Mardi soir se tenait aussi au Pavillon d’Armenonville à Paris le 29éme dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), présidé par Roger Cukierman, dont François Hollande était l’invité d’honneur. Celui-ci a réuni 800 personnalités, dont de nombreux ministres, hommes et femmes politiques de l’UMPS et du centre. Manuel Valls, quand même, était bien évidemment présent comme il était aussi à celui organisé par l’antenne toulousaine de cet organisme jeudi dernier. Quel appétit !
La présence au raout d’une organisation clairement communautariste, d’élus se définissant comme « républicains» est toujours un sujet d’interrogation. D’autant que le Crif n’est pas, très loin s’en faut, « représentatif » de la majorité des Juifs de France. L’ancien président du Crif, Richard Prasquier, l’indiquait d’ailleurs sans ambages dans le magazine Actualité Juive en mai 2013 : «Non, le CRIF ne représente pas « tous » les Juifs. Il représente ceux qui se sentent représentés par lui, d’où qu’ils viennent ». A la vérité, ça ne fait pas grand monde.
Si selon les propres chiffres d’un organisme interne, le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), le nombre d’actes antisémites aurait chuté de 31 % en 2013, Roger Cukierman ne s’est pas arrêté sur cette bonne nouvelle. Il a tenu, comme à son habitude, un discours alarmiste et anxiogène… qui est la raison d’être du Crif. Il a demandé à M. Hollande que la « lutte contre la propagation de la haine» soit élevée au rang de « cause nationale ». « La bête immonde est, hélas, bien présente, aujourd’hui, en France», a-t-il insisté, évoquant certains slogans entendus dans les rangs de la manifestation Jour de colère le 26 janvier à Paris (« Crif dehors, la France n’est pas à toi »).
Comme l’ont fait ses prédécesseurs, M. Cukierman a demandé qu’Israël soit admis «dans l’Organisation de la francophonie financée par le contribuable français » et que «la France se démarque du reste du monde et reconnaisse Jérusalem comme la capitale (de l’Etat hébreu)».
C’est devenu aussi un rituel, il a tenu à dénoncer symétriquement, une « extrême gauche » pro-palestinienne dont «l’antisionisme (serait le) nouvel habit de l’antisémitisme »… et la montée en puissance des intentions de vote en faveur du Front National. Non content d’attaquer de manière violemment diffamatoire Bruno Gollnisch dans les colonnes de Var-Martin il y a quelques semaines, le patron du Crif a récidivé.
Il a décrit hier le FN comme un Mouvement abritant en son sein « (une) cohorte d’antisémites, de vichystes et de négationnistes réfugiés derrière sa dirigeante, attentive à ne pas commettre d’impair ». Là aussi ce type de propos répétés ad nauseam à quelques semaines d’échéances électorales importantes, visant bien maladroitement à influer sur le vote des Français, ont été comme tels farouchement applaudis par les politiciens présents.
Une maladresse qui inquiète de nombreuses figures médiatiques comme Alain Finkielkraut, qui juge que le rendez-vous annuel du Crif relève du «tribunal dînatoire», d’une « convocation du gouvernement ». A l’autre bout de l’échiquier politique, l’élue EELV et universitaire Esther Benbassa, dresse le constat des raisons troubles du « succès » des rendez-vous du Crif « qui est perçu comme un lobby (…) par les politiciens. Et considéré comme tel, il l’est bien, un lobby, en fait. Ceux qui s’agglutinent à son dîner croient vraiment qu’il joue un rôle important dans la machine électorale. On y vient à la pêche aux voix juives, et pour être adoubé par des juifs dont l’influence serait déterminante, en raison de la place qu’ils occupent, ou sont censés occuper, dans la société française». L‘antisioniste, homme de gauche et ex président de Médecins sans frontières, Rony Brauman, tombe lui aussi d’accord avec la journaliste «réac» Elisabeth Lévy pour estimer que le Crif est perçu comme une « seconde ambassade d’Israël ».
La confusion intellectuelle, matinée de mélange des genres et d’intérêts boutiquiers semblent servir de mauvaise boussole à ce Crif qui, certes, n’est pas plus malhonnête que les représentants du pouvoir politico-médiatique qui y font la queue pour s’y faire (bien) voir.
Un exemple nous en a été donné avec la polémique suscitée par les propos de Paul-Marie Coûteaux. Le président de Souveraineté, Indépendance et Libertés (Siel), allié au FN au sein du Rassemblement Bleu Marine, candidat du RBM dans le VIe arrondissement de Paris, s’est inquiété sur son blog le 25 février, de l’arrivée en masse de Roms dans la capitale. Un pseudopode du PS, SOS racisme, a dénoncé lundi des « propos immondes» et annoncé un «dépôt de) plainte dans les prochains jours », au «regard de la gravité et de l’abjection de cette prose antirépublicaine».
Dans les faits, Paul-Marie Coûteaux décrivait «la rage que (lui) donne le spectacle désolant de ces femmes, de ces enfants, et quelquefois de ces familles entières qui, dans un état d’abandon indescriptible, parsèment l’arrondissement, l’amochent de part en part, et rompent le charme de la moindre promenade ».
« (…) Ces nomades ne répondent-ils pas aux grandioses anticipations de ce vieux futuriste de Jacques Attali, qui, voici vingt ans, faisait du nomadisme l’horizon prometteur d’une humanité neuve. Il est beau de voir que cela finit sur le trottoir à faire la manche devant les distributeurs de banques…(…) . Mais que peut faire M. le Ministre de l’Intérieur – à part concentrer ces populations étrangères dans des camps, où la vie serait sans doute si peu conforme à ce qu’elles escomptaient du voyage qu’elles préféreraient déguerpir d’un territoire aussi inhospitalier ».
Le mot « camp » employé le président du Siel, chargé de lourdes réminiscences , a été utilisé contre lui pour instrumentaliser la campagne que l’on imagine. M. Coûteaux a immédiatement exprimé sur son blog son « regret que toute solution légale (ne soit) pas possible. La solution légale serait d’avoir d’urgence une réunion européenne pour avoir une suspension générale de l’application de Schengen».
«Si le mot camp a été mal interprété, je le regrette (…). Je suis catholique, je ne suis pas au Front National, je suis gaulliste. Comment voulez-vous que je demande l’érection de camps de concentration en 2014 ? Si le mot camps que j’ai utilisé connote ces camps-là, alors oui je regrette de l’avoir utilisé» a-t-il précisé
Rassurons encore les exégètes mal intentionnés des propos en défense de Paul-Marie Coûteaux qui peuvent là aussi prêter à confusion : nous aussi adhérents, militants, cadres historiques et autres non gaullistes du FN, nous n’avons jamais demandé « l’érection de camps de concentration»!
Cette polémique, pour futile qu’elle soit, apporte en tout cas la preuve que même en étant non adhérent mais simple allié du FN, même en prenant soin de s’en démarquer, on n’échappe pas à la diabolisation, à la police de la pensée et de l’arrière pensée, à la malveillance des interprétations.