De « République » universelle et multiculturelle il était encore question avant-hier dans la bouche de François Hollande célébrant le métissage et le vivre-ensemble à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. République encore et toujours dont le nom est scandé par le catastrophique ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem. Cette dernière lance ce mardi la « réserve citoyenne d’appui aux écoles», au nombre des « réponses républicaines » mises en œuvre pour réagir aux attentats islamistes de janvier. Des «volontaires», au nombre officiellement, de 4600, pourraient être sollicités pour inculquer plus avant «les valeurs de la République». Une action venant s’ajouter à celle des officines de propagande antiracistes comme la Licra, Sos racisme, le Mrap, la LDH, etc., intervenant déjà en renfort dans les établissements. Les volontaires en questions aborderaient des thématiques comme « citoyenneté et valeurs de la République », «actualité et médias», « arts et culture », « Histoire et mémoire »…ça promet !
Mais quand «les grands mots sont traînés», les concepts, les symboles brandis et répétés jusqu’à la nausée par un personnel politique démonétisé, décrédibilisé, ils finissent par être frappés par l’opprobre entourant ceux qui les prononcent. Sur le site Atlantico, vient d’être publié les résultats du sondage de l’Ifop autour des termes de « République » et de « valeurs républicaines » qui est à cet égard très éclairant.
Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de cet institut, a jugé utile d’interroger les Français sur ces notions, à l’heure ou l’UMP se transforme en Les Républicains, pour constater si nos compatriotes «étaient toujours sensibles à cette terminologie-là, ou si, au contraire, elle était un peu éculée et galvaudée (…). Or, force est de constater que pour deux tiers des Français (65%) ces termes ne parlent plus vraiment car ils ont été trop utilisés et ont perdu de leur force et de leur signification. Il n’y a qu’un tiers des Français (…), qui se déclare encore sensibles à ces termes quand les politique les emploient, et qui possède une fibre républicaine très développée ».
«Dans les deux grandes familles politiques aujourd’hui (UMP et PS, NDLR) précise M. Fourquet, il y a environ une personne sur deux qui est assez peu sensible à l’usage de ces termes par les politique, et inversement une autre moitié qui garde toujours la fibre républicaine bien chevillée au corps. C’est intéressant parce que l’UMP comme le PS emploient ces termes, or chacun dans leur camp ne touche que la moitié des sympathisants ».
Significativement à la question posée dans cette enquête« quel terme vous touche d’avantage quand il est employé par les politiques ? », 38% des personnes interrogées répondent l’identité nationale, devant la République (33%) . « Mais, élément non-négligeable, 29% ne se reconnaît ni dans l’un ni dans l’autre, ce qui fait du monde, et qui va à l’encontre de cette opposition binaire. Donc cela illustre également la crise du politique, certaines personnes en ont ras-le-bol que la République soit mise à toutes les sauces, et se tournent vers l’identité nationale, et au-delà de ça, d’autres ne sont même plus raccrochées par l’évocation d’un des deux concepts ».
« (…) Plus on va vers la droite, plus on a tendance à privilégier l’identité nationale. On culmine à 64% au Front National, et à 47% à l’UMP. Cependant, là aussi, un bon quart de l’électorat de gauche se dit plus sensible à l’identité nationale qu’à la République, ce qui n’est pas rien. Si on se concentre uniquement sur l’UMP, désormais appelée Les Républicains , on voit pourtant que ce qui fait le plus recette est l’identité nationale, avec 47% contre 37%. Il y a ici quelque chose d’intéressant, c’est que Nicolas Sarkozy est sans doute conscient de cette forte attente identitaire qu’il a ressentie dans son électorat, mais que pour pouvoir parle d’identité nationale il doit se distinguer de Marine Le Pen, pour ne pas lui être associé, et doit pouvoir parler d’identité au nom de la République. D’où le choix du nom du parti (…) . Il parle de la République, mais pour, in fine, aller sur le terrain de l’identité nationale, et cela correspond à une attente qui est majoritaire dans son électorat (…) ».
Sur le site des Inrocks le 8 mai à l’occasion de la sortie du livre co-écrit avec Alain Mergier « Janvier 2015, le catalyseur », Jérôme Fourquet rappelle que cette étude traite des Français des « classes populaires » « et des régions subissant davantage les chocs de la mondialisation », qui n’ont pas défilé derrière les pancartes Je suis Charlie. Sur le site du magazine, il rappelait les « trois niveaux d’insécurisation » ressentis par un frange croissante de la population. Ce sont eux qui fondent le vote FN explique-t-il: «l’insécurisation physique (peur de l’agression), l’insécurisation économique (peur de pas boucler ses fins de mois), et l’insécurisation culturelle (peur de ne plus se sentir chez soi, d’être remis en cause dans ses habitudes, ses valeurs, son histoire) ».
Dans ce contexte, Jean-Yves Le Gallou constate, dans un entretien à Monde & Vie et mis en ligne sur son blogue Polemia , que «là où le Front National est le mieux à même de gagner, c’est là où il est opposé à un candidat de gauche. Cela représente les 9/10e des cantons gagnés aux dernières élections. Marine Le Pen, en 2017, ne peut avoir une chance de l’emporter que si elle est opposée à un candidat de gauche. L’arithmétique électorale du FN aujourd’hui est simple : une voix prise à l’UMP vaut deux voix prises à la gauche. Evidemment une voix est une voix, qu’elle vienne du PS ou de l’UMP, mais, comme le FN ne peut gagner que face au PS, il faut prioritairement affaiblir l’UMP pour que le PS passe devant au premier tour. Il s’agit donc de passer l’UMP à la centrifugeuse, en dissociant ses élites centristes de son électorat droitier ».
Alors que Jean-Marie Le Pen vient d’annoncer le lancement d’une fondation qui n’aurait pas vocation a concurrencer le FN sur le terrain électoral, M. Le Gallou notait également que «contrairement à ce que pense l’immense majorité des commentateurs, la diabolisation est moins la conséquence d’erreurs, d’imprudences ou de maladresses que la volonté systématique du Système. Quiconque veut lutter contre l’immigration est qualifié d’extrême droite et diabolisé partout en Europe. D’ailleurs le premier homme politique qui ait subi ce traitement médiatique et politique n’est pas Jean-Marie Le Pen. C’est un Anglais, Enoch Powell, ancien d’Oxford, helléniste, qui n’a jamais commis le moindre dérapage, mais qui a dénoncé dès 1968, dans un discours à Birmingham, les dangers de l’immigration. De sa part, ce n’était pas une erreur, encore moins une faute. C’était un acte de courage qui lui a coûté sa réputation et sa carrière politique. La question de l’immigration est bien le nœud de la diabolisation ».
Quant à cet autre pilier historique du corpus frontiste, à savoir la défense des valeurs traditionnelles, elles ne sont pas tant le prétexte à une «diabolisation » qu’à une « ringardisation », par les faiseurs d’opinions, des hommes et des femmes qui y sont attachées. Mais Jean-Yves Le Gallou le souligne avec pertinence: « comme si les foules immenses qui ont défilé lors de la Manifestation pour tous, ou les jeunes qui se sont mobilisés autour du Printemps français étaient ringards ! En fait ce que j’appelle la Génération 2013 a vocation à remplacer la génération 1968. Le vieux monde, ce n’est pas celui du renouveau de la Tradition ou du renouveau identitaire, c’est celui des antivaleurs portées par les médias, qui continuent de peser sur les partis politiques ».
Or, « le risque est évidemment ce que j’appellerais le concessionisme, qui consiste, de concession en concession, à céder petit à petit sur l’essentiel. Il ne faut pas accepter la diabolisation. Pas non plus la ringardisation. La pire faute à éviter, en matière de dédiabolisation, c’est de croire que l’on se dédiabolise en ringardisant son plus proche. En agissant ainsi on renforce la diabolisation et on renforce sa propre diabolisation par contagion ».
Un point de vue largement partagé par Bruno Gollnisch qui affirme que si la politique est l’art du possible, si le compromis est souvent indispensable, nécessaire dans l’expression de nos propositions, il ne saurait se transformer en compromission. C’est en affirmant haut et fort nos valeurs, notre idéal, la doctrine qui forme la colonne vertébrale de l’opposition nationale, que nous sauront convaincre le plus grand nombre de Français qui constatent la faillite des politiques et de la « vision du monde » de nos adversaires.