C’est en reprenant à son compte les thèmes et certaines formules du Front National que Sarkozy a pu remporter l’élection présidentielle.
Les Français, aspirant à plus de sécurité, à plus de prospérité, à plus d’emploi, à moins d’immigration, à moins d’impôts, à renouer avec la fierté d’être Français et avec la souveraineté de la France, n’ont retenu que les formules et la façade, et pas les développements, les silences ou l’expression antérieure des convictions profondes du candidat.
Car ces formules n’étaient que cela : des formules, des citations incantatoires, qui ne recouvraient pas, pour ceux qui les entendaient ou celui qui les prononçait, la même réalité.
La “France de propriétaires”, par exemple. Combien ont cru qu’on allait réellement les aider à devenir propriétaires de leur logement, à un prix qui ne fasse pas que le bonheur des spéculateurs et des Hedge Funds américains en quête de rentabilité maximale ? Le résultat concret : la défiscalisation des intérêts des prêts immobiliers mais… mais seulement à hauteur de 20 %, seulement comme mesure transitoire, seulement pour ceux qui signeront leur contrat de prêt après le 6 mai 2007 !
Le grand décalage
Mais le plus flagrant aura été la rapidité avec laquelle le décalage entre le verbe et l’action aura été mis en lumière sur la France et la Nation. Car durant les dernières semaines de la campagne, les discours de M. Sarkozy ont été émaillés de références à ces valeurs. Le soir même de son investiture, le nouveau Président se précipitait à Berlin, rassurer la Chancelière allemande sur la Constitution européenne : le gouvernement français soutiendra la Constitution nouvelle mouture, c’est-à-dire la reprise quasi textuelle de la partie créant le Super-Etat européen et ses institutions. Le gouvernement n’opposera son veto ni aux négociations en cours, ni à l’ouverture de nouveaux chapitres de négociation avec la Turquie. De toute façon, l’inénarrable Ministre Bernard Kouchner est un ultra-européiste de gauche favorable à l’adhésion de la Turquie et celui des Affaires européennes, l’ancien directeur de Cabinet de Jacques Delors à la Commission de Bruxelles ! Cerise sur le gâteau, pour bien montrer que le 6 mai n’était en fait que l’élection d’un Président de Conseil Régional, la photo officielle du Président – c’est une première ! – est prise sur fond de drapeaux français ET européen ! Et anecdote significative : M. Sarkozy est allé renouveler ses promesses d’allégeance au Président de la Commission, M. Barroso, en se précipitant à Bruxelles alors même que M. Barroso se trouvait à Strasbourg, où le Parlement européen siégeait en session plénière ! Tout un symbole.
Alors oui, nos idées, lors de la présidentielle, ont triomphé dans les urnes. Les Français doivent prendre dès aujourd’hui conscience qu’elles n’ont servi que de marchepied à M. Sarkozy et qu’elles ne seront pas appliquées spontanément par son gouvernement, sans une très forte pression d’un Front National puissant.