Le 22 juillet, je suis intervenu à la tribune du Parlement européen, au nom des élus du FN, pour m’adresser à celui qui allait être élu quelques minutes plus tard président de la Commission européenne : M. Barroso.
Au nom des députés non inscrits membres de la coordination des droites européennes, je ne vous reprocherai pas le passé révolutionnaire que vous avez en commun avec notre collègue Cohn-Bendit, car l’exemple de ce dernier montre qu’on peut avoir ce passé révolutionnaire et être cependant, aujourd’hui, un excellent tenant du système. Je me bornerai à m’interroger sur le point de savoir si vous êtes la bonne personne, à la bonne place, au bon moment.
Dans un système européen qui donne à la Commission de Bruxelles des pouvoirs considérables d’initiative législative, d’exécution des politiques, cette institution a acquis, au fil des traités, la faculté de régenter une part de plus en plus grande de la vie de 400 millions d’Européens, et c’est une évolution que, pour notre part, nous contestons. Le problème qui se pose pour nous c’est donc de savoir si nous devons la contester à travers votre personne.
À travers vos actions en tant que Premier ministre, et donc en tant que membre du Conseil de l’Union, nous avons vu également que, sur le plan économique et monétaire, vous avez été un européiste si convaincu que vous vous en êtes tenu très strictement au pacte de stabilité et à son principe. Vous en avez d’ailleurs fait l’éloge au moment où M. Prodi lui-même – c’est dire! – reconnaissait son caractère stupide.
Tout à l’heure, dans vos réponses, vous avez été très évasif sur le point de savoir si nous devions avoir une position indépendante à l’égard des États-Unis d’Amérique, et nous avons présente à l’esprit l’initiative désastreuse que vous avez prise d’organiser le fameux sommet des Açores, à la veille de la guerre d’agression contre l’Irak.
Enfin, bien que vous ayez très soigneusement et très diplomatiquement pris la précaution de ne pas vous exprimer sur ce point, vous êtes un farouche partisan de l’ouverture rapide de négociations d’adhésion avec la Turquie, pays honorable, mais qui n’est ni géographiquement ni culturellement ni historiquement européen.
Tout ceci devrait nous pousser à voter contre votre candidature. Sensible cependant à votre courtoisie, à votre grande culture, à la fameuse présomption d’innocence que l’on applique même aux pires criminels – et vous n’êtes pas encore un criminel – certains d’entre nous préféreront s’abstenir. Quant à aller au-delà, je devrai faire miens les propos de votre grand poète Fernando Pessoa : “Depois de amanhã, sim, só depois de amanhã… Levarei amanhã a pensar em depois de amanhã e assim será possível ; mas hoje, não… Não, hoje nada ; hoje não posso.” (1)
(1) Après demain, oui, seulement après demain… Je me lèverai demain en pensant à après-demain, et ainsi ce sera possible ; mais aujourd’hui, non. Non, aujourd’hui rien. Aujourd’hui, je ne peux pas.