles ils ont été élus. 

Le but de tout cela étant de cantonner par force les députés européens dans le rôle de rédacteurs dociles ou d’opposants impuissants, uniquement concentrés sur la boulimie législative de la Commission européenne, chargés de l’approuver ou d’en augmenter encore le volume, toujours croissant, souvent nocif.

Hypocrisie

Et que dire de l’hypocrisie qui règne à l’Assemblée nationale, dont on apprend qu’elle s’est constituée partie civile au procès Fillon, c’est-à-dire qu’elle entend accabler l’ancien Premier Ministre et lui réclamer des sommes considérables. Démarche forcément signée du président Richard Ferrand, dont on sait qu’il s’est enrichi ou a contribué à enrichir sa compagne de façon douteuse lorsqu’il était directeur des Mutuelles de Bretagne. Ce prurit de vertu est d’autant plus écœurant qu’en 2014 par exemple au moins 115 députés faisaient salarier un membre de leur famille, et qu’ils étaient encore 103 à le faire en 2017, sans que quiconque vérifie les prestations fournies. Il est aussi fort imprudent, car la jurisprudence qui se créera sous prétexte de « transparence » pourrait bien un autre jour se retourner contre ses auteurs : Hodie mihi, Cras tibi : aujourd’hui c’est mon tour, demain ce sera peut-être le tien….

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