Sociologue et directeur de recherche au CNRS, Sébastien Roché, interrogé dans ce magazine, constate que « le politique » bute sur un « phénomène nouveau » répondant au vocable de « violences urbaines ». « Les gouvernements successifs n’ont jamais souhaité étudier ces phénomènes. Il n’y a d’ailleurs aucun spécialiste chargé de les étudier ou de les comprendre. Lorsque Lucienne Bui Trong, ancienne commissaire aux Renseignements généraux avait créé un outil de suivi de ces violences, non seulement elle l’avait fait de son propre chef, et mis en place en contournant sa hiérarchie, mais, l’outil a tout simplement été abandonné ensuite, avec interdiction donnée aux services de s’en servir. »
Ouvrons ici une parenthèse pour rappeler que normalienne, agrégé de philosophie ayant intégré la police sur le tard, à 43 ans, Mme Bui Triong a mené en 1991 une enquête qui avait permis de repérer 105 quartiers touchés par la violence, parmi lesquels 40 connaissaient, de manière relativement banalisée, des violences visant la personne des policiers.
En octobre 2000, on dénombrait 909 points chauds ayant connu la violence urbaine au cours des mois précédents, parmi lesquels 161 connaissaient des violences antipolicières. Ces points chauds étaient répartis dans 486 villes. Ce système de mesure des violences urbaines mis en place n’a effectivement réellement fonctionné que jusqu’en 2000. Il a ensuite été mis sous le boisseau…
« Il y a un déni du politique note M. Roché, qui refuse de regarder ces phénomènes en face. Imaginez que depuis 1980, date des premières émeutes, l’administration n’a pas de définition ou de doctrine face à ces phénomènes. C’est vrai qu’économiquement, ces violences ne dérangent pas outre mesure (les voitures brûlées sont rarement des voitures de luxe, et tout se passe loin des palais de la République)… ».
« On refuse ainsi, sciemment, de connaître les chiffres. Les dernières déclarations de Brice Hortefeux sur la nuit du Réveillon (l’occultation du nombre de voitures brûlées par les «jeunes », NDLR), ne préfigurent donc rien de bon quant à la volonté d’affronter politiquement ces problèmes, en les nommant, en les identifiant pour pouvoir en débattre sur la place publique. »
Dans le cadre de ce dossier du Choc, Jean-Baptiste Barthélémy s’arrête lui aussi sur les fameuses violences urbaines, Il cite les propos de Xavier Crettez et Isabelle Sommier dans leur ouvrage La France Rebelle : « l’épithète urbaine renvoie, en réalité, à une certaine catégorie de la population, les jeunes des quartiers populaires, souvent issus de l’immigration africaine et maghrébine. La violence urbaine ne désigne, au final, que les actes violents commis par les jeunes des cités populaires. »
Cet article s’interroge sur l’efficacité de la politique de la ville menée à coup de milliards d’euros depuis des décennies conjointement par la droite et la gauche. « Le réaménagement urbain ? » « A peine réhabilités les espaces collectifs ainsi rénovés sont aussitôt dégradés, saccagés, salis » par des « minorités agissantes qui n’entendent nullement abandonner cet espace public qu’elles dévastent consciemment, méthodiquement, comme pour mieux se l’approprier. »
«Le développement économique et social ? Là encore, il faut voir les choses en face : aucun emploi aidé, aucun système éducatif, aucune politique de formation ne pourra jamais concurrencer les revenus occultes tirés de l’économie souterraine. Et surtout, pourquoi le cacher plus longtemps ? Aucune leçon de morale républicaine, aucun grand frère ne ramènera jamais dans le giron de l’Etat ces groupes délinquants, non pas en souffrance, comme voudraient le donner à croire certains naïfs, mais en rupture radicale avec l’ordre établi. (…°). »
« La violence urbaine est avant tout l’expression d’une hostilité brutale, d’un rejet viscéral de la France et de ses valeurs. Là est précisément le substrat de la violence urbaine », « une volonté » de rupture, de sédition avec l’ordre établi » qui ne débouche sur aucun « traitement politique ».
Ce manque de courage de l’UMP au pouvoir, ajouterons-nous, derrière les roulements de mécanique, ce refus d’affronter le réel quand celui-ci remet en cause l’idéologie officielle de l’harmonieuse « société métissée », sont la marque indubitable de la terrible décadence qui frappe notre pays et dont notre peuple paye le prix fort. Les prochaines années seront plus que jamais décisives.