Dans son livre Mon royaume pour un cheval (1949), mais aussi dans Le Tombeau de la Rouërie, publié en 2000, Michel Mohrt rendait hommage, sans souci du politiquement correct et des mythes dominants, à ses amis égarés, par idéal et sans calcul, dans le camp des maudits ; notamment à Jean Bassompierre, qui lutta contre le stalinisme sur le front de l’Est sous l’uniforme allemand.
Fuyant l’atmosphère étouffante, le climat de guerre civile larvée de l’après-guerre, il s’installera en 1947 (et jusqu’en 1952) en Amérique où il enseignera dans plusieurs universités prestigieuses, aux Etats-Unis et au Canada, n’hésitant pas à soumettre à ses étudiants lors de ses cours sur le roman français contemporain, les œuvres d’écrivains, qui, de Robert Brasillach à Pierre DrieuLa Rochelle en passant par Paul Morand et Marcel Jouhandeau, figuraient sur la liste noire dressée alors par les communistes et le Comité d’épuration.
Spécialiste de la littérature anglo-saxonne, il intégrera en 1952, la maison Gallimard comme responsable des traductions. C’est son amour pour l’œuvre de William Faulkner qui fera éclore la fidèle et longue amitié qui le liera, bien avant son entrée à l’Académie, à un autre « immortel », de trente ans son cadet, Erik Orsenna. « Plume » fameuse de François Mitterrand du temps où il était son « conseiller culturel », celui-ci lui a rendu un bel hommage, rappelant notamment avec émotion leurs rencontres annuelles à Loquirec (Finistère) en compagnie de la grande helléniste et académicienne Jacqueline de Romilly qui y venait en villégiature.
Dans le quotidien Le Telegramme Erik Orsenna confiait : «J’ai l’impression (que (Michel Mohrt) était resté sur les mêmes racines idéologiques, mais on n’en parlait pas». «Lui et moi étions nourris de Bretagne. Lui était de là et moi d’adoption. Puis nous avions cette passion de la mer et celle de la littérature américaine. C’est très étrange que deux fous de Bretagne, l’un de gauche, l’autre de droite, se soient retrouvés dans cette passion pour Faulkner» . «Relisez La prison maritime ajoutait-il, c’est un livre étonnant, avec un côté adolescent, bourré de force, de camaraderie et d’aventure».
Est-il cependant utile de préciser que la belle langue classique de Michel Mohrt n’est guère soumise à la curiosité des jeunes générations. Notamment dans les écoles de notre république décadente où nos adolescents se voient contraints d’ingurgiter, tant bien que mal, un brouet d’auteurs contemporains, médiocre et indigeste, mais beaucoup plus dans l’air (vicié) du temps.