Dans les faits, que les Etats-Unis soient dirigés par un républicain ou un démocrate, ne change guère les orientations de la politique étrangère de Washington. L’ «élite au pouvoir » défend bec et ongles ce qu’elle considère être ses intérêts géostratégiques (et ceux du peuple américain ?) avec l’appui de ses « caniches « atlantistes . « Caniche » c’était en effet le sobriquet utilisé par Laurent Fabius quand il était dans l’opposition pour fustiger en septembre 2006 l’attitude d’allégeance de M Sarkozy envers M. Bush.
Aujourd’hui M. Fabius est ministre des Affaires étrangères d’un François Hollande qui colle, quand il ne les précède pas, aux vœux et manœuvres des Américains, comme on le constate une nouvelle fois dans le dossier Syrien.
L’unanimisme, toujours louche, de nos médias dans leur « « éclairage » sur la situation de ce pays, ou les forces fidèles au régime de Bachar Al-Assad sont forcément composés de salauds ivres de sang et de tortionnaires, et les rebelles de patriotes humanistes, est d’ailleurs le signe supplémentaire que l’affaire syrienne ne doit pas être appréhendée avec manichéisme.
Celui dont a fait preuve, mais est-ce bien étonnant, Laurence Parisot mercredi qui a accueilli le pathétique boutefeu Bernard-Henri Lévy, auréolé de son appel à une action militaire aérienne en Syrie, à l’Université d’été du MEDEF. « Vous êtes l’incarnation de l’intelligentsia française telle que nous l’aimons » a déclaré Mme Parisot à l’adresse du philosophe pipo(le)…rien de moins.
Dans ce déluge de jugements à l’emporte-pièce sur la Syrie, suscité et démultiplié par les habituels pions et censeurs du système politico-médiatique, hormis le FN , les voix de quelques hommes lucides se font entendre. Mi-août, Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du MRC, a dénoncé les « professionnels de l’ingérence » qui poussent la France « à intervenir militairement » en Syrie ; « La Syrie n’est ni la Tunisie ni l’Egypte. C’est un pays plongé dans une guerre civile inspirée et alimentée de l’extérieur » a-t-il constaté.
Selon l’ancien ministre de la Défense, « des professionnels de l’ingérence poussent aujourd’hui la France à intervenir militairement, fusse par la seule voie aérienne, en violation de la légalité internationale et au côté de pays dont les ambitions et les intérêts ne sont pas les nôtres ».
Ancien préfet, un temps adhérent au RPF de Charles Pasqua, ancien membre des cabinets de Philippe Séguin et d’ Édouard Balladur, Roland Hureaux a signé pour sa part une tribune dans le numéro (estival) de Valeurs Actuelles (du 9 au 22 août,) intitulée « Et si l’on pensait aux chrétiens de Syrie ? » Il rappelle le rôle historique de la France au Levant , le mandat confié sur la Syrie par la SDN, par lequel la France était aussi censée protéger les minorités chrétiennes. Or, aujourd’hui, écrit-il, la diplomatie des Juppé et Fabius s’« évertue à détruire le seul régime arabe qui les protège encore », évoquant à ce sujet le sort funeste des chrétiens d’Irak.
M Hureaux, souligne la méthode des insurgés qui consiste à « pénétrer dans les quartiers centraux pour y prendre en otage la population ». Il relève que les massacres, tortures, enlèvements, viols, exécutions commis en Syrie sont principalement le fait de combattants de la liberté étrangers, se réclamant du salafisme ou d’al-Qaïda, venus renforcer la prétendue rébellion … ». « L’acharnement mis par Washington à vouloir à tout prix renverser le régime Assad ne semble plus relever d’une rationalité ordinaire mais de l’hybris d’une grande puissance irascible qui ne supporte pas qu’on lui résiste » affirme encore Roland Hureaux.
Et d’ajouter : « En poursuivant avec tant d’insistance leur offensive en Syrie par mercenaires interposés, par des sanctions et par une campagne médiatique sans précédent en temps de paix, les Américains et les Français se sont mis eux-mêmes devant le risque de n’avoir bientôt plus à choisir qu’entre une reculade humiliante et un conflit frontal avec la Russie, dont les conséquences seraient incalculables. »
Notons encore le communiqué du député UMP Jacques Myard qui se situe aux antipodes des fulminations anti-russes et atlantistes d’un Alain Juppé. « Les événements récents en Tunisie, en Libye, et en Egypte, où l’on voit s’installer des régimes islamiques qui veulent imposer par la force leurs conceptions intégristes et prosélytes de la charia doivent conduire les gouvernements occidentaux à plus de prudence sur le changement de régime à Damas (…) la France serait bien avisée de réfléchir à deux fois avant d’exiger le renversement du régime de Bachar, qui au demeurant se battra jusqu’au bout n’ayant rien à perdre » affirme M. Myard.
En effet, poursuit-il, « aucun observateur n’est capable d’affirmer que le mouvement de révolte contre le régime de Bachar El Assad serait conduit par des républicains laïcs. Il apparaît bien au contraire que ces mouvements dits de la « révolution » sont constitués de multiples forces disparates, allant d’Al Qaida aux salafistes, qui dans la mise en place d’un nouveau régime balayeront les quelques laïcs pour imposer leur loi. Et cela d’autant plus qu’ils sont armés en sous main par l’Arabie Saoudite, dont les conceptions libérales et le respect des minorités religieuses sont bien connus… »
Chacun aura noté avec Bruno Gollnisch que dans cette appréhension du dossier syrien, nous retrouvons la ligne de partage qui traverse parfois un même parti. A savoir entre d’un côté ceux qui refusent d’abdiquer les indépendances et souverainetés nationales, et de l’autre ceux qui, à « gauche » comme à « droite », acceptent de se soumettre au Nouvel ordre mondial. Cela n’est bien sûr pas le fruit du hasard…