Alain Juppé a réitéré le refus de la direction de son parti, en porte-à-faux avec une très grande partie de son électorat, de tout accord avec les nationaux pour faire échec à l’élection d’un président de Conseil départemental socialiste : « nous devons refuser toute alliance avec le Front National ». Porteur d’un discours d’enfumage plus droitier, Nicolas Sarkozy fait lui aussi le pari d’une victoire en 2017 qui passerait par la neutralisation de l’UDI voire du MoDem. Une petite nébuleuse centriste à qui l’on donne(rait) et promet(trait) quelques postes, fiefs électoraux et maroquins en échange d’une non candidature à la présidentielle. Dans le cas inverse, cela pourrait rendre très problématique la qualification du « champion de l’UMP pour le second tour…
L’UMP, comme avant elle le RPR, s’accommode parfaitement de son jeu de duettistes avec le PS. Le partenaire indispensable de la pièce de théâtre jouée depuis quarante ans pour faire croire que l’alternance politique droite -gauche correspond à une réalité, alors que les orientations politiques, idéologiques dé fendues une fois au pouvoir, restent globalement les mêmes.
C’est pourtant ce jeu de dupes, ce refus de prendre en compte les aspirations identitaires, sécuritaires, protectionnistes au sens large, des Français, qui conduit aujourd’hui une large fraction des électeurs de droite à réclamer une inflexion nationale dans les assemblées d’élus, à la tête de l’Etat.
Chiraquien historique, mais néanmoins homme de conviction appartenant à la droite des valeurs, aux analyses et réflexions souvent pertinentes, en tout cas régulièrement partagées par Bruno Gollnisch, Denis Tillinac était interrogé ce début de semaine sur le site Atlantico.
Il y affirme qu’il existe certes « une frontière politique et stratégique » entre la droite classique et l’opposition nationale puisque dit-il, « Marine Le Pen veut la peau de l’UMP et Sarkozy veut la peau du FN. Ce sont des questions de pouvoir ». Pour autant, « la porosité que les observateurs remarquent entre les deux électorats est une évidence ». Si « Marine Le Pen réussit son pari, elle montra à 40% et marginalisera l’UMP. Sur la durée, on peut envisager la disparition totale (du FN ou de l’UMP). Peut-être sous la forme d’un suicide ».
Au-delà de cette hypothèse prospective, M. Tillinac, questionné sur la charte proposée aux élus UMP par le FN dans le cadre de l’élection des présidents de conseils départementaux (voir notre article publié lundi), souligne qu’ « Il y a un minimum de connivence entre les deux électorats (UMP et FN, NDLR). C’est un phénomène que Sarkozy, en qualité de président de l’UMP, devrait prendre en considération. »
« L’UMP doit avoir l’intelligence de ne pas se laisser piéger pour faire plaisir à trois journalistes de gauche indignés qui dénonceront une alliance avec le fascisme. Son électorat est plus près du FN que du PS. D’un autre côté, l’électorat FN préfère voter, à tout prendre, pour l’UMP plutôt que pour le PS. C’est une réalité fondamentale ».
Aussi, Denis Tillinac « ne trouve pas que ce soit une bonne idée de définir le FN comme un ennemi privilégié. C’est un adversaire, au même titre que le PS. Nous sommes dans un faux ni-ni. On menace d’exclusion immédiate quelqu’un qui ferait le moindre accord avec le FN. Or, lors des législatives partielles du Doubs, Juppé et NKM ont appelé à voter socialiste contre le FN – rompant alors le ni-ni. Je n’ai pas entendu dire qu’ils étaient exclus. Faire du FN son ennemi politique héréditaire est suicidaire pour l’UMP ». Bref, « l’UMP », qui « n’a pas dit un mot sur les deux thèmes qui font prospérer le FN : la question des flux migratoires et la question de l’Europe », ne doit pas «tomber dans ce panneau grossier » (de la diabolisation)».
D’autant, que « la thèse de l’UMPS a déjà été accréditée par l’élection de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne par le PS et l’UMP. Si on laisse entendre que l’UMP, à tout prendre, préfère le PS à l’UMP, surtout dans un pays ou 40% de l’électorat récuse le système violemment, c’est très dangereux ».
Ce qui est tout aussi dangereux pour le Système en place, c’est de continuer à insulter l’intelligence des Français comme l’a fait de manière assez sidérante le politologue de gauche Thomas Guénolé hier sur slate.fr.
Il y affirme que Laurent Ruquier a eu raison de faire son mea culpa en s’accusant d’avoir contribué pendant cinq ans, dans son émission sur France 2, à « la propagation », « la banalisation et le succès de ses thèses » en donnant la parole à Eric Zemmour. Une opinion qui peut se discuter, même si les livres éventuels que pondraient son successeur dans cette même émission, Aymeric Caron, ne rencontreraient certainement pas la même audience. Plus prosaïquement, les livres de Zemmour ont du succès tout simplement parce que la petite musique qui y résonne, la vision du monde qui y est exposée, trouvent un écho dans les inquiétudes et le ressenti du peuple de droite.
M. Guénolé répond encore par l’affirmative à la question de savoir, si « plus largement », « les médias de masse ont une part de responsabilité dans le succès croissant du FN, dont les thèses sont les mêmes que celles d’Eric Zemmour sur l’économie comme sur les valeurs ». « À force de matraquage médiatique de reportages, d’articles et d’interviews en feu roulant, avec pour angle répétitif la-montée-du-FN-la-dédiabolisation-du-FN-la-transformation-du-FN, écrit-il, les médias ont une part de responsabilité dans les succès électoraux croissants de ce parti ».
« L’on pourrait objecter que les médias ont un devoir d’information, de pluralisme (…) mais ce n’est pas le problème » poursuit-il. « Le problème, c’est la disproportion. Dans le cas d’Eric Zemmour, il est flagrant que les tenants de thèses opposées aux siennes sur les sujets qu’il aborde sont actuellement sous-représentés dans les médias. Et dans le cas du FN, les élections départementales sont un cas d’école d’omniprésence d’un thème et d’un seul, sensationnaliste, au détriment colossalement disproportionné de tous les autres angles et sujets possibles ».
Certes, il n’existe plus à gauche depuis longtemps, de grandes figures intellectuelles, populaires, vendant des livres, engagées sur le terrain (méta)politique. Julien Dray en faisait l’aveu dimanche soir, évoquant Gramsci et sa thèse sur les conquêtes culturelles qui précédent toujours les victoires politiques. Mais asséner comme le fait M. Guénolé que les thèses frontistes sont surreprésentées dans les médias ne résiste pas une seconde à un examen un peu sérieux souligne Bruno Gollnisch.
C’est bien au contraire l’idéologie de la caste UMPS et leurs affidés, celle du vivre-ensemble multiculturaliste, de l’européisme-et- mondialisation-chance-pour-la-France qui est ultra-dominante au sein du quatrième pouvoir. Cette idéologie là correspond à la sensibilité de l’écrasante majorité des faiseurs d’opinion, des journalistes de gauche, exemples emblématiques de ces « mutins de panurge » décrit par feu Philippe Murray ; idéologie qui est le trait d’union, le point commun, à quelques nuances prés, des grands groupes financiers qui contrôlent les principaux médias.
C’est d’ailleurs parce que MM. Sarkozy, Juppé, NKM, Le Maire, Wauquiez, Bertrand, tous les grands pontes qui donnent le la au sein de l’UMP, sont les purs produits de cette idéologie dominante qu’ils préféreront toujours s’entendre sur avec leurs alter ego de gauche. Dirigeants de l’UMP que nous ne confondons pas avec leurs électeurs régulièrement cocufiés, abusés, méprisés. Ni même d’ailleurs avec certains cadres et élus locaux de l’UMP qui nous confient sous le sceau de la confidence qu’ils partagent avec le FN les mêmes valeurs.