Former un groupe réunissant des partis et formations se revendiquant des idées nationales, patriotiques, populistes, souverainistes ou eurosceptiques, est une tâche ardue et délicate. Bruno Gollnisch est bien placé pour le savoir lui qui a appartenu dans les années 90 au Groupe des Droites Européennes, et qui fut à la tête dans un passé très proche de deux groupes européens, Identité Tradition Souveraineté (ITS) et l’Alliance Européenne des Mouvements Nationaux (AEMN) réunissant des formations patriotiques qui ne siégeaient pas forcément au Parlement européen.
Le site de Marianne l’évoquait, dans une note pour la fondation Jean-Jaurès publiée le 23 mai, « le chercheur Jean-Yves Camus prévoyait que moins de 30% des élus seront rattachables aux droites eurosceptiques, nationalistes, radicales ou extrêmes. Cela constituera une progression, mais sans doute pas un tsunami politique ».
Pour autant, « sur le papier », avec désormais 140 députés dits eurosceptiques sur 751 dans cette nouvelle mandature, sachant que le FN revient avec 24 députés et qu’il en faut au moins 25 de sept pays différents pour pouvoir former un groupe, ce souhait ne semble pas irréalisable. Les jours prochains seront consacrés, entre autres, à ces tractations importantes. Marine Le Pen tiendra ce mercredi une conférence de presse sur ce thème à Bruxelles avec « ses alliés ».
En novembre dernier à Vienne, les jalons d’un groupe en devenir, ayant comme ébauche l’Alliance européenne pour la liberté (AEL) à laquelle appartenait déjà Marine, certains élus du FPÖ et du Vlaams Belang dans la dernière assemblée, ont été posés.
Lors de leur réunion en Autriche six partis -FPÖ, PVV, Ligue du Nord, Vlaams Belang et SNS slovaque- avait acté une déclaration commune portant sur «le maintien de la souveraineté nationale contre le centralisme de Bruxelles» et «la conservation des identités culturelles des peuples européens contre une immigration massive et une islamisation de l’Europe».
Depuis le SNS n’a pas réussi à avoir d’élus et certaines des formations citées plus haut pourraient être tentées par d’autres alliances, notamment avec les britanniques d’Ukip, ( 29% des voix, 23 sièges). Le site du Figaro s’en fait l’écho, « son leader, Nigel Farage, n’a pas attendu les résultats de dimanche pour opposer une fin de non-recevoir au FN. Je ne veux pas être impoli envers Marine Le Pen, ce n’est pas nécessaire, mais je ne pense pas que son parti fasse partie de notre famille politique, avait-il dit vendredi à Reuters. Le parti français, lui, affiche une ouverture de principe. Son objectif est d’avoir un groupe et d’en être à la tête. S’il n’y arrive pas, peut-être qu’il changera d’avis, dit Marine Le Pen de Nigel Farage ».
« Reste que l’Ukip dispose d’un coup d’avance sur le FN, dans la mesure où il disposait déjà d’un groupe – Europe Liberté et Démocratie – dans la précédente législature, au côté du Parti populaire danois, des Vrais Finlandais et de la Ligue du Nord ».
Certes, Le Figaro n’a pas foncièrement tort, aussi s’agit-il d’examiner dans le détail et par pays, les forces en présence et les partis susceptibles de pouvoir former un groupe avec les députés frontistes. Marine Le Pen et Florian Philippot ont écarté tout groupe en commun avec les hongrois de Jobbik, parti arrivé en deuxième position avec 14,7 % des voix et trois députés, membres précédemment de l’AEMN, ou encore avec le parti nationaliste allemand NPD (un élu) et les Grecs de la formation d’extrême droite Aube dorée (XA), plus de 9 % des voix et deux élus.
Les discussions porteront donc en Autriche avec le parti de droite nationale FPÖ en pleine dynamique (20,5 % des suffrages, 12,7% en 2009) qui obtient quatre élus et reste un allié fidèle du FN. Le ralliement à un groupe commun de l’unique élu cette fois du Vlaams Belang, parti identitaire flamand en recul électoral très sensible, devrait aussi être assuré.
En recul lui aussi, au Pays-Bas le parti PVV de Geert Wilders (13,2% des voix contre 17% en 2009) conserve cependant ses quatre sièges et a récemment fait part de son souhait d’une alliance formelle avec le FN
En Italie, la Ligue du Nord, très axée sur la lutte contre l’immigration de peuplement, a emporté cinq sièges avec 6,15% des suffrages. Quant au Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, populiste et eurosceptique, il est devenu la seconde force politique italienne avec 21,15% des suffrages et 17 députés.
Autre formation a avoir dépassé la barre des 20%, au Danemark, le Parti du peuple danois (DF) de Pia Kjærsgaard, anti-immigration et eurosceptique, est arrivé en tête avec 26,7 % des voix, (10 points de plus qu’en 2009) et décroche quatre sièges . La tête de liste européenne du parti, Morten Messerschmidt, chante les louanges des conservateurs britanniques et eu des mots peu aimables vis-à-vis du FN disant regretter que « des partis comme le Front National et Aube dorée gagnent du terrain ».
Pareillement en Finlande, le parti Les Vrais Finlandais (12,90%, un élu) allié avec Ukip dans la précédente mandature comme nous l’avons vu, et qui critique surtout la zone euro, devrait refuser toute alliance avec le FN. Il en va de même en Allemagne des sept élus du parti eurosceptique AFD (Alternative pour l’Allemagne), crée au printemps 2013.
Une alliance est peut être plus plausible avec la formation nationale les Démocrates de Suède qui avec 9,7% et deux élus fera son entrée au Parlement européen. Il faudra aussi certainement prendre langue avec le parti patriotique eurosceptique de Lituanie, Ordre et justice (2 siéges), les eurosceptiques tchèques du parti Démocrates civiques ( 1 député, 7,96% des suffrages), les eurosceptiques polonais du Congrès de la nouvelle droite (quatre élus, 7%). Au travail!
)