Pour être tout à fait honnête M. Peres est un peu comme chez lui quand il visite les assemblées et les institutions européennes. Javier Solana, ex secrétaire général de l’OTAN (1995–99), ancien Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne (1999-2009), en avait fait l’aveu en octobre 2009 en Israël lors de la seconde édition de la conférence organisée sous l’égide de Shimon Peres , Facing Tomorrow . En présence notamment du philosophe Bernard-Henry Lévy, Javier Solana avait déclaré: « Israël permettez-moi de le dire, est un membre de l’Union européenne sans être membre de ses institutions ». M. Solana avait aussi affirmé qu’Israël est « partie prenante à tous les programmes de l’Union » et qu’aucun des États en cours d’adhésion à l’Union n’a de relation aussi étroite avec l’Union qu’Israël, bien que cet État n’ait jamais été officiellement candidat.
Aussi, la semaine dernière, et pour faire bref, Shimon Peres s’est contenté dans son allocution officielle, la première intervention d’un président israélien devant le Parlement européen depuis 30 ans, de rappeler bien sûr en filigrane la dette imprescriptible des Européens vis-à-vis d’Israël. Il a rejeté aussi toutes les critiques émises concernant la Palestine, la politique de colonisation de la Cisjordanie. Il a enjoint fermement l’Europe à inscrire le Hezbollah pro iranien sur la liste des organisations terroristes. Il a dressé un réquisitoire implacable contre l’Iran : « Téhéran soutient le terrorisme », « Téhéran met en cause l’existence d’Israël », « Téhéran nie l’Holocauste et veut en créer un autre », avant de demander à l’Europe d’empêcher ce pays de se doter, à l’instar de l’Etat hébreu, de l’arme nucléaire et de missiles à longue portée.
Evoquant la Syrie ravagée par le terrorisme, M. Peres a affirmé que le Hezbollah aidait sur le terrain le régime de Bachar el-Assad, notamment dans sa lutte contre les djihadistes qui rêvent d’y instaurer le califat islamique. Il a précisé aussi son souhait de voir se déployer dans ce pays des casques bleus de la Ligue Arabe.
Vœu que l’on peut juger irréaliste dans sa capacité à ramener la paix mais qui ne soulève pas l’indignation suscitée par les récentes déclarations de Laurent Fabius. Prenant acte du fait que la Russie, l’Iran livraient des armes au régime syrien, le ministre des Affaires étrangères a annoncé que « la France » –qui fournit déjà une aide non « létale » aux « rebelles »- et le gouvernement britannique allaient demander aux Etats de l’Union européenne la levée de l’embargo sur la livraison des armes aux forces armées dites modérées de l’opposition syrienne. Et qu’en l’absence de feu vert, Paris et Londres passeraient outre d’ici fin mai.
M. Fabius entend par là accélérer la chute du régime syrien par ce qu’il espère être un règlement militaire du conflit, en emboitant le pas au Qatar et à l’Arabie Saoudite qui fournissent déjà les brigades internationales islamistes en armes.
Dans les faits, cette précipitation se nourrit de la même inquiétude qui agite François Hollande. Ils ont lu tous deux les rapports qui pointent les rivalités entre factions rebelles et l’implication croissante des djihadistes dans ce conflit. Aussi, à Bruxelles le 15 mars, M. Hollande, qui redoute l’incapacité actuelle de la coalition hétéroclite des anti-Assad a arracher la victoire sur le terrain, a-t-il plaidé en faveur des livraisons d’arme. Au motif que « le plus grand risque, ce serait de ne rien faire, de laisser faire (…). Ce serait le chaos (…). Le plus grand risque, c’est l’inaction. » Le plus grand risque a affirmé jusqu’alors la diplomatie russe, c’est de croire que la situation de la Syrie se réglera uniquement en faisant parler la poudre.
Relevons encore que le comble de la bêtise et/ou de la malhonnêteté a été atteint par la propagande gouvernementale distillée dans les médias, expliquant que les armes qui seront fournies aux milices anti Assad seront « traçables » pour éviter qu’elles ne tombent aux mains des terroristes fondamentalistes.
Sur le site de France TV Info , Jean-Pierre Maulny, spécialiste de l’armement à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) expliquait qu’ « Il faut absolument mettre en place un système de traçabilité ». « Numéroter, avoir un système d’identification indélébile pour chaque arme, et récupérer le matériel après. Comment ? On doit pouvoir désigner un interlocuteur, pour savoir à qui réclamer les armes.Reste que rien ne garantit que l’arme sera rendue. Sur les armes légères, on n’a jamais trouvé de système efficace pour les contrôler, admet le chercheur. Mais pour lui, les choses vont dans le bon sens. Il vaut mieux que les livraisons d’armes soient officielles. Aujourd’hui, le système passe par les Saoudiens et les Qataris, avec des intermédiaires en Turquie. »
« Autre solution, plus perfectionnée qu’un simple traçage, imaginée par les industriels : des systèmes permettant de localiser et neutraliser les armes à distance. Cette technologie serait aujourd’hui répandue sur les armes sophistiquées comme les missiles. Mais cela ne garantit pas une sécurité à 100%. » « Chargé de plaidoyer paix et conflit au CCFD-Terre solidaire, Zobel Behalal signale qu’une arme disponible « une minute entre les mains d’un irresponsable peut faire beaucoup de dégâts ». « Autre innovation, pendant le conflit libyen, des armes à usage unique, avec une durée de vie limitée, auraient été livrées aux rebelles. Mais encore une fois, pour Zobel Behalal, le problème est plus large : A-t-on la garantie que les destinataires sont tous recommandables ? Si oui, que le gouvernement nous communique leurs noms… »
Une fois n’est pas coutume,l’ex ministre de la Défense et député UDI Hervé Morin a fait sien l’avis du FN et de Bruno Gollnisch en parlant de «foutaise » à propos de l’idée d’une « traçabilité »des armes. «Ajouter la guerre à la guerre ne mènera à rien » et ne saurait « fléchir un tant soit peu le régime de Bachar el-Assad ou la position russe ou chinoise ». Les mouvements qui constituent cette résistance at-il ajouté, « sont en grande partie des jihadistes ou des salafistes ». « Qui vous dit que dans six mois, ces mêmes armes ne seront pas retournées contre nous-mêmes ? C’est une attitude de pompier-pyromane, comme si on voulait se donner bonne conscience » a déclaré M. Morin.
Marine Le Pen, Bruno Gollnisch ou encore Marion Maréchal l’ont dit et répété, la France n’a pas à soutenir la rébellion syrienne ; Marion le résumait sur l’antenne de BFM hier matin : « On va aller armer une résistance extrêmement hétérogène dont on sait qu’une grande partie est composée d’islamistes. On va faire tomber un régime qui est, certes, éminemment critiquable, mais qui avait deux mérites.Le premier était de préserver relativement le droit des femmes. Le second était de faire cohabiter pacifiquement des minorités qui demain vont se faire massacrer . »