Cette consultation a matérialisé aux yeux des Français, comme l’ont fait il y a quelques semaines la présidentielle autrichienne, mais aussi les élections en Pologne, en Hongrie, voire les toutes récentes élections municipales italiennes, la montée continue d’un populisme (ce n’est pas un gros mot), d’une hostilité à Bruxelles, d’une exigence de défense d’une Europe des patries libres, des identités et des souverainetés nationales. La nature de ce refus des diktats européistes diffère parfois sensiblement d’un pays à l’autre, même si le refus de l’immigration est très largement partagé chez les différentes formations dites eurosceptiques; il n’a échappé à personne que les soutiens britanniques en faveur du Brexit émanaient principalement des libéraux, lesquels chez nous y étaient (très majoritairement) farouchement opposés.
Interrogé dans Libération, l’écrivain britannique « à succès » Robert Harris, « européen convaincu » expliquait quelques heures avant le vote outre-manche qu’interroger le peuple sur son avenir était une idée aberrante au motif que le « système politique (britannique) n’est pas conçu pour répondre à une seule question. La vie est bien trop compliquée pour la réduire à une simple réponse, oui ou non.(…). » Des électeurs qui devraient donc abandonner leur destin à des grands initiés, des cénacles éclairés? Car manifester son euroscepticisme serait une marque de débilité (au sens étymologique du terme) intellectuelle affirme M. Harris, réaffirmant tout haut ce que le microcosme assène plus ou moins mezzo voce à longueur de temps. Pour preuve dit-il encore, » Le rejet systématique, par le camp du (Brexit), de la parole des experts, des élites, c’est une version britannique du trumpisme. L’attaque populiste classique que l’on retrouve un peu partout. Ce référendum est en fait un exercice d’anti-intellectualisme. Il répond à une désaffection générale pour la politique. » Manière commode d’évacuer le fond du problème car il s’agit plus certainement d‘une désaffection générale pour LEUR politique ce qui n’est pas la même chose!
Et Robert Harris d’asséner l’argument ultime, entre une description de raz de marée et de nuées de sauterelles s’abattant son peuple : « le référendum aura été notre affaire Dreyfus à nous. Si nous quittons l’UE, ce sera le début d’un très long et difficile processus. Et le Parti conservateur pourrait bien imploser. Avec en toile de fond la chute de la livre sterling, la hausse des taux d’intérêts, la panique des marchés… Nous ferons face à un profond chaos politique. Si le remain l’emporte, je suspecte que pas mal de partisans du leave qui n’ont jamais espéré gagner seront secrètement soulagés (sic). Parce qu’ils sont un peu dépassés, un peu alarmés par la perspective de devoir gérer ce qu’ils auront généré. Si le remain l’emporte, le soupir de soulagement sera collectif et les vacances d’été pourront démarrer. » Le bonheur couché attendra donc encore un peu M. Harris…
Il existe, ô combien, des raisons formelles, fondées, légitimes à cette défiance vis-à-vis de cette Union européenne là, de son évolution (involution), largement étrangère au génie européen, au message, aux enseignements, aux valeurs de notre civilisation.
Les critiques formulées par le FN contre le fonctionnement de l’UE ne sont que le fruit du constat de ses tares, et non d’une hostilité a priori comme Bruno Gollnisch a souvent eu l’occasion de le dire. Le Royaume-Uni est souvent décrit comme le cheval de Troie de Washington, le porte-avion du monde anglo-saxon, des Etats-Unis en Europe -mais Albion n’est pas la seule à faire allégeance à l’atlantisme… Un article de Henri Langeau (« Apocalypse Brexit? ») paru dans Minute mercredi, rappelle, et c’était aussi un des arguments de vente de François Mitterrand au moment de Maastricht, qu’ « on nous avait aussi affirmé pour construire l’Union européenne (…) que l’Europe représentait un pôle de résistance à la suprématie des Etats-Unis (…). Aujourd’hui l’Europe bruxelloise négocie avec les Etats-Unis un traité transatlantique (auquel Donald Trump est d’ailleurs opposé, NDLR) qui consacra sa vassalité. »
« L’Europe allait assurer la prospérité des économies nationales. L‘Allemagne en a bénéficié. La France a perdu son maillage de PMI et PME. Les Britanniques s’en sont bien tirés, justement parce qu’ils avaient refusé de rentrer dans la monnaie commune. Ils ont le plein emploi, une croissance à plus de 2% et…le contrôle de leur monnaie, tandis que les Français sont sous la coupe de la banque européenne de Francfort. Giscard estimait déjà, lorsqu’il était président de la République, que la plus grande ambition que puisse avoir notre pays, était d’occuper un strapontin à la Bundesbank... » Nous avons au Front National d’autres ambitions, d’autres espoirs, d’autres projets pour la France et les Français, nous les patriotes de l’espèce amoureuse!