François Hollande a-t-il trouvé avec l’euro 2016 qui débute vendredi la solution miracle pour rebondir en 2017? Une victoire des Bleus (ou à tout le moins, une belle prestation dans le haut du tableau) rejaillira-t-elle favorablement sur le « champion » du PS l’année prochaine? C’est difficile à croire mais lui même et certains dans son entourage s’accrochent à cet espoir. Ils se souviennent en en tout cas de l’exemple d’un Jacques Chirac démonétisé, cohabitant avec Lionel Jospin succédant au calamiteux Alain Juppé à la suite de la dissolution ratée de 1997. Chirac avait vu cependant sa cote rebondir avec la victoire du onze tricolore lors de la coupe du monde de 1998, ses communicants forgeant au passage le concept emprunté à SOS racisme de « France black-blanc-beur ». Dimanche, François Hollande s’est employé à surfer sur la même vague lors de sa visite « de soutien » à l’équipe de France de football à Clairefontaine: » Quelles que soient vos origines, quelles que soient vos aspirations personnelles, vous êtes la France, toute la France » a-t-il déclaré aux Bleus, balayant le même jour sur France Inter les accusations de racisme anti-maghrébin formulées contre Didier Deschamps suite à la non sélection de Benzema et Ben Arfa.
L’exécutif socialiste table aussi sur les effets bénéfiques sur la croissance de l’Euro 2016. Ce qui serait tout sauf un luxe, a fortiori en cette période de grève qui, comme le notait Bruno Gollnisch sur le plateau du journal de France 3 dimanche soir, contribue aussi à fragiliser encore plus nos entreprises. Ne nous y trompons pas non plus, usagers et contribuables seront aussi les premières victimes du coût des blocages à la SNCF qui, selon les déclarations du président de la compagnie ferroviaire Guillaume Pepy, dans le Journal du dimanche, « atteint aujourd’hui près de 300 millions d’euros« ! La grève à la SNCF coûte « plus de 20 millions d’euros par jour » à l’entreprise, disait hier lundi à l’AFP une porte-parole de la SNCF.
En cas d’affluence touristique majeure, de bons résultats des Bleus dopant la consommation, la France sortira-telle financièrement gagnante de cet évènement sportif? Marianne citait « une étude du Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges (qui) a chiffré à 1,27 milliard d’euros l’impact économique de l’Euro. Ce montant correspond à la somme des apports financiers des acteurs étrangers sur le territoire français. Et, d’après la même étude, 26.000 emplois seront créés du fait de cet impact. Ceux-ci s’ajoutant aux près de 94.000 personnes employées pour l’organisation de la compétition et aux 6.000 volontaires. » Pour autant, « ces emplois créés sont temporaires et de ne doivent pas dissimuler le gouffre financier que représente le championnat d’Europe de football pour l’Etat et les collectivités locales. Avec la construction et la rénovation des stades, ainsi que l’accueil des fans, ce sont aux moins 650 millions d’euros de fonds publics qui ont été investis. Une somme bien supérieure aux recettes attendues par l’Etat et les villes hôtes : à peine 250 millions d’euros. »
Autant dire que même à la fin du mois, la très maigrelette baisse du déficit, la très légère remontée de la croissance ne permettront pas au chef de l’Etat de claironner que « ca va mieux » et qu’il est totalement illusoire d de compter sur le déroulement de l’Euro de football sur notre territoire pour faire baisser, de manière significative, le nombre des demandeurs d’emploi .
Ancien magistrat, Philippe Bilger commentait le 6 juin sur le site du Figaro la prestation de François Hollande la veille sur France Inter et ses lourdes métaphores et sous-entendus entre le monde du football et la politique, son destin personnel. » Rien n’a été ridicule mais tout avait une tonalité aussi bien ludique que pathétique » dans les propos du président de la République expliquait M Bilger . « En permanence, sous les mots apparents, on entendait le gémissement souriant, la plainte fière d’un homme tentant par tous les moyens, faute de réussite dans le principal, d’émouvoir et de persuader par l’accessoire. De séduire par la périphérie comme le centre lui faisait défaut. »
« Je ne doute pas, dans cet exercice d’obligation promotionnelle pour un président, de la sincérité de François Hollande. Il serait cependant surprenant qu’il puisse raccrocher son destin politique aux branches d’un arbre dont personne ne peut garantir l’accroissement et le triomphe.Je crains même l’inverse. Que le président de la République, avec son instrumentalisation de l’événement bien au-delà de ce que sa charge lui prescrit, ne porte la poisse à cette occasion unique, pour une certaine France, de se réjouir et de se sentir miraculeusement solidaire. Alors qu’elle est dans la vraie vie fracturée de tous côtés.Un pays qui ne trouve son destin collectif et son sens profond que dans de rares effervescences sportives encore virtuelles est condamné » concluait pessimiste Philippe Bilger.
Certes, mais cette situation ne date pas du quinquennat de M Hollande, elle est le fruit d’un délitement initié depuis des décennies par une classe politicienne, des gouvernements qui se sont employés à fracturer la société française, à la diluer, l’atomiser, la communautariser, la dénationaliser. Avec 19 siècles d’écart, la sentence de Juvénal n’a rien perdu de sa modernité : « depuis qu’il n’a plus de suffrages à vendre, lui qui, jadis, distribuait les faisceaux, les légions, tout enfin, ce peuple déchu ne souhaite plus avec une anxieuse convoitise que deux choses au monde: du pain et des jeux. » Au-delà des évènements sportifs, de ce grand divertissement populaire, le Système compte aussi toute l’année sur la télévision, comme autrefois les Césars engloutissaient des fortunes dans l’organisation des jeux du cirque, comme un dérivatif, un outil de grande diversion, de propagande, d’abrutissement, d’occupation du temps de cerveau disponible. Surtout empêcher les gens de s’ennuyer, ce qui pourrait les inciter à réfléchir, à penser par eux mêmes, à retrouver le bon sens…