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« Où va la droite ? » « Où » est le FN ? Gollnisch répond dans monde & vie

Gollnisch bonne photoL’excellent magazine  « national-catholique » monde & vie, que vous pouvez commander à l’adresse suivante: http://www.monde-vie.com/La%20Une%20du%20numero%20en%20cours.htm, nous offre dans  sa livraison estivale un remarquable dossier dont l’objet est résumé dans son  intitulé : « Où va la droite ? ». Celui-ci  ne manquera d’intéresser particulièrement nos amis. Outre Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch a également accordé un entretien à cette revue (il est interrogé par Eric Letty) pour apporter un éclairage frontiste à cette question existentielle. Avec l’aimable autorisation de la rédaction, nous le reproduisons ici in extenso, mais sans les intertitres figurant dans l’article.

Député européen et conseiller régional de Rhône-Alpes, Bruno Gollnisch est, depuis ses années de faculté à Nanterre, engagé en politique, et se revendique comme un homme de droite. Après quarante ans d’engagement, il a de cette droite une vision assez complète, qui, sans lui faire se voiler la face, n’a pas terni sa conception politique

monde & vie : Reste-t-il une droite en France? L’UMP part au centre; quant au Front national, Eric Zemmour et Nicolas Domenach estimaient récemment que ce qui différencie aujourd’hui Marine Le Pen de Jean-Luc Mélenchon, c’est l’immigration… En fin de compte, on a le sentiment que beaucoup de Français de droite ne savent plus à quel parti se vouer…

 Bruno Gollnisch : Il faut d’abord s’entendre sur le sens des mots. Qu’est-ce que la droite? Je suis et reste un homme de droite, mais je ne suis pas choqué de voir que le FN s’affranchit de ce clivage révolutionnaire. On a beaucoup daubé aussi sur le fait que le Front National insiste davantage aujourd’hui sur la défense du service public, sur la conservation d’un certain nombre de monopoles nationaux, alors que par le passé il se présentait davantage comme reaganien en économie et désireux d’alléger le poids de l’Etat.

 La contradiction est moindre que ce que l’on veut bien croire, parce que la situation a beaucoup évolué. Aujourd’hui, la libéralisation de l’économie est devenue un des éléments de la spoliation par le mondialisme du patrimoine des Français. C’est en ce sens-là que, désireux de protéger nos compatriotes, nous sommes hostiles à certaines formes de concurrence déloyale.

 Je pense par conséquent que nous sommes assez cohérents en continuant, d’une part, à demander la restauration des libertés économiques à l’intérieur, en nous libérant du fiscalisme et de la bureaucratie, mais d’autre part en demandant une protection raisonnable, sur le pourtour extérieur, de notre espace humain et économique.

 Les deux choses ne sont pas du tout antinomiques;  le problème est qu’à l’heure actuelle nous faisons exactement l’inverse. Nous accablons notre économie, nos entrepreneurs, tous ceux qui veulent manifester de l’initiative, de contraintes, de règlements, de charges. Et en même temps, nous ouvrons l’espace français à la concurrence de pays qui, eux, n’ont aucune contrainte, aucune charge, aucune obligation. Cela provoque un choc dévastateur.

 En ce qui concerne l’UMP, j’avais dit il y a quatre ans, à un moment où la majorité des commentateurs donnait la réélection de Sarkozy comme très probable, que ce parti ne survivrait pas à l’échec programmé de Nicolas Sarkozy, qu’elle risquait l’explosion, et qu’à ce moment-là certains éléments pourraient s’en détacher et nous rejoindre. Ce n’est certes pas encore le cas, et l’on voit un Guaino, pourtant réputé comme l’un des plus conservateurs en matière sociétale, en conflit avec le FN.

 Mais les choses sont telles aujourd’hui que nous sommes cependant en position de lancer un appel à tous ceux qui, dans ce parti, sont attachés à la défense de l’intérêt national, à la défense de notre indépendance face au mondialisme, à l’inversion du courant de l’immigration, à la restauration des libertés économiques à l’intérieur, ainsi qu’à un protectionnisme intelligent à l’extérieur.

 Beaucoup de gens qui pensent cela à l’UMP sont peut-être « frontistes » sans le savoir, et il faudrait les révéler à leur vraie nature. Il faut par conséquent leur tendre la main, ce qui dépend d’une stratégie qui doit être élaborée, à mon avis, sous la présidence de Marine Le Pen.

monde & vie: Pensez-vous que l’aile droite de l’UMP soit susceptible d’entendre ce discours ?

 Bruno Gollnisch : C’est indiscutablement la situation d’une grande partie de l’électorat. Et même de beaucoup d’élus. Sans doute beaucoup moins en revanche des cadres et des dirigeants. J’ai toujours été frappé par le fait que, plus on s’élève dans la hiérarchie partisane, plus on constate une distorsion des intentions véritables des dirigeants par rapport aux souhaits de leur base. Mais il faut tendre la main, y compris à ceux de leurs élus et dirigeants qui sont honnêtement soucieux de l’avenir du pays.

monde & vie: Il y a eu un grand mouvement de droite dans le pays avec l’opposition au mariage pour tous. Où en est-on au FN, quel est le regard que l’on porte par rapport à ce mouvement non partisan justement, mais qui finalement s’est fait jour à travers une inquiétude globale d’une partie de la population ?

 Bruno Gollnisch : Certains disent que le FN ne s’est pas engagé  dans cette affaire. Mais, de toutes les formations politiques, c’est celle qui a été la plus unanime dans la condamnation de la loi Taubira, par un communiqué du bureau politique et de sa présidente et par la participation de dizaines de conseillers régionaux et de plusieurs de ses parlementaires. Gilbert Collard, Marion Marechal-Le Pen et moi-même avons participé à la plupart des manifestations.

 Quant à l’apolitisme de ce mouvement, il faut s’entendre. Je suis persuadé de la pureté des intentions de la base, mais je dois vous dire que j’ai été extrêmement choqué que certains dirigeants, et en particulier madame Virginie Merle alias Frigide Barjot avec laquelle j’ai cependant à de nombreuses reprises cherché à avoir le contact, aient donné la parole exclusivement à des membres de l’UMP y compris à ceux qui avaient été, sinon les acteurs, du moins les complices de toutes les dégradations de la législation en matière familiale.

 Aussi quand Marion Maréchall-Le Pen, qui a combattu le texte à l’assemblée, ou moi-même qui défend depuis trente ans dans les assemblées parlementaires et régionales les valeurs traditionnelles, sommes empêchés de nous adresser à ce public, et tenus à l’écart, on soupçonne tout de suite une tentative de récupération , doublée d’un très grand amateurisme de la part des dirigeants les plus honnêtes.

 Je pense à ce dirigeant d’une grande association familiale qui me disait ne pas vouloir faire de politique, et à qui je faisais observer que ce combat était nécessairement  politique. Pour combattre efficacement un projet de loi, il faut réunir une majorité politique. Il fallait donc avoir une stratégie politique.

 Cela dit, ce mouvement est le signal réconfortant d’un réveil des familles françaises, mais pour le moment c’est un échec politique total. Pour être efficace, il faut que les acteurs de ce mouvement s’engagent en politique.

 monde & vie: On parle d’un éventuel retour de Nicolas Sarkozy. Peut-il aujourd’hui incarner la droite, ce qu’il n’a finalement jamais réellement fait?

 Bruno Gollnisch : Il a été élu en 2007 par le « peuple de droite », qui est majoritaire dans le pays, en laissant entendre qu’il partageait certaines préoccupations des Français. Et puis, pendant cinq ans, il n’a fait que le contraire. Il a fait l’ouverture à gauche et uniquement à gauche: Besson, Kouchner, Mitterrand, Migaud et il y en a d’autres. Evidemment pas une ligne du code de la nationalité n’a changé, les expulsions de délinquants étrangers ont été suspendues, etc.

 Le résultat de tout cela (et sans parler de certains scandales) a été un formidable désenchantement pour une grande partie de l’électorat. Je dois dire que je comprends et partage la colère des Français, et pas seulement des plus humbles.

 Sarkozy a limité la casse en tenant  dans les dernières semaines de sa campagne un  discours droitier. Contrairement à ce que pensent les NKM et autres, ce n’est pas du tout la «stratégie Buisson » qui a coulé Nicolas Sarkozy; elle a au contraire limité la défaite. Le problème, c’est que cette « redroitisation » bien tardive de son discours n’était plus crédible.

 Pourrait-il, à condition de dépasser le plan judiciaire, revenir? Il lui faudrait alors regagner en crédibilité, par une rupture avec les pratiques du passé et aussi avec une partie de son entourage.

monde & vie:  Le FN est-il prêt à dépasser le clivage droite-gauche?

 Bruno Gollnisch : Je suis indiscutablement un homme de droite. Mais je ne suis pas choqué, je vous le disais, que certains souhaitent mettre fin à une dialectisation de notre société qui date de la Révolution française. A condition que ce rassemblement se fasse clairement autour de la défense des identités, des indépendances nationales face aux forces obscures et abjectes du mondialisme, niveleur, destructeur des identités nationales, des identités spirituelles, des identités familiales. Et, bien sûr, sans ostracisme.

 Il faut aussi s’entendre sur ces mots de droite et de gauche. Si la droite c’est l’ultralibéralisme, c’est abolir les frontières, c’est croire au bienfait illimité du libre brassage des marchandises, des capitaux et des personnes, si c’est ériger le libre-arbitre humain au-dessus de toute transcendance, de toute norme, de toute valeur, je ne suis pas de cette droite-là. Cette droite libérale, au sens philosophique de ce mot, n’a jamais été mienne.

 Je pense que si les gens se sont imaginés que le Front National était de cette nature-là, ils se sont trompés.

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