Si à droite, Christine Boutin (Parti Chrétien démocrate, PCD affilié à LR) a clairement annoncé qu’elle votera Marine, le comble de l’audace semble pour l’instant se réduire au « ni- ni » -théorisé un temps par Nicolas Sarkozy qui a annoncé qu’il votera Macron. Une posture qui sera celle notamment du filloniste et président de Sens Commun, Christophe Billan. Il déverse, avec une mauvaise foi en béton armé dans Famille Chrétienne , une propagande assez caricaturale en faveur du non-vote pour la candidate national. Certes, à l’instar d’une certaine bourgeoisie catholique, éternelle cocue d’une droite libérale qui porte la lourde responsabilité que l’on sait dans affaissement moral, culturel, spirituel de notre pays. Si Dieu vomit les tièdes, les générations futures jugeront elles aussi sévèrement les pharisiens de cette espèce là…
Dans Famille Chrétienne toujours, Marion Maréchal-Le Pen rappelle pourtant les positions sociétales qui sont défendues par Marine, autrement plus fermes que celles qui étaient portées par M. Fillon et son parti. Ce qu’ont bien compris notamment les catholiques culturels, identitaires, ceux qu’Emmanuel Todd appelle (sans aménité) les « catholiques zombies », c’est-à-dire non seulement les 12% de catholiques pratiquants mais aussi les 23% de catholiques non-pratiquants qui selon l’Ifop ont voté le 23 avril pour la présidente du FN.
Marion souligne aussi qu’ « Emmanuel Macron est le candidat du libéralisme intégral ! Il met les envies individuelles au-dessus du bien commun. Pour lui, la réponse à la destruction du lien social n’est qu’économique, alors que c’est un problème moral. Nous, nous considérons qu’un peuple, c’est un lien moral, avec un socle commun de principes, de valeurs, de codes. A partir de là, le choix qui s’offre aux Français, c’est soit la vision post-nationale de l’individu-roi, nomade, interchangeable, dans une société multiculturelle où prospérera l’islam radical, soit la défense du principe national, avec les limites que cela implique, pour la défense du peuple et de son unité. Le choix aujourd’hui est limpide. Je suis convaincue que beaucoup d’électeurs de François Fillon seront beaucoup plus lucides que leurs responsables politiques. Je crois qu’Emmanuel Macron est un danger civilisationnel ! ».
Sur le site de Valeurs Actuelles, l’avocat Philippe Fontana, qui a soutenu la candidature Fillon, fustige les atermoiements, la mauvaise campagne de ce dernier, et surtout son appel à voter Macron, notant avec une certaine logique : « Comment la droite républicaine pourra-t-elle faire campagne aux élections législatives alors qu’elle aurait appelé ses électeurs à lui (Macron, NDLR) donner une légitimité qu’il ne mérite pas ?».« Emmanuel Macron poursuit-il, personnifie le parti de l’étranger », « la dilution de l’identité nationale ». « C’est Emmanuel Macron qui dans des déclarations réitérées a promis de faire de la France une terre d’accueil pour tous les étrangers. C’est lui qui malgré ses dénégations a livré Alstom aux Américains. La conséquence ne s’est pas fait attendre : des centaines de salariés ont été sacrifiés et se retrouvent au chômage. La politique économique à laquelle a participé Emanuel Macron comme ministre a échoué. Pourtant l’indice de la bourse de Paris monte en flèche ce matin à l’annonce de sa qualification au deuxième tour. C’est bien la preuve qu’il est le candidat du système dans lequel se vautrent les profiteurs de la mondialisation heureuse. Ce n’est pas ma France. C’est pourquoi le 7 mai 2017, je ne voterai pas Emmanuel Macron. »
Toutes choses que les près de 7, 7 millions de Français qui on voté Marine dimanche dernier, avec un niveau record en Guyane, en Guadeloupe, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, la hissant en tête dans 18 445 communes (contre 7222 pour M. Macron) et 48 départements métropolitains (notamment dans les vieux bastions du vote national que sont les régions du Nord-Est et du Sud-Est) ont acté. Nous retrouvons dans cette carte électorale plus largement la dichotomie entre la France des inclus et des exclus, celle des centre-villes boboïsés (et des banlieues babélisées qui ont aussi beaucoup voté Mélenchon) d’un côté, et de l’autre, la France périphérique, périurbaine et rurale. Clivage souligne Bruno Gollnisch, qui remplace largement la traditionnelle confrontation droite-gauche, au profit de celui beaucoup plus pertinent entre les partisans plus ou moins naïfs du mondialisme eurobruxellois et les défenseurs des identités, protections et souverainetés nationales.
Christophe Guilluy, géographe-sociologue qui vient de sortir un nouveau livre, Le Crépuscule de la France d’en haut , le souligne de nouveau dans l’entretien qu’il a accordé à Éléments (numéro de mai 2017, sortie en kiosque avant le premier tour), à cette aune, « il n’y a plus ni droite, ni gauche dans (les) catégories périphériques. L’ouvrier qu votait naguère à gauche et le rural qui votait à droite partagent la même perception du monde et adoptent les mêmes positions sur les médias, sur la mondialisation, sur l’immigration. C’est le modèle économique mondialisé qui a créé lui même sa propre contestation populiste. Le populisme est la traduction d’un processus de désaffiliation vieux de trente ans. Il s’est fait au rythme de la sortie de la classe moyenne: d’abord la classe ouvrière, ensuite les employés et les professions intermédiaires, autant de catégories populaires qui ne sont plus intégrées, ni politiquement, ni économiquement. La rupture est consommée. Il n’y aura pas de retour en arrière (…). La domination des partis de gouvernement est assez factice. En gros, la droite tient grâce aux retraités, la gauche grâce à la fonction publique, deux populations qui ne sont pas directement confrontées à la mondialisation. Le système se maintient grâce à ces catégories protégées de la mondialisation, et grâce aux populations qui en bénéficient, les bobos. »
Et M. Guilluy de conclure: «Cette distorsion va s’inverser. Le système ne pourra éternellement s’arc-bouter sur des sociologies peu ou pas représentatives de la jeunesse ou de la population active. C’est ce qui me fait dire qu’on assiste au crépuscule de la France d’en haut. ». Ite missa est.