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Les mouvances islamistes et l’histoire de l’islamisme moderne

Nous publions ici la suite du texte fouillé de Richard Robert, ancien militant islamiste converti au christianisme et revenu de ses errements passés, détenu depuis plus de dix ans, (d’abord au Maroc, puis actuellement à la prison centrale de Moulins-Yzeure), qui analyse la doctrine, le prosélytisme et le développement de l’idéologie islamiste. Nous laissons à l’auteur la responsabilité de certains de ses propos, que nous ne partageons pas nécessairement, libre également à chacun de ne pas en adopter forcément toutes les assertions et éclairages. Mais en tout état de cause, ce texte nous paraît inciter à la réflexion, au débat, et améliorer nos connaissances sur ce sujet d’une importance cruciale.

Les mouvances islamistes et l’histoire de l’islamisme moderne

La mouvance islamiste se développe sur une période de 50 ans, entre les années 1940 et 1990. L’œuvre de l’égyptien Hassan al-Banna (1906-1949), le fondateur des Frères Musulmans, est sa base idéologique. Bien que la mouvance ne soit pas homogène et qu’il y ait eu des scissions au cours des années il y a des points en commun entre les différents groupes. Ses militants sont rarement des mollahs (titre donné aux personnalités religieuses, docteurs de la shari’a), mais des jeunes sortis du système scolaire moderne.

Les islamistes voient dans l’islam autant une religion qu’une idéologie. Pour eux, la prise du pouvoir constitue un moyen adéquat pour réislamiser les sociétés corrompues par des valeurs occidentales. Ils se servent des sciences et des technologies du monde contemporain pour parvenir à leur but.

Contrairement aux oulémas (le corps des lettrés, des docteurs de la shari’a), ils ne préconisent donc pas simplement un retour à ce qui existait avant le délaissement de la shari’a, mais ils mettent les technologies modernes au service du politique pour avoir une emprise totale sur la société.

Dans ce sens, les islamistes sont des purs produits du monde moderne bien que leur discours officiel aille à l’encontre de la modernité. Pour eux, il n’y a qu’un islam, celui des temps de Mahomet, dévoyé par la suite. Leur littérature reflète cet imaginaire politique islamique: la première communauté des croyants au temps de Mahomet et des quatre premiers califes y est idéalisée. Sur ce point les islamistes rejoignent l’enseignement orthodoxe des oulémas, que le politologue Olivier Roy appelle le fondamentalisme stricto sensu.

En quoi se distinguent donc les islamistes des oulémas? Tout d’abord, pour les islamistes, l’islamisation de la société est le résultat d’une action politique révolutionnaire : il faut sortir de la mosquée, car l’islam est un concept global et totalisant. Il ne suffit pas que la société soit composée de musulmans, il faut qu’elle soit islamique dans son fondement et sa structure.

Les islamistes introduisent donc une distinction linguistique entre ce qui est musulman et ce qui est islamique. Cette distinction légitime d’ailleurs l’usage du terme islamiste. Mais au final, ils reprennent la vision classique de l’islam selon laquelle l’islam est un système complet et universel qui n’a pas besoin de se moderniser ou de s’adapter. La différence entre l’islamisme et le fondamentalisme est donc essentiellement que les islamistes veulent passer à l’action, tandis que les fondamentalistes des oulémas se contentent d’un discours théorique.

Le deuxième point qui oppose les islamistes aux oulémas concerne la shari’a. Les islamistes reprochent aux instances religieuses officielles leur servilité par rapport aux pouvoirs politiques en place. Cette servilité amène les oulémas à accepter jusqu’à un certain point un pouvoir laïque et des lois non conformes à la shari’a, Bref, une séparation rudimentaire du politique et du religieux dont la conséquence directe est une certaine laïcisation du droit.

Pour leur part, les islamistes ne se contentent pas d’un simple retour à la shari’a. De leur point de vue l’islam n’est pas uniquement l’application de la loi divine mais une idéologie totalisante qui doit d’abord transformer la société pour qu’ensuite la shari’a puisse être instaurée. L’islamicité de l’Etat est donc plus importante que l’application formaliste de la shari’a qui, de toute façon, n’a de sens que dans une société vraiment islamique.

Les islamistes se réfèrent à Mahomet qui ne légiféra qu’après avoir pris le contrôle de Médine, la cité qui devint ainsi le premier Etat islamique appliquant la shari’a.

Le dernier point dans lequel les islamistes se distinguent des fondamentalistes des oulémas concerne la femme. Pendant que le mépris des oulémas pour les femmes peut aller jusqu’à leur interdire le droit de citer le Coran à haute voix, certains islamistes se montrent en plus favorables à l’éducation des femmes et à leur participation à la vie politique et sociale: La femme islamiste milite, étudie et a le droit de travailler, mais en portant le hijab.

L’obsession de ces islamistes n’est pas tant de ramener les femmes à la maison que de séparer les sexes dans l’espace public. Ils imposent donc des zones spécifiques pour les femmes dans les mosquées et les lieux publics. Bref, le vrai tabou est donc pour les islamistes celui de la mixité.

Il est courant d’entendre dans les médias que le foulard islamique représenterait une certaine modération par rapport à la burqa, mais il faut toujours avoir cette vérité à l’esprit : si le hijab donne une forme de liberté à la femme, c’est parce qu’il la rend presque invisible.

Sa portée repose sur une lecture purement littéraliste et anhistorique du verset 51 de la sourate 24 du Coran: Ô, prophète. Dis à tes épouses, tes filles et aux femmes des croyants de se recouvrir de leurs voiles. C’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées.

Pour comprendre le sens de ce verset, il faut savoir dans quelles conditions il a été énoncé : Selon la tradition (sounna), il n’existait pas de toilettes dans les demeures de Médine. Quand les femmes devaient sortir la nuit elles croisaient sur leur chemin les prostituées de la cité. Afin de protéger les femmes respectables des avances déplacées et des injures dont sont généralement la cible les péripatéticiennes, Mahomet leur a ordonné de se vêtir d’une certaine manière afin que les clients fassent la différence ente les femmes de bonne vertu et celles qui ont la cuisse légère.

Comme le harcèlement sexuel est un délit en France et dans la majorité des pays musulmans, le hijab n’aurait donc théoriquement plus sa raison d’être dans ces pays. Mais malheureusement, à ce sujet les islamistes et les fondamentalistes partagent le même littéralisme: pour eux, l’ordre de porter le hijab est intemporel et valable pour l’éternité et indépendamment du fait que les conditions sociales des musulmans aient changé.

Ils perpétuent également l’image dégradée d’une femme faible et toujours prête à se laisser entraîner au vice. Le thème biblique d‘Eve créée d’une côte d’Adam et responsable du premier fruit défendu dans lequel l’homme a croqué leur sert de preuve que la faiblesse de la femme est intrinsèque à sa nature.

C’est seulement l’obligation de réconcilier deux objectifs opposés, d’un côté quitter la réclusion, de l’autre côté garder la pudeur islamique, qui a conduit les islamistes à inventer de nouvelles tenues vestimentaires plus « modernes » (fichu, imperméables ou manteau). Mais même si les contours ont changé, la doctrine reste la même que celle des oulémas : le corps des femmes est jugé impur.

Pour être complet, la différence de formes et d’envergure de la burqa par rapport au hijab est due à l’authentification ou au rejet d’une tradition qui faisait état du port d’un voile qui laissait apparaître le visage d’une des femmes de Mahomet (Aïcha, sa plus jeune épouse).

Pour instaurer la société islamique, les mouvements islamistes oscillent entre deux stratégies: pour les révolutionnaires, l’islamisation de la société passe par le pouvoir d’Etat. Les néo-fondamentalistes visent une réislamisation par le bas à travers une action aussi bien politique que sociale. La divergence entre ces deux stratégies ne porte pas sur la nécessité d’un Etat islamique, mais sur les moyens pour y parvenir et sur l’attitude à adopter à l’égard des pouvoirs en place.

Les révolutionnaires

La primauté accordée à la lutte politique s’est traduite par la création de partis islamistes aux noms peu révélateurs des vraies intentions de leurs dirigeants. Dans la plupart des cas, les résultats de ces partis aux élections ont été maigres. Ce fait a conduit une partie de ces islamistes à dévier vers la violence. Ils ont été désabusés par le fait que certains Etats avaient même réussi à récupérer leurs symboles politiques et à réintroduire des éléments de la shari’a.

Ils voient maintenant dans une révolution armée le seul moyen pour réaliser leur Etat islamique dans un avenir proche.

Dans les années 60, Sayyid Qotb, un intellectuel égyptien, a théorisé pour la première fois ce concept de la prise de pouvoir par les armes. Par la suite, Abdallah Azzam s’en est inspiré pour légitimer la lutte contre l’ensemble des gouvernements du monde arabo-musulman. Il les considère comme corrompus et non-islamiques car ils n’appliquent pas la shari’a dans sa version la plus pure.

Ce concept qui légitime l’usage de la violence comme moyen d’action politique est basé sur le fondement même de la religion musulmane : l’unicité ou tawhid, qui veut que Allah soit transcendant, unique et sans associé. Les théoriciens de la lutte armée transposent ce concept du tawhid à la société. Elle doit être le reflet de l’unicité divine, en appliquant la loi d’Allah, la shari’a. Toute société qui s’en abstient est donc une société impie, et ses gouvernants sont des apostats.

Il faut toutefois souligner que la majorité des activistes politiques qui ne s’estimait pas en mesure de renverser les régimes en place a préféré de ne pas suivre la voie armée mais plutôt l’exemple des oulémas pour qui un pouvoir injuste est préférable à la fitna (désunion) et au chaos engendré par une guerre civile. Ces islamistes persévèrent donc dans leur prédication politico-religieuse et attendent le moment opportun pour faire pencher la balance au moment des élections. Entre-temps, ils laissent leurs coreligionnaires continuer le travail de sape sur le terrain.

Les néo-fondamentalistes

Les islamistes qui ont opté pour l’islamisation par le bas ont enserré la société dans un réseau de multiples associations islamiques destinées à s’engouffrer dans le vide laissé par les Etats en matière de services sociaux. La mainmise par les Frères musulmans en Egypte sur de nombreux services de proximité (écoles, hôpitaux,…) a été révélée lors du « Printemps arabe ». Un véritable emmaillotage de certaines villes égyptiennes a été découvert où services sociaux riment avec prédication.

Mais ces islamistes aussi ont dû changer leur stratégie au cours du temps : réalisant que l’instauration de l’état islamique par le bas ne se ferait pas si facilement, ils visent désormais l’application de la shari’a par les individus.

Le projet de transformation de la société a donc laissé la place à un programme de transformation des individus, le discours sur l’Etat a été remplacé par un discours sur la société dont les mœurs doivent être purifiées. Les islamistes qui voulaient transformer la société par le bas ont ainsi glissé vers un islamisme puritain, populiste et conservateur, vers une sorte de néo-fondamentalisme qui est d’ailleurs très largement financé par L’Arabie Saoudite.

Ce glissement vers le néo-fondamentalisme a été déterminé par des facteurs internes et externes:

1. La subordination, dans l’islamisme lui-même, de l’action proprement dite à la réforme des mœurs

2. L’échec des tentatives de prise de contrôle des Etats par le biais des élections

3. La récupération par les Etats des symboles islamiques: Depuis la fin des années 70 certains régimes ont réintroduit des principes shariatiques dans leur législation afin de diminuer l’attractivité de l’islamisme.

4. La prise de contrôle par l’Arabie Saoudite des réseaux islamistes afin d’infléchir leur action et leur idéologie dans le sens d’un néo-fondamentalisme plus conservateur.

Les néo-fondamentalistes se sont inspirés des islamistes classiques, mais ils ont étendu le champ d’action du social à tous les domaines de la vie : prédicateurs de cages d’escalier, organisateurs d’associations diverses, militants associatifs… Bref, ils sont des prédicateurs tous azimuts.

Ils sermonnent les musulmans oublieux de leur pratique en faisant appel au sentiment de culpabilité et au respect mêlé de nostalgie que le musulman sociologique (non pratiquant mais tenant à se dire musulman) ressent quand il entend la référence au Coran et à la shari’a.

Les néo-fondamentalistes s’adressent aussi à ceux qui ont un mal de vivre parce que leur système de valeurs s’effondre devant leurs yeux ou/et parce que leurs familles éclatent. Ils estiment qu’il existe une corrélation entre la déchéance ou le déclassement social et l’accommodation avec les séductions de la société occidentale.

Leur puritanisme est marqué par un profond rejet de toute la culture occidentale qui est érigée en symbole du mal qu’il faut éliminer de la conscience et du corps même du musulman. Pour y parvenir ils ont crée une sorte de contre-culture musulmane qui est censée représenter la sounna (tradition): un code comportemental et vestimentaire qui proscrit entre autres la cravate et le hijab « moderne » (fichu et manteau).

Ces vêtements sont remplacés par le port de la djellaba ou la chemise pakistanaise pour les hommes, et de la burqa ou du djilbab pour les femmes. (Le djilbab est un vêtement fait d’une seule pièce de tissu et qui, par son ampleur, ne laisse apparaître que le visage et les mains de la femme tout en cachant ses formes et contours).

La raison de ce rejet de la culture occidentale en termes d’apparence vestimentaire ne s’explique pas par une simple volonté d’imitation de Mahomet dans ses us et coutumes. Ce rejet figure en fait au cœur même de la doctrine Wahhabite que le Royaume saoudien a réussi à exporter en transformant les islamistes en néo-fondamentalistes puritains.

En effet, le Wahhabisme, cette doctrine née d’une combinaison du rigorisme de l’école hambalite et du littéralisme dans les propos du Sheik ibn Taimiyya prône le rejet de facto de tout ce qui incarne la civilisation occidentale. Cette propension à voir en l’Occident l’archétype du mal repose chez ibn Taimiyya sur une lecture littéraliste de la tradition de Mahomet qui aurait défini le salut en la non-imitation des juifs et des chrétiens.

Ce théologien, père spirituel du Wahhabisme, a d’ailleurs écrit un traité sur cette question: Il conditionne l’accès au paradis au fait de contredire les gens du Livre (les juifs et le chrétiens) dans tout ce qui les caractérise. Cet ouvrage de référence pour tout néo-fondamentaliste convaincu s’intitule Iqtida al sirat al mustaqim bi mukhalafat ashab al djahim (Suivre le droit chemin grâce à la non-imitation des gens du feu).

La prédication des néo-fondamentalistes s’inscrit donc dans le cadre d’une réislamisation des musulmans sociologiques à travers l’appel à rejeter la culture occidentale qui est décrite comme symbole du mal. Le refus de tout ce qui est occidental est présenté comme partie intégrante de la sounna.

Le salafisme fait partie du néo-fondamentalisme. Bien que généralement les islamologues dissocient les deux mouvements, ils ne font qu’un sur le plan idéologique et dogmatique.

La particularité du salafisme par rapport au néo-fondamentalisme se situe dans le domaine du rite. Alors que les néo-fondamentalistes suivent l’école juridique Hambalite, les salafistes considèrent qu’il leur revient d’appliquer directement les paroles et les actes de Mahomet sans qu’il soit besoin de passer par un imam. Leur livre de référence est d’ailleurs la Aquida Tahawiyya, un ouvrage qui systématise le wahhabisme en n’oubliant pas de stipuler que « le djihad restera valable jusqu’à la fin des temps. »

Mais la prédication des néo-fondamentalistes ne vise pas uniquement des « conversions » individuelles mais surtout la création des espaces « islamisés », équivalents des zones libérées de naguère, c’est-à-dire un espace d’ores et déjà régi par les idéaux de la société à venir. A la différence des zones libérées, aucun contre-pouvoir, aucun contre-Etat n’a pourtant été mis en place.

Une fois un tel espace constitué autant par la persuasion que par l’intimidation, on s’efforce d’abord d’obtenir de l’Etat qu’il entérine le fait pour étendre ensuite au reste de la société les principes sur lesquels sont fondés ces espaces islamisés.

Les femmes y sont poussées à porter le voile, l’alcool y est banni, la mixité y est condamnée. L’adaptation de la vie quotidienne à la pratique de l’islam (temps libre pour les prières, nourriture halal, horaires spéciaux pour le ramadan…) y est exigée. Enfin, un des terrains prioritaires est l’adaptation du système scolaire à l’islam (interdiction des matières jugées impies, non-mixité).

En somme, il s’agit de réaliser une microsociété authentiquement islamique dans une société qui ne l’est plus ou pas encore.

L’influence du Wahhabisme dans le processus de réislamisation des sociétés musulmanes n’est plus à démontrer. Mais qu’en est-il des populations d’origine musulmane vivant en Occident? Le politologue Olivier Roy a écrit sur ce sujet en 1992, trois ans après que Fatima, Leila et Samira aient été renvoyées du Collège Gabriel-Havez de Creil, pour avoir refusé d’ôter pendant les cours leur voile islamique.

« Les méthodes employées par les néo-fondamentalistes » note-t-il « sont, à des degrés divers, adaptables aux sociétés européennes, où les musulmans vivent en minorité plus ou moins ghettoïsées; ces méthodes tendent évidemment à renforcer le ghetto. »

SOS racisme et Libération ne comprenaient pas du tout le sens idéologique de la démarches des trois collégiennes et les défendirent sans ambages: Il était « scandaleux que l’on puisse ainsi intervenir dans la vie privée en les privant du droit à exprimer leurs convictions personnelles. »

A cette époque, environ un millier de personnes manifestèrent à Paris contre l’interdiction du port de voile islamique à l’école. Ces militants étaient les premiers acteurs de la future réislamisation des populations d’origine immigrée, de ces musulmans sociologiques qui, tout en se réclamant de confession musulmane, refusaient ou oubliaient de pratiquer l’islam.

Le Conseil d’État, qui a été saisi pour se prononcer au sujet du voile à l’école, se refusa à trancher définitivement et laissa aux fonctionnaires le soin de régler un conflit pourtant fondamental quant au choix du type de société qui émergera à l’avenir.

C’est-à-dire une République drapée dans les vertus de la laïcité qui limite l’emprise du fait religieux dans la sphère publique dans le but avoué de garantir un vivre- ensemble pacifié ; ou bien une France affublée d’un voile qui l’empêche de voir l’islamisation de ses banlieues, et les prémisses d’une future fracture de la société.

Finalement, ce n’est qu’au bout de quinze années de tergiversations que le Président Chirac osa interdire le voile islamique à l’école. Mais, lorsque la loi fut enfin votée en 2004, ce n’étaient plus quelques excités qui manifestaient leur refus de la laïcité en s’opposant à l’interdiction du voile, mais des centaines de milliers…

Si Chirac a subitement décidé de s’atteler à la tâche, c’est que les incidents n’avaient cessé de se multiplier. Des musulmans ont exigé et obtenu des horaires réservés pour l’accès à des piscines municipales; l’association « Unir » a remis en cause le droit d’un professeur de culture occidentale à juger le travail d’un étudiant musulman; des musulmans ont obtenu dans certaines écoles la suppression de la fête de Noël, l’interdiction de la viande non halal, des salles et des horaires aménagés dans nos collèges, lycées, universités ou usines pour leur cinq prières quotidiennes ; une révision de nos livres d’histoire pour y supprimer toute référence à Charles Martel et y intégrer à la place l’histoire de leurs pays d’origine et de l’islam.

Dans certains lycées, des musulmanes enfilent leurs manteaux avant d’aller au tableau afin de n’éveiller aucune convoitise ; il arrive qu’une école doive organiser un sas, sans fenêtre, pour reconnaître les mères, voilées de la tête aux pieds, avant de leur rendre leurs enfants.

Avant cette loi censée rétablir le principe de laïcité dans les institutions de la République, le ministre de l’Intérieur avait lui aussi tenté de laïciser l’islam en en institutionnalisant l’organisation par la création du Conseil français du culte musulman (CFCM).

Malheureusement, cette tentative de création d’un islam de France fut un immense gâchis puisqu’après d’âpres négociations, les représentants des différentes mosquées de l’hexagone (sous influence du Maroc, de l’Algérie, de la Turquie et des pays du Golfe) réussirent à extorquer à Nicolas Sarkozy l’abandon de la reconnaissance du droit de changer de religion.

On peut le qualifier d’immense gâchis, car alors qu’il aurait fallu profiter de l’occasion pour imposer un islam « des Lumières », un islam qui s’autorise à contredire les textes pour être en accord avec les valeurs de la République, le futur ex-Président de la République préféra fédérer plutôt que de trancher; peut-être dans l’espoir de récupérer en 2007 un électorat musulman séduit par un discours libéral et multiculturaliste…

Pourtant, quelques années plus tard ce même Sarkozy a dû faire preuve de beaucoup plus d’autorité devant la multiplication des femmes en burqa dans les rues françaises. Une loi anti-burqa fut donc promulguée afin de rassurer l’opinion publique qui s’offusquait de voir se promener en France des clones des épouses de talibans que les soldats français en opération en Afghanistan connaissaient d’ailleurs très bien.

L’islamisation d’une partie du pays est un fait et il ne s’agit pas d’une stigmatisation de la population immigrée. Au contraire, il faut bien constater que l’immense majorité des musulmans de France résistent remarquablement bien aux sirènes islamistes. Il est même presque miraculeux que la majorité des jeunes filles de confession musulmane ne soient pas encore presque toutes voilées, tant la pression des coreligionnaires prosélytes est grande dans certaines banlieues de France.

Cela signifie que nombre de musulmans de France ont un réel désir d’intégration et une grande soif de liberté. La source de l’extrémisme est religieuse et n’est donc nullement un problème racial contrairement à ce que disent les médias officiels.

Si l’on veut réellement combattre l’extrémisme islamique qui menace la cohésion sociale de la France il faut tirer de bonnes leçons des erreurs passées. Le traitement du problème de la viande halal est un exemple type. Grâce à la bienveillance candide d’élites françaises qui ne connaissaient et ne connaissent toujours pas les dessous politico-religieux du concept halal, toutes les institutions de la République (écoles, armée, prison,…) servent aujourd’hui des repas halal. Mais sur le plan théologique le concept de viande halal n’est qu’une création islamiste destinée à servir d’accroche dans la stratégie consistant à réislamiser les musulmans sociologiques (non pratiquants).

En effet, selon les premiers versets de la sourate de « La Table Servie » (Al Maida), les musulmans peuvent prendre pour épouses les femmes des gens du Livre (juifs et chrétiens) et également manger leur nourriture à l’exception du porc et des boissons alcoolisées.

Au début des années 70 et 80 il était courant de voir les musulmans manger la même viande que les français « de souche ». Afin de contrecarrer cette assimilation qui leur paraissait insupportable, les islamistes ont trouvé une tradition imputée à Abdallah Ibn Abbas selon laquelle la viande des chrétiens était « celle des bêtes qu’ils auront égorgées ».

Bien que les chrétiens aient abandonné la loi mosaïque dès le premier siècle ap. JC, contrairement au peuple juif d’ailleurs, et qu’ils ne soient nullement tenus de sacrifier les animaux avant de les consommer, les islamistes déclarent la viande des chrétiens impure tant que l’animal n’a pas été abattu selon un rite (imaginaire) islamique. Leur but est de rendre illicite la nourriture servie dans les cantines et restaurants français afin de coopter les musulmans sociologiques.

A l’exception de quelques théologiens réformateurs, les oulémas aident bien les islamistes dans leur supercherie. Ils sont trop heureux de se faire pardonner leur servilité vis-à-vis des gouvernements musulmans en place et partagent au-delà les mêmes idéaux que les islamistes. Le concept halal vise à ramener les musulmans non-pratiquants vers l’islam, mais son objectif final est de les ramener à la mosquée.

La construction de nouveaux lieux de culte a donc immanquablement suivi la généralisation du halal à l’ensemble de la France. On est ainsi passé de quelques centaines de lieux de culte au début des années 90 à plusieurs milliers aujourd’hui. Ces mosquées sont en partie financées par l’État français bien qu’aucun contrôle du contenu des prêches du vendredi ou des causeries religieuses ne soit effectué.

Cette absence de contrôle correspond bien à une société libérale sur les bases de la culture judéo-chrétienne mais constitue un grand manquement par rapport au contenu explosif et violent de l’islam.

Tous les pays du monde arabo-musulman exercent pour cette raison un contrôle minutieux de leurs mosquées. Le Maroc qui au début des années 80 a dû lui aussi faire face à la menace islamiste est un exemple. En 1984 certains événements que connurent les villes de Casablanca, Nador et Marrakech, ont focalisé l’attention du pouvoir sur le phénomène islamiste. Elle s’est concrétisée d’une part dans une politique sécuritaire qui visait l’encadrement et le contrôle des associations islamistes.

En outre, on a assisté à la naissance d’une vraie politique religieuse orientée dans une triple direction: le contrôle des mosquées, l’institutionnalisation d’un clergé et le contrôle des filières de formation du personnel religieux. L’action de l’État visait deux objectifs: limiter la prolifération des lieux de culte et neutraliser les prêcheurs libres. La mosquée n’étant pas seulement un immeuble dont il faut assurer la gestion mais avant tout un lieu sacré, réceptacle de la vérité en ce qu’elle est l’endroit où se tient un discours qui se veut d’émanation divine.

L’État a donc essayé par des moyens détournés d’en contrôler l’usage et la prolifération en soumettant la construction des lieux de culte à un avis préalable du ministère des affaires islamiques.

A ces mesures réglementaires, le pouvoir a ajouté la création d’un corps de cadres polyvalents qui sont doublement formés, à l’école des cadres du ministère de l’Intérieur et dans les instituts de théologie. Ces spécialistes des problèmes religieux sont mis à la disposition des gouverneurs et dirigent un service qui suit de près les activités des différentes associations islamiques et la circulation du personnel religieux.

Le prêche étant devenu l’un des moyens les plus efficaces de la propagation de l’idéologie islamiste, la réaction de l’État a été d’abord physique : les prêcheurs islamistes ont été interdits d’exercice. Par la suite, elle a été idéologique, avec la diffusion d’un sermon type que les prêcheurs doivent se contenter de lire.

L’observation de la pratique du prêche suite à ces mesures a toutefois laissé sceptique, car le défi majeur de ce type de mesure est d’arriver à maîtriser ce mode d’expression sans le discréditer aux yeux des croyants. La solution est d’autant plus délicate à trouver qu’elle n’est pas tributaire d’un simple filtrage du personnel religieux. En effet, il n’y a pas de ligne de démarcation repérable qui séparerait un imam intégriste d’un loyaliste envers le pouvoir.

Mais en réalité, a contrario de ce qu’affirme le politologue marocain Mohamed Tozy, il existe bel et bien un marqueur théologique permettant de distinguer entre les prédicateurs intégristes et les réformateurs: l’approche de la lecture des textes et le positionnement vis-à-vis la shari’a: si un prédicateur – quelle que soit la teneur de son discours face aux autorités ou aux médias – fait l’apologie de la première communauté des croyants et de l’islam de Médine (la shari’a imposée par Mahomet aux habitants de Médine) et s’il rejette une contextualisation des versets du Coran au nom du dogme d’un livre intemporel et incréé, il s’agit d’un intégriste. Seul le rapport aux textes permet de distinguer entre un islamiste où un réformateur.

Le Maroc s’est contenté de contenir la menace islamiste en institutionnalisant un clergé et en reprenant même certains symboles de l’idéologie islamiste. « Le défi islamiste lui impose de préparer des réponses crédibles sur le plan religieux, voire de soutenir la surenchère idéologique en se faisant le champion de l’islam rigoriste, le Maroc a choisi d’appuyer et de responsabiliser les seuls acteurs capables de jouer ce rôle: les oulémas ».

Ce choix dicté par l’urgence politique a certes permis au royaume du Maroc de contenir la menace d’une prise de pouvoir islamiste, mais il a eu aussi des conséquences inattendues et désastreuses pour la société: Toute critique du pouvoir étant devenue tabou, le discours tant des oulémas que des islamistes s’est transformé en un appel à l’instauration de la shari’a dans le cœur des fidèles.

La purification des mœurs est ainsi devenue le nouveau cheval de bataille de tous les défenseurs de la shari’a. En voulant devenir le premier et dernier défenseur de l’islam, même l’État marocain réputé ami de l’Occident a officialisé les thèses islamistes jusque dans les programmes de l’Education Nationale (antijudaïsme, hostilité à l’égard de l’Occident, enseignement du dogme d’un Coran intemporel et censé répondre à toutes les questions et attentes de tous les temps).

Enfin, de nombreux oulémas se sont convertis au Wahhabisme lorsque le ministre des Affaires religieuses et du culte marocain fut choisi parmi les théologiens qui proclament leur attachement à l’islam de la pétromonarchie saoudienne. Une telle gestion du problème islamiste ne pouvait que se révéler dangereuse, et les tragiques événements que connut Casablanca en mai 2003 l’ont prouvé.

L’erreur la plus flagrante commise par les autorités marocaines a été sans aucun doute l’introduction officielle du Wahhabisme dans le royaume alaouite. En effet, le Wahhabisme n’érige pas seulement l’Occident en incarnation du mal, mais il contient un véritable appel à la violence.

Bon nombre d’islamologues ont d’ailleurs mis en exergue le fait qu’il existe une corrélation évidente entre l’apparition du terrorisme islamiste au XXe siècle et la lecture faite des propos d’Ibn Taimiyya.

Celui-ci, en son temps, érigea un pouvoir mongol vaguement islamisé en symbole d’abomination et incita à combattre sans tarder cette hérésie. C’est au nom de cet appel au djihad contre le prince impie qui n’applique pas la shari’a que les djihadistes contemporains légitiment leur exactions contre les pouvoirs musulmans en place.

L’exemple du Maroc devrait servir d’exemple à tout autre Etat confronté au fondamentalisme islamiste. L’émergence du Wahhabisme coïncide toujours avec l’apparition du terrorisme islamiste. Il suffit de dresser une carte des foyers de tensions religieuses puis de la comparer avec le nombre des mosquées passées sous contrôle saoudien. Le résultat est édifiant…

Conclusion

La multiplication des tentatives de départ vers les terres ensanglantées de Syrie et d’Irak n’est pas le signe d’un quelconque malaise social. C’est la preuve irréfragable de la présence dans l’hexagone d’un fondamentalisme islamique profondément empreint du rejet des valeurs occidentales.

Si les candidats à l‘hijra quittent l’hexagone ce n’est pas parce qu’ils se sentent rejetés, mais parce qu’ils ont renié la République en épousant le néo-fondamentalisme, cette version rigoriste et puritaine de l’islam qui contient en elle les germes du djihadisme.

Lorsqu’ils quittent la France ces jeunes réalisent le rêve de tout néo-fondamentaliste: ils viennent toucher de leurs mains le califat, cette théocratie originale tant idéalisée par des générations d’oulémas, et appelée de leurs vœux par tous les mouvements islamistes.

Pour tous ces prétendants au djihad, l’OEI (Organisation de l’Etat Islamique) est la réalisation logique des enseignements qu’on leur a inculqués.

L’OEI est donc le fruit direct du Wahhabisme, cette idéologie dont les fondements se trouvent au cœur de l’orthodoxie sunnite et dans les écritures du cheikh Ibn Taimiyya, et qui est devenue doctrine d’Etat au Moyen Orient.

La multiplication des signes religieux ostentatoires en France ces quinze dernières années ainsi que la propagation de l’antijudaïsme auraient dû prévenir les autorités de l’implantation du Wahhabisme et donc les alerter sur la probable propagation de l’idéologie djihadiste dans l’hexagone…

Malheureusement, la seule réponse apportée fut la création d’un CFCM rétif à la laïcisation de l’islam et composé principalement des premiers défenseurs du littéralisme ou même du Wahhabisme. Face à la menace il faudrait enfin prendre les décisions qui aurait dû être prises il y a deux décennies.

La première mesure doit consister en la reconquête des mosquées pour que n’y flotte plus que le drapeau de la République et pas celui d’une Marianne voilée de la tête aux pieds aux couleurs de l’OEI. En d’autres termes, à l’instar de ce qu’on fait tous les Etats musulmans, les prêches doivent être contrôlées et les imams néo-fondamentalistes remplacés. Tout discours contraire aux valeurs de la France doit être également prohibé.

Deuxième mesure essentielle, le principe de laïcité (au sens de neutralité à l’égard des appartenances religieuses) doit être rétabli dans l’ensemble des institutions publiques, et aucun passe-droit ne devrait être toléré.

Troisièmement, les moyens des services de renseignements doivent être démultipliés afin que puisse être surveillé l’ensemble des islamistes.

Sachant que l’existence de l’OEI constitue pour les islamistes une preuve de la véracité des promesses messianiques imputées à Mahomet, il convient enfin d’éradiquer l’OEI afin que ce mythe s’écroule et que la supercherie se révèle dans toute son absurdité.

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