Ce soixante-dixième anniversaire de la défaite de l’Allemagne hitlérienne, prend aujourd’hui un sens particulier puisque les tensions entre les puissances victorieuses en 45 se matérialisent aujourd’hui en une nouvelle guerre froide, voire tiède…Ce n’est pas anodin dans le climat actuel de Russophobie note Bruno Gollnisch, le résultat de l’étude historique réalisée par l‘Ifop pour metronews souligne un changement assez net des perceptions du principal vainqueur du nazisme.
En mai 1945, au sortir d’une guerre qui a tué 567 000 Français –dont 350 000 civils- et selon le sondage réalisé déjà à l’époque par l’Ifop, 57% de nos compatriotes interrogés citaient alors l’URSS comme le principal acteur de la défaite allemande et 20% seulement les Etats-Unis. La puissance qui était celle du Parti communiste du déserteur Maurice Thorez, premier parti de France, son influence idéologique et intellectuelle, la méfiance voire l’hostilité de De Gaulle vis-à-vis du monde anglo-saxon en général et de l’Amérique en particulier, expliquaient certainement ce résultat.
Il est aussi évident et factuellement exact que les sacrifices immenses, la résistance extraordinaire du peuple russe au cours de la « grande guerre patriotique » ont été déterminants dans cette victoire des alliés. Certainement plus que le débarquement de Normandie, lequel n’aurait pas été possible sans la fixation sur le front de l’Est du gros des troupes allemandes.
Enfin, tous théâtres d’opérations confondus, les pertes américaines entre 1941 et 1945 se sont élevées à un peu moins de 420 000 morts, assez loin derrière, à titre de comparaison, les 620 000 morts militaires de la guerre de sécession (1861-1865).
Le plus lourd tribut, devant l’Allemagne, au second conflit mondial, fut payé par le peuple russe. Selon les estimations, 8 800 000 à 11 700 000 militaires furent tués en URSS au cours des combats contre l’armée allemande, auxquels il faut ajouter 13 500 000 à 15 700 000 pertes civiles. Soit un total effrayant de 23 à 27 millions de citoyens soviétiques tués entre juin 1941 et mai 1945.
Mais aujourd’hui à cette même question, « Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne en 1945 ? », 54% des sondés répondent « Les Etats-Unis » –et même 59% des moins de 35 ans- et 23% seulement « l’URSS ».
Ce basculement l’opinion doit autant à la marginalisation politique du PC qu’à l’inféodation toujours plus poussée de la France aux Etats-Unis, à l’atlantisme, à l’assomption plus générale d’un empire américain qui s’est construit largement sur les ruines et l’affaiblissement des grandes nations européennes depuis 70 ans. Jérôme Fourquet, le directeur du département opinion de l’Ifop souligne que « le jugement s’est complètement inversé » « dans les années 90 ».
Quant à Virginie Sansico, « historienne spécialiste de la Seconde Guerre mondiale », interrogé dans metronews, elle « voit dans ces résultats une certaine logique : Sous De Gaulle, qui était anti-atlantiste, on n’était pas prompt à entretenir la mémoire du Débarquement. De plus, le Parti communiste a longtemps contribué à valoriser les Soviétiques, du temps où il avait une forte influence. Les premières commémorations du Débarquement appuyées par l’Etat ont eu lieu seulement en 1984, organisées par Mitterrand : elles marquent une rupture dans l’opinion. »
A fortiori chez « les jeunes (qui) ont grandi dans un monde où la mémoire du Débarquement est très présente et où, surtout, l’influence culturelle des Etats-Unis n’est plus à démontrer ». Influence culturelle ? Oui, ou autrement dit, l’effet d’une propagande véhiculée largement sous le masque de l’entertainment par l’industrie cinématographique et télévisuelle hollywoodienne qui contribue puissamment à modeler les esprits et susciter des réflexes pavloviens.
Si le Russe garde, plus que jamais depuis la chute du communisme, sa place de grand méchant-mafieu-fascistoïde dans les productions américaines, dans des proportions peut-être plus importantes encore que le Serbe fourbe, l’Arabe-musulman-fanatique et l’Iranien malfaisant, cela ne doit rien au hasard mais tout à la géopolitique.
La volonté de Vladimir Poutine de redonner à la Russie une place de tout premier plan sur la scène internationale; les intérêts souvent divergents de Moscou et de Washington au Moyen-Orient ; le soutien notamment à la Syrie ; la résistance du Kremlin à la déstabilisation de l’Ukraine ; sa lutte pied à pied contre les menées états-uniennes en Asie centrale ; les alliances diplomatiques nouées pour briser le carcan unipolaire ; la défense résolue sur le plan intérieur des valeurs traditionnelles et patriotiques, bref l’opposition frontale de la Russie de Poutine au nouvel ordre mondial, aux dogmes libertaires sur le plan sociétal, forment les vraies raisons de la diabolisation de ce pays par « nos » faiseurs d’opinion.
On se souvient du temps ou Laurent Fabius, alors dans l’opposition, décrivait Nicolas Sarkozy comme un « caniche des Américains ». C’était avant qu’il endosse le costume de ministre des Affaires étrangères et qu’il fasse l’éloge des djihadistes massacreurs du front al-nosra « qui font du bon boulot en Syrie ». Car aujourd’hui, M. Fabius est le représentant d’un gouvernement tout aussi atlantiste que le précédent et prend bien soin de ne pas trop tirer sur sa laisse.
Il sera donc présent à Moscou pour commémorer la victoire du 8 mai 1945 mais n’assistera pas à l’instar des dirigeants des États-Unis, de la Grande-Bretagne, des pays membres de l’Otan, à la traditionnelle parade militaire du 9 mai sur la Place rouge. Un boycott qui se veut la manifestation du soutien français à l’opposition pro-américaine en Ukraine. Mais qui matérialise surtout l’effacement programmé de la voix (voie) d’une France libre, indépendante, singulière dans le concert des nations.