Cet article a été publié le jeudi 18 mars dans le journal Présent.
Qu’écrire qui n’ait pas déjà été dit sur le coronavirus, sur lequel les chaînes d’information continue déversent leurs flots de commentaires ? On peut trouver ailleurs les quelques réflexions qui suivent, et certaines déjà dans Présent ; rassemblons cependant quelques enseignements de cette crise :
1. L’homme n’est pas le maître de l’univers.
On nous faisait croire le contraire : les progrès de la science reculaient indéfiniment l’âge de la mort, dernier tabou de notre société, après la disparition de ceux concernant le sexe. Certes, le sous-développement existait encore dans beaucoup de pays, mais le mirage de la croissance indéfinie du PIB allait bientôt résorber tout cela. Et quant au réchauffement climatique, il ne tenait qu’à notre surconsommation d’énergie : les panneaux photovoltaïques et les éoliennes allaient résoudre le problème ; les conférences mondiales y veillaient : « COP 21 », 22, 23, etc. Le virus nous ramène à plus de modestie. Il nous rappelle les grandes épidémies du passé. Il montre la faiblesse de nos réactions, entre panique et insouciance. Il nous laisse désarmés, car il n’existe pratiquement pas de traitement. Non vraiment, l’homme n’est pas le maître de l’univers.
2. L’essentiel émerge du superflu.
La crise conduit à prendre conscience de ce qui est essentiel à notre survie, et à le distinguer du superflu, dont on peut se passer, au moins quelque temps. Les croisières sur des navires embarquant 4000 personnes, les foules emplissant les stades pour assister à des matchs, comme les Romains remplissaient les arènes pour assister aux jeux du cirque, les migrations massives et quotidiennes de salariés se rendant au travail, imposées par un urbanisme délirant, tout cela se trouve provisoirement relégué. Sans aller jusqu’à dire que « la terre, elle, ne ment pas », les citadins se pressent pour retourner à la campagne dans leurs résidences secondaires ou dans les anciennes maisons de famille, du moins pour ceux qui en ont. On redécouvre le rôle de l’agriculture, sans laquelle on mourrait de faim, et celui, plus subalterne, de la production massive d’autres biens. On découvre aussi la valeur du transport individuel, pourtant si décrié par nos pseudo-écologistes. On découvre — enfin — que beaucoup de tâches peuvent être accomplies à domicile grâce notamment à Internet, car tous les apports de la modernité ne sont pas nocifs, fort heureusement… Souhaitons que l’on tire toutes les leçons de cette expérience, une fois que la crise sera passée.
3. La mondialisation n’est pas toujours heureuse.
La libre circulation des personnes, des marchandises, et des capitaux, tant vantée, révèle ici ses limites, et ses dangers. L’épidémie vient de Chine ; elle a été diffusée par les moyens de communication. Par dogmatisme, on s’est d’abord refusé, non seulement à toute fermeture, mais même à tout contrôle aux frontières. Alors que l’Italie avait mis en quarantaine des pans entiers de son territoire, d’où l’on ne pouvait ni entrer ni sortir, la France se targuait de ne pas exercer le moindre contrôle à sa frontière avec ce pays. On a même refusé de reporter le match de football entre la Juventus de Turin et l’Olympique Lyonnais, en accueillant à Lyon des milliers de visiteurs italiens. On redécouvre, en catastrophe, que les frontières peuvent être des protections. Plusieurs pays, notamment en Europe centrale (République tchèque par exemple) ont décidé unilatéralement de fermer les leurs. Et finalement, sous la pression, M. Macron, dont la préoccupation était jusque-là de condamner tout « repli nationaliste » (sic), annonce à grands sons de trompe que l’on ferme les frontières de l’Union européenne ou de l’espace Schengen aux ressortissants extra-européens… alors que c’est l’Europe occidentale elle — même qui est entre-temps devenue le principal foyer d’infection dans le monde !
4. L’État réagit, pas l’Europe.
L’Union européenne n’a été d’aucun secours. Les réactions ont été nationales. On s’aperçoit que l’État, dont la mission est de protéger la nation, est apte à des réactions rapides et cohérentes (à condition, naturellement, que ses dirigeants le soient aussi, ce qui est loin d’avoir toujours été le cas.)
La crise économique qui se profile, conséquence nécessaire de l’arrêt de la plupart des activités, sera sans aucun doute combattue par une politique keynésienne d’injection massive de monnaie. Encore faudrait-il que les autres membres de la zone euro l’acceptent. Car l’euro ne repose sur aucune valeur universellement reconnue, et dépend du consensus des États membres, différemment touchés. Les critères de Maastricht limitant les déficits budgétaires ont déjà volé en éclats, et peut-être avec eux le système tout entier. Les 45 milliards d’Euros d’aide aux entreprises annoncés par le Ministre Bruno Le Maire ne sont sans doute que l’avant-garde de cette émission massive de monnaie ne correspondant à aucune création de biens, et qui devrait entraîner, soit une forte dévaluation, soit une forte augmentation de la fiscalité, sous forme d’impôts nouveaux « exceptionnels » ou d’aggravation des impôts existants. Le plus probable étant d’ailleurs une conjonction des deux.
Encore heureux si les faillites successives, qui commenceront par les entreprises les plus vulnérables, ne se communiquent pas au reste du système, par l’effet « domino » ou « château de cartes », bien connu des crises majeures.
5. La famille protège.
La fermeture des crèches, écoles, lycées, universités, annoncée jeudi dernier par le chef de l’État, (alors que trois jours auparavant, chez Jean-Jacques Bourdin, le ministre de l’Éducation M. Blanquer avait péremptoirement déclaré qu’une telle fermeture n’entrait dans aucune des hypothèses du gouvernement !), impose de replacer les enfants dans le contexte familial, là où il existe encore.
On prend conscience du rôle crucial des parents, et — j’ose le dire — des mamans, que l’on voulait systématiquement assigner à des fonctions synonymes de « libération », même peu gratifiantes de dactylo, vendeuse, caissière de supermarché, etc.
5. Le libre-échange rend vulnérable.
Nous payons au prix fort la désindustrialisation provoquée par le libre — échange, et qui nous laisse totalement démunis. Car dans le domaine pharmaceutique comme dans beaucoup d’autres, nous avons abandonné la fabrication à la Chine, devenue l’usine du mondialisme. Les conséquences sont claires : nous manquons cruellement de deux éléments essentiels pour combattre l’épidémie : les masques, et les tests de dépistage. Les pays asiatiques qui en disposaient ont pu la contenir, et même semble-t-il la juguler. En Chine, à Hong Kong, on ne peut sortir sans porter le masque hygiénique, d’ailleurs traditionnel même avant ces événements au Japon, où beaucoup de personnes en portent naturellement en hiver, pour ne pas attraper de rhume ou de grippe, ou pour ne pas les répandre. Les discours pallient notre carence : telle catégorie de masques devrait être réservée aux malades, car ils empêcheraient le virus de sortir, mais pas aux bien portants, car ils ne l’empêcheraient pas d’entrer. Discours fallacieux : aucune protection n’est bien sûr absolue, mais le masque hygiénique classique, porté massivement en Extrême-Orient, est évidemment un frein majeur à la propagation du virus. Il en va de même des kits de dépistage, que l’on prétend aujourd’hui inutiles, car on n’admettrait plus dans les hôpitaux que les cas les plus graves, donc avérés. Ces alibis dérisoires sont les paravents de nos carences. Un point positif cependant : le ministre Le Maire, et le chef de l’État lui-même, jusque-là partisans du libre-échange le plus débridés, viendraient de découvrir les vertus, sinon de l’autarcie, du moins de l’autonomie nationale, quitte à ce que celle-ci fasse l’objet d’un certain protectionnisme. On passera donc du « Ces évènements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs » à : « Il n’est jamais trop tard pour bien faire ». Si cela se confirme, c’est un mieux.