Dans un entretien accordé à La Voix du nord mis en ligne le 15 octobre, le géographe Christophe Guilluy auteur du retentissant « La France périphérique » ne se contente pas d’évoquer «les stratégies d’évitement» «des bobos» «pour mettre de la distance avec l’immigré .»
« Les gens votent FN rappelle-t-il, car les autres partis ne leur parlent pas, ne les écoutent pas -le vote FN est aussi plus largement une vote d’adhésion à des idées, NDLR. Mais résumer la France périphérique au vote FN, c’est se tromper ». L’opposition patriotique n’a pas (encore) opéré le plein des voix au sein de la France de oubliés et des invisibles mais « le PS est devenu au fil du temps le parti des bobos des métropoles. Mais le même discours du parti est inapplicable entre le bobo de Lille et l’ouvrier d’Hénin. C’est une posture intenable ».
D’autant qu’«en milieu populaire souligne-t-il encore, la référence gauche-droite n’est plus opérante depuis au moins deux décennies : une tendance encore plus marquée chez les jeunes générations ». Seul le vieillissement du corps électoral permet de « maintenir artificiellement un système électoral peu représentatif, les plus de 60 ans étant en effet ceux qui portent massivement leurs suffrages vers les partis de gouvernement.
C’est aussi cet effacement des repères entre les politiques menées par la droite et la gauche qui bénéficie au FN dont le politologue Thomas Guénolé suppute sur la probable progression électorale dans un article qui vient d’être publié par slate.fr. Sur le site de Jacques Attali, notre prof à Sciences-Po et militant anti frontiste commence son propos en visant la polémique, assurant que la présidente du FN n’est qu’une simple marionnette.
« Contrairement à Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen règne sur le FN mais ne le gouverne pas. Actrice sur les textes et la mise en scène écrits par un autre, elle est l’instrument volontaire de l’homme-orchestre du parti: Florian Philippot, vice-président chargé de la stratégie et de la communication. Des éléments de langage à la formation des cadres en passant par l’essentiel du programme, ce dernier compense de son mieux la carence de cadres du parti. Aussi n’y a-t-il aucun sens à s’interroger sur la stratégie de la présidente du FN: la stratégie de Marine Le Pen, ça n’existe pas; ce qui existe, c’est la stratégie Philippot ».
Une stratégie Philippot affirme-t-il qui « consiste somme toute, à faire atteindre au FN, en le poussant vers sa gauche, le point que ciblait Charles Pasqua en poussant feu le RPR vers sa droite. Ce faisant, l’homme-orchestre du FN reproduit la stratégie du MSI italien, parti néofasciste qui a réussi sa normalisation et a pu ainsi entrer au gouvernement ».
Un exemple italien plutôt malencontreux; certes repris en boucle par des journalistes et les « spécialistes » de ce milieu auto-référencé, en ce sens que la stratégie Fini, qui a commencé par un changement de nom et du sigle du MSI, a été un échec retentissant. Le dauphin de Georgio Almirante est parvenu au pouvoir non pas tant en reniant ce qui restait au MSI de la tradition fasciste, mais beaucoup plus gravement au prix d’un abandon total de ses idées patriotiques.
Nous l’avons souvent dit ici, Fini est devenu atlantiste, s’est rallié au Nouvel ordre mondial, a demandé pardon pour des crimes qu’il n’a pas commis, accepté l’immigration invasion, prôné la régularisation des clandestins, s’est prononcé pour le droit de vote des immigrés et vanté, comme il l’a déclaré en mars 2009, les vertus de la société multiethnique et multi-religieuse!
M. Guénolé affirme encore que c’est «la professionnalisation, l’explosion du chômage et l’effet boule-de-neige des premiers succès » qui ont permis au FN de bénéficier d’une « mobilisation supérieure à la moyenne » de ses concurrents de son « réservoir de voix ». Il pointe encore un « discours d’extrême droite souverainiste, notamment économique (qui) est davantage mis en avant au détriment du discours d’extrême droite xénophobe. L’idée est d’attirer plus facilement les électeurs non-FN ayant voté non au référendum européen de 2005, qu’un discours xénophobe ne peut séduire que s’il est repeint en protectionnisme ».
Là aussi une grille de lecture assez partiale puisque ce que M. Guénolé appelle un « discours d’extrême droite souverainiste, notamment économique » est présent, «mis en avant » et développé au FN depuis 25 ans ! C’est l’aggravation de la crise, comme il le souligne lui-même, qui le rend plus audible. Enfin, aussi bien dans la réalité des faits que dans l’esprit de la très grande majorité des électeurs frontistes, les notions d’identité, de sécurité et de souveraineté ne sont pas séparables…même pour un ancien électeur de gauche qui vote désormais Marine.
Pour autant écrit-il, l’opposition nationale «ne parvient pas (pas encore, NDLR) à dépasser son plafond (de verre) de 14% des inscrits (sur les listes électorales). D’autre part, il souffre d’un déficit de candidats de qualité». Bref, « en 2015, les départementales et les régionales ne profiteront au FN que grâce à la meilleure mobilisation de son réservoir de voix dans un contexte de forte abstention. En 2017, en revanche, lorsque toutes les forces politiques feront le plein de leur réservoir de voix, l’on verra si le FN dépasse son plafond habituel de 14% des inscrits. »
Nous sommes en effet dans une période de transition électorale. La question est de savoir si le grand basculement peut se faire, en un mot si l’abstention peut être une étape vers le vote FN ou restera stérilement une fin en soi, avant un retour éventuel au bercail UMPS.
Enfin, Thomas Guénolé avoue qu’il n ’a rien compris au FN en s’arrêtant sur ce qu’il analyse comme « le double discours sur le FN normal: d’un côté, affirmer in petto qu’il n’a jamais été d’extrême droite, ce qui aurait étonné son premier trésorier, l’ex-caporal SS Pierre Bousquet; de l’autre, soutenir que le FN a changé, sans s’attarder sur la contradiction avec la thèse d’une ligne politique qui n’aurait jamais posé problème » (sic).
Le FN est tout simplement un organisme vivant, reflet dans sa composition des rapports de force politique du moment. Il a cependant toujours eu pour ambition de dépasser le clivage artificiel imposé par ce Système pour devenir un grand mouvement original, susceptible d’attirer des Français venus de tous les horizons mais liés entre eux par l’amour de la patrie et une volonté de réconciliation nationale.
Le commissaire Guénolé, certainement content de son petit effet, évoque Pierre Bousquet, là ou d’autres avant lui ont pensé avoir levé un lièvre en parlant de nos anciens camarades Barthélémy, Brigneau, Dufraisse, Gaucher, Gaultier, Malaguti… Mais il oublient sciemment de dire, constate Bruno Gollnisch, que le FN a accueilli aussi en son sein, comme adhérents, responsables, cadres, candidats, de très nombreux anciens combattants de la France libre, de décorés de la Croix de guerre 39-45.
Des héros authentiques comme le général Jean Valette d’Osia, Grand croix de la légion d’honneur, fondateur du maquis des Glières, président en son temps du comité de soutien à la candidature de Jean-Marie Le Pen; Des compagnons de la libération comme Michel Carage, les ex ambassadeurs Michel de Camaret et Augustin Jordan ; des médaillés de la résistance comme Me Jean-Baptiste Biagi, Pierre Chesnay, Nicole de Boisguilbert, l’ambassadeur Albert Chambon, Edouard Frédéric-Dupont, Robert Hemmerdinger, Albert Sauvanet, le Docteur Pierre Weber, Henri Yrissou ; des titulaires de la Croix du combattant volontaire de la résistance comme l’extraordinaire Rolande Birgy alias Béret bleu, qui a recu la médaille des « Justes entre les nations » (Yad Vashem), Edouard Fontana, Serge Jeanneret qui fut membre fondateur du FN, Jacques Lafay, Francis Massart…
Cette volonté de réconciliation, le président Georges Pompidou (dont l’oncle Frédéric Pompidou fut lui-même lieutenant dans la L.V.F. et blessé sur le front russe) l’évoquait dans sa conférence de presse du 23 septembre 1972 restée célèbre: « Notre pays, depuis un peu plus de trente ans a été de drame national en drame national. Ce fut la guerre; la défaite et ses humiliations ; l’Occupation et ses horreurs; la libération, par contrecoup l’épuration et ses excès, reconnaissons-le; et puis la guerre d’Indochine ; et puis l’affreux conflit d’Algérie et ses horreurs des deux côtés ; et l’exode d’un million de Français chassés de leurs foyers ; et du coup l’O.A.S. et ses attentats, ses violences, et par contrecoup la répression ».
« Alors, ayant été, figurez-vous, dénoncé par les agents de Vichy à la police allemande, ayant échappé deux fois à un attentat, une fois au côté du général De Gaulle et l’autre fois à moi destiné, je me sens le droit de dire :allons-nous éternellement entretenir saignantes les plaies de nos désaccords nationaux ? Le moment n’est-il pas venu de jeter le voile ; d’oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas et même s’entretuaient ?Et je ne dis pas ça, même s’il y a des esprits forts, par calcul politique, je le dis par respect de la France».
Tout est dit. Et ce souhait d’apaisement, de rassemblement des Français rappelle Bruno Gollnisch, c’est cela la stratégie de Marine et du Front National; elle reste plus que jamais d’une impérieuse actualité dans notre cher pays menacé d’implosion, de disparition.