En 2008, au lendemain de la mort du Prix Nobel de littérature, « le principe d’un hommage à l’ancien dissident russe avait été adopté au Conseil de Paris à une courte majorité (30 voix contre 25), après des échanges vifs ». Communistes et chevènementistes « s’étaient abstenus, reprochant à l’écrivain ses prises de positions jugées « intégristes, antisémites et franquistes »… A l’époque de feu l’URSS et de l’exil de l’écrivain, les agents d’influence du régime communiste en France avaient initié déjà une vaste campagne de calomnies contre l’écrivain, décrit déjà comme un « agent de la CIA », un « gestapiste », un infâme « nationaliste tsariste ultra-orthodoxe »…
Si les « proches (de Soljenitsyne) s’inquiètent du retard pris par le projet » souligne le quotidien, son agent littéraire, Claude Durand relève fort justement que « quand on voit le nombre d’auteurs obscurs qui ont donné leur nom à une rue de Paris, on ne comprend pas le sort qui est fait au plus grand écrivain de la seconde moitié du XXème siècle. D’autant (qu’il) a toujours chéri Paris, une ville où il est venu très souvent ». « Nous n’avons pas encore trouvé la place emblématique qui portera le nom de ce grand écrivain » explique sans rire le cabinet de Bertrand Delanoë. Le conseiller centriste Jérôme Dubus à une autre explication, à dire vrai nettement plus crédible : « cette lenteur administrative » est le signe « d’un malaise persistant à gauche autour d’Alexandre Soljenitsyne » affirme-t-il.
Jean-Pierre Caffet, sénateur et président du groupe socialiste le concède en expliquant benoitement rapporte encore Le Figaro « qu’il y a deux Alexandre Soljenitsyne : le combattant pour la liberté que nous respectons tous et puis le Soljenitsyne qui à partir du moment où il est sorti d’URSS et est parti aux Etats-Unis, a exprimé un certain nombre de réflexions qui sont sujets à discussion ».
Au nombre des accusations portées contre Soljenitsyne, outre sa « tiédeur démocratique », la plus récurrente porte en effet sur son supposé antisémitisme, l’écrivain ayant osé toucher à un tabou dans Deux siècles ensemble, portant sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995. Un ouvrage dans lequel il met en exergue le rôle déterminant joué par de nombreux juifs dans la révolution bolchevique et la politique de terreur qui s’est abattue sur le peuple russe. Un fait historique qui a pourtant été analysé et étudié par de nombreux historiens, y compris juifs et israéliens. Victimes emblématiques des totalitarismes du XXème siècle, des Juifs ont été aussi des bourreaux, comme le rapporte également Bernard Antony dans sa monumentale « Histoire des Juifs ».
A dire vrai, ce qui est surtout reproché à cet écrivain profondément croyant, c’est de ne pas avoir limité ses critiques à un soviétisme qui s’est autodétruit mais d’avoir aussi dénoncé tout aussi fortement et sans complaisance, une fois qu’il l’a connu de « l’intérieur », les tares du « monde libre » occidental : « le règne de la quantité », le matérialisme dévastateur, l’abrutissement des masses, le nihilisme, l’inversion des valeurs la décadence morale… On comprend parfaitement que ce « dissident absolu » vis-à-vis du « monde moderne » ne soit pas en odeur de sainteté chez les amis du Maire de Paris.