Le site des Echos commente aujourd’hui le huitième baromètre de la confiance politique réalisé par OpinionWay pour le Cevipof (Sciences po) qui note que si «l’appartenance à l’Union européenne est encore vue comme une bonne chose par 42 % des Français (1 point gagné en un an), quand 24 % la voient comme une mauvaise chose, il y a un mouvement (…) de Français réclamant plus de liberté pour les entreprises, tout en affichant un scepticisme de plus en plus grand face à la globalisation et à l’ouverture, qu’elle soit sociale ou culturelle , analyse Pascal Perrineau, responsable du programme Vie politique de Sciences po.» L’ « adhésion plus franche à l’économie de marché » de nos compatriotes est modérée par une « réticence ancienne des Français vis-à-vis de la mondialisation (qui) va croissante. Ainsi 43 % des Français appellent à plus de protection face au monde d’aujourd’hui (13 points de gagné depuis 2009), quand l’appel à davantage s’ouvrir ne recueille plus que 24 % d’opinions favorables (33 % il y a sept ans).»
« C’est surtout sur le plan culturel ou sociétal que l’ouverture au monde suscite le plus de crispations. On peut le voir à travers l‘affirmation qu’il y a trop d’immigrés en France , désormais reprise par 64 % des Français quand ils n’étaient que 49 % à le dire en 2009 (…), 62 % des Français jugent que l’islam représente une menace pour la République (56 % il y a deux ans) et ils sont même 43 % à affirmer que les enfants d’immigrés nés en France ne sont pas vraiment français. »
Pareillement, ce même baromètre du Cevipof, constate Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof et enseignant à Sciences po, confirme que « le lien entre les citoyens et leurs représentants (est) très profondément altéré, voire rompu. (…). Pour 89 % des sondés, les responsables politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens comme nous ; pour 75 %, ils sont plutôt corrompus ; 40 % des personnes interrogées éprouvent de la méfiance en pensant à la politique et 28 % du dégoût ; seules 11 % d’entre elles ont confiance dans les partis et près des trois quarts (70 %) estiment que la démocratie ne fonctionne pas bien en France (…). Les Français sont attachés à la démocratie représentative, mais ne sont satisfaits ni de son fonctionnement ni de son efficacité, relève le politologue. Ce sont des citoyens critiques. Ce qui conduit même 17 % et 49 % d’entre eux à souhaiter respectivement que l’armée dirige le pays ou que celui-ci ait à sa tête un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections ».
Et l’article des Echos d’en tirer la conclusion que face à cette classe politicienne démonétisée, « de ce point de vue », deux candidats immigrationnistes, respectivement euromondialiste et altermondialiste comme «Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, qui se présentent à l’élection présidentielle en dehors des partis et de la primaire organisée par le PS , à la tête de deux mouvements citoyens, La France insoumise et En Marche, ont bien saisi l’air du temps »!
Bruno Bernard ancien conseiller politique à l’ambassade de Grande-Bretagne, directeur-adjoint du cabinet du maire (LR) Delphine Bürkli du IXème arrondissement de Paris, soulignait en avril dernier sur le site atlantico que M. Macron « espère » « la mise en place d’un grand mouvement central, pivot de la politique française, avec du centre-droit et du centre-gauche. Tous ceux qui ont essayé n’y sont pas parvenus, de Jean Lecanuet à Jacques Delors, en passant par François Bayrou. Les Français aiment bien savoir à qui ils ont affaire : un homme de gauche ou un homme de droite, même s’il est possible, par la suite, de tendre des mains. Par conséquent, je ne pense pas que la tentative d’Emmanuel Macron soit vouée à une quelconque réussite sous son angle de tentative personnelle. De même, je ne vois pas En Marche! devenir un parti politique ; ou alors, ce sera un supplétif qui rentrera dans la nébuleuse du centre, comme il en existe déjà quelques-uns. La seule chose qui pourrait être bénéfique à Emmanuel Macron serait la recomposition complète du paysage politique français.»
Patrick Buisson expliquait ces derniers mois que la montée du FN dans les urnes ne tenait pas à sa dédiabolisation mais à une radicalisation des électeurs français, principalement autour des thématiques identitaires. M. Bernard qui était aussi invité en fin de semaine dernière à s’exprimer dans Le Figaro sur la campagne de Marine Le Pen s’inquiétait (?) pour sa part d’une dédiabolisation initiée par la direction du FN et qui selon lui « remet en cause le socle électoral traditionnel du FN ». Elle pourrait rendre crédible assure-t-il, l’hypothèse (validée par un seul petit sondage) d’une qualification de M. Macron en lieu et place de Marine au second tour de la présidentielle face à François Fillon.
«Le Front National sans le souffre »(sic) écrit-il -le FN sans (sent) le soufre? NDLR-, « est-il encore le Front National? » s’interroge gravement Bruno Bernard. «A l’heure où les peuples occidentaux semblent avoir soif de radicalité, le FN normal n’est-il pas à contre-courant? (…). Le vin est coupé et pourtant elle continue à ajouter de l’eau : si (Marine) élue, elle promet, non pas de dénoncer purement et simplement les accords de Schengen mais de les renégocier (…). Désormais il y a une feuille de papier à cigarette entre le programme de Marine et celui du candidat des Républicains qui lui aussi propose de réformer Schengen et la Commission Européenne. Le FN survivra-t-il à cette normalisation de trop? (…) L’avenir dira si le parti de Marine le Pen parvient à maintenir sa capacité d’attraction sans sa capacité de subversion.»
FN jugé pourtant toujours aussi subversif, radical dans ses propos et dans ses propositions par ses adversaires constate Bruno Gollnisch, à commencer par MM. Fillon, Valls, Mélenchon ou Macron. Et dernièrement encore par le réalisateur subventionné du film anti FN Chez nous, Lucas Belvaux, qui affirme même que le FN est «un parti totalitaire » dont le «style» consiste à «identifier l’ennemi et le diaboliser pour l’anéantir» (sic).
Alors totalitaire ou trop aseptisé le FN? Ce qui est certain c’est que Bruno Bernard se trompe lourdement, comme bien d’autres politologues et observateurs avant lui, quand il affirme que «ce processus de respectabilisation (du FN est) inspiré de celui mené par Gianfranco Fini en Italie » et qui consisterait en «un bazardage en règle du fond de commerce paternel qui a permis au Front National de vivre confortablement grâce à une rente électorale comprise entre 15 et 20%? Les dirigeants actuels du parti ne sont-ils pas trop présomptueux en croyant pouvoir s’affranchir, d’un coup, du patronyme Le Pen, du nom du parti et de la flamme tricolore?».
Alors que M. Bernard se rassure (?), les dirigeants du FN ne se satisfont pas d’une quelconque rente électorale mais se battent pour accéder aux plus hautes responsabilités, certainement pas pour faire de la figuration. Frontistes qui ne veulent assurément pas suivre le chemin de M. Fini. Bruno Gollnisch le rappelait encore dans un entretien accordé au Figaro en août 2015, «Fini est l’exemple d’une impasse. Dauphin de Giorgio Almirante, il en a renié l’héritage. Malgré ces contorsions déshonorantes, il n’a jamais été président du Conseil. Aujourd’hui, son parti, naguère de 120 députés, ne pèse plus rien. Fini, c’est fini. Et Alessandra Mussolini, la petite-fille du Duce, siège à Strasbourg avec les députés français UMP-Républicains !».
Nous l’avions aussi écrit sur ce blogue la stratégie Fini, qui a commencé par un changement de nom et du sigle du MSI, a été un échec retentissant. Fini est devenu atlantiste, s’est rallié au Nouvel ordre mondial, aux oukases de Bruxelles, a demandé pardon pour des crimes qu’il n’a pas commis, accepté l’immigration-invasion, prôné la régularisation des clandestins, s’est prononcé pour le droit de vote des immigrés et vanté, comme il l’a déclaré en mars 2009, les vertus de la société multiethnique et multi-religieuse! Toutes choses qui ne figureront jamais dans le projet présidentiel de Marine!