Le lamaïsme, forme tibétaine du bouddhisme, pèse d’un poids très marginal au sein des différents courants de cette religion dominante en Asie du sud-est. La figure du dalaï-lama, alias Tenzin Gyatso, reçu officiellement quatre fois au Parlement européen entre 2001 et 2008, pour évoquer la situation du Tibet, jouit cependant d’une grande popularité, du moins médiatique, en Occident où de nombreux pipoles ont manifesté leur soutien à la cause tibétaine, à son représentant. Un bouddhisme souvent plus ou moins refabriqué sous nos latitudes, devenu branché, à la mode chez les bobos californiens, les stars hollywoodiennes, du showbiz, les adeptes du nomadisme religieux surfant sur la vague new age, se bricolant une religiosité, une mystique, une spiritualité sur mesure, autre signe des temps… Dernière émanation ( réincarnation) en date selon ses fidèles du bodhisattva de la compassion, le dalaï-lama a gagné le statut d’ Autorité morale, s’attirant les sympathies à l’aune de la persécution, bien réelle, du peuple tibétain depuis l’invasion chinoise au début des années 50.
Patatras: déjà critiqué ces derniers temps pour des propos jugés ambiguës sur l’égalité des sexes et les homosexuels, le dalaï-lama a commis un nouveau crime de lèse majesté à la pensée unique immigrationniste, cosmopolite et sans-frontièriste en s’inquiétant des vagues migratoires qui déferlent sur l’Europe. Dans un entretien au quotidien allemand Frankfuter Allgemeine Zeitung, Tenzin Gyatso n’y a pas été par quatre chemins; « Il y en a tant (de migrants, NDLR) que cela devient difficile sur le plan pratique. Et sur le plan moral, je trouve aussi que ces réfugiés ne devraient être accueillis que provisoirement. L’objectif devrait être qu’ils retournent (dans leur pays d’origine) et aident à reconstruire leur pays (…). L’Europe, l’Allemagne en particulier, ne peut devenir un pays arabe. L’Allemagne est l’Allemagne. »
Des propos salués par Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot mais qui ont semé la consternation chez les progressistes. D’autres n’ont pas attendu cette sortie pour critiquer le représentant du gouvernement tibétain en exil. Jean-Luc Mélenchon a de longue date dénoncé en la personne du dalaï-lama une incarnation de l’obscurantisme religieux, d’un lamaïsme féodal qui pesait de tout son poids sur son peuple avant l’invasion communiste. Le dirigeant du petit parti souverainiste UPR, M. Asselineau, prêtait au chef religieux tibétain des sympathies avec des nazis allemands (!) et en faisait un agent de la CIA dans le cadre de la politique de Washington d’endiguement, de lutte contre la montée en puissance de la Chine. Il faudrait être certes assez naïf pour ne pas voir que la cause tibétaine et son représentant, sympathique et souriant, ne puissent être utilisés, instrumentalisés par des adversaires, des concurrents de Pékin ou a tout le moins par des voisins inquiets de ses velléités hégémoniques, expansionnistes, réelles ou supposées.
Il faut d’ailleurs bien comprendre et nous l’avons rappelé sur ce blogue il y a quelques années, que la politique d’ un Etat étant conditionnée par sa géographie, les réalités géopolitiques veulent que la sinisation du Toit du monde soit menée à son terme par Pékin, afin d’empêcher toute tentative étrangère de s’y établir. Qui domine le Tibet peut déferler sur la Chine, l’Inde, le Xinjiang et la Mongolie intérieure. L’actuel gouvernement communiste est fidèle en cela à la politique constante des dynasties chinoises visant à dominer le Tibet, le Xinjiang ou encore la Mongolie, à empêcher l’instrumentalisation politique des ethnies périphériques de l’empire –Tibétains, Ouïghours…- par leurs ennemis. Il est impératif pour Pékin que le château d’eau de l’Asie, où ont été déployés des missiles nucléaires tactiques, reste sous contrôle.
Cela étant posé, les modalités pratiques de ce contrôle peuvent être très légitiment critiquées. Ainsi, cette sensibilité toute particulière du dalaï-lama aux problèmes migratoires s’explique parfaitement au regard même de l’histoire récente du Tibet. Bruno Gollnisch avait eu l’occasion de l’évoquer, dans une intervention devant le Parlement européen en 2008, établissant un parallèle avec la question de l’éradication des Serbes au Kosovo. Oui disait-il, il y a « une identité tibétaine différente de l’identité chinoise. Tout les distingue : la population, la langue, l’écriture, les traditions, la spiritualité. (A propos de spiritualité, nous avons raison de reconnaître l’importante influence du bouddhisme lamaïque au Tibet mais pourquoi avoir refusé ne serait-ce que de mentionner dans nos propres Chartes les racines chrétiennes de notre civilisation européenne ?) ». Or, « Dans le cas du Tibet, hélas, il n’y a pas que l’occupation militaire ou la répression policière. Il y a aussi le recours à l’immigration comme instrument de la destruction de l’identité tibétaine, et cela devrait nous faire réfléchir (…). Il y a pourtant un point commun à des questions aussi diverses que celles du Kosovo et du Tibet : ce sont les conséquences de la politique d’immigration sur les peuples indigènes. L’immigration albanaise au Kosovo a préludé à l’élimination des Serbes de ce territoire, comme l’immigration chinoise de l’ethnie Han encouragée, organisée, aujourd’hui majoritaire, dépossède les Tibétains de leur territoire et de leurs libertés. »
Figure connue de l‘UDC en Suisse mais aussi en France de la mouvance identitaire, le conseiller d’Etat valaisan Oskar Freysinger a approuvé également les propos du chef spiritual tibétain: « Je m’incline profondément devant sa sagesse. En tant que catholique, j’aurais attendu du pape François une réaction à la hauteur de celle du dalaï-lama. » Notons pour notre part que le saint-père est évidemment dans son rôle en manifestant sa compassion (une vertu qui n’était pas non plus inconnue de notre antiquité et qui est aussi éminemment chrétienne), en appelant à la charité, notamment au regard des situation de détresse, des naufrages meurtriers qui se multiplient en Méditerranée. Pour autant à qui la faute? Est-il nécessaire, comme l’a souligné justement Guillaume Faye, d’encourager les départs vers l’Europe en affirmant « nous sommes tous des migrants« ? Est-il nécessaire de culpabiliser les Européens en déclarant encore à propos d’un récent naufrage en Sicile (« De janvier à mars 2016, 20.000 clandestins ont débarqué en Italie du Sud. Ce sont des Nigérians, des Gambiens et des Sénégalais ; aucun n’est réfugié du Moyen-Orient« ): « je ne peux pas évoquer les nombreuses victimes de ce énième naufrage. La parole qui me vient en tête est la honte. (…) Demandons pardon pour tant d’indifférence. Il y a une anesthésie au cœur de l’Occident « ? Or, « qui sauve des flots et accueille ces clandestins ? Les Européens. Qui sont les passeurs avides qui les jettent sur des embarcations de fortune ? Leurs coreligionnaires africains et arabes. »
Le Pape François a aussi récemment prononcé cette formule : »les barrières créent des divisions et, tôt ou tard, des conflits. La réalité est exactement l’inverse (…). L’universalisme catholique, uniquement valable sur le plan spirituel (tous les humains fils du même Dieu, éligibles aux mêmes sacrements), est transformé en cosmopolitisme politique : abolition des frontières, libres migrations, mélange des peuples. Le problème, c’est que ce cosmopolitisme est biaisé. Car il est exclusivement dirigé, de manière suicidaire, contre la civilisation et l’ethnicité européennes. » Au delà même des propos du pape François, Les humanistes occidentaux qui accordent aux Tibétains, comme aux autres peuples de la terre, le droit à conserver leur identité, leur tradition , leur culture, leur liberté de penser, seraient bien inspirés de ne pas vouloir en priver les Européens.