Cette fin de semaine, les regards des Européens étaient aussi braqués vers l’Espagne après le référendum d’autodétermination organisé dimanche par les indépendantistes en Catalogne mais interdit par Madrid. Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, avait estimé que « la tenue d’un référendum n’était pas la bonne solution » et la France comme les autres pays européens campent sur une ligne de soutien au gouvernement espagnol de Mariano Rajoy . Pas de quoi émouvoir le président Catalan Carles Puigdemont… membre du Parti européen démocrate catalan (PDECAT), affilié au Parlement européen à l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE). « Aujourd’hui, avec cette journée d’espoir et aussi de souffrances a-t-il déclaré dimanche soir, les citoyens de Catalogne, nous avons gagné le droit d’avoir un Etat indépendant qui prenne la forme d’une République. » Est-il besoin de le préciser, ces représentants-là de la tendance européenne et régionaliste se défendent bien évidemment de partager la moindre accointance idéologique avec les sulfureux défenseurs de l‘ethno-régionalisme européen que furent au siècle passé un Drieu, un Paul Sérant, un Yann Foueré, et autres défenseurs de l’Europe aux cent drapeaux qui eux, certes, auraient été notamment certainement plus radicaux dans leur approche des problèmes migratoires…
Un référendum qui s’est déroulé comme l’a rappelé M. Puigdemont dans un climat de grandes tensions et de violences avec la police qui cherchait à interrompre le processus de vote dans les bureaux, et dont le taux de participation aurait dépassé légèrement les 42% selon l’exécutif catalan. Le OUI aurait atteint les 90% , soit 2,26 millions de participants et 2,02 millions de bulletins OUI à la question « voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat indépendant sous forme de République? ». Ce à quoi les opposants et les légalistes répliquent que ladite consultation était dénuée des critères basiques établissant la sincérité du scrutin: caractère secret du vote, commission électorale indépendante, listes électorales transparentes… Quant à la loi régionale promulguée par les indépendantistes pour organiser le référendum, elle avait été suspendue il y a quelques semaines par la Cour constitutionnelle espagnole. Les partisans de la rupture, nous l’avons vu, n’entendent pas reculer et la région autonome de Catalogne est bloquée ce mardi par une grève pour « défendre son indépendance », ses « droits », et dénoncer les « les violences policières de l’Etat espagnol », qui affecte les transports, les universités, le port de Barcelone…
Bruno Gollnisch notait sur ce blogue le 22 septembre qu’il ne pensait pas qu’une séparation de la Catalogne avec l’Espagne soit bénéfique. Il condamnait plus largement tout ce qui contribue à affaiblir les Etats nations pour le plus grand profit des tenants de l’euromondialisme ou de l’eurofédéralisme. Certes, rappelions-nous alors, le gouverneur de la Banque d’Espagne et membre du conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne (BCE) , Luis Maria Linde, avait indiqué qu’une indépendance de la Catalogne signifierait qu’elle serait « automatiquement exclu de la zone euro , car ce processus implique la sortie de l’Union européenne. » « Les banques catalanes pourraient cesser d’avoir accès au refinancement de la BCE. Les dépôts pourront alors être gelés, comme cela a été le cas en Amérique latine ou en Grèce. » Mais les indépendantistes, dont une large part s’accommode très bien de la tutelle de l’Europe bruxelloise, ne prennent pas cette menace au sérieux…parce qu’elle n’est pas crédible au vu du poids économique de la Catalogne qui représente 17% du PIB espagnol ce qui la rendrait donc incontournable…
Dans Le Figaro, Eric Zemmour s’est arrêté sur le processus de détricotage de l’Espagne, « une nation longue d’une histoire millénaire, mais dont les intellectuels de gauche n’ont cessé de dénoncer le caractère fasciste, franquiste. L’école n’enseignait plus les hauts faits d’armes de la nation espagnole. Même la droite n’osait plus se dire espagnolista. La déconstruction a mené à la destruction. Les Espagnols ont désappris à être espagnols ; les Catalans ont réappris à être catalans. Quand un sentiment d’appartenance collective se délite, un autre lui succède. Et le progressisme de nos élites de gauche conduit directement à l’archaïsme tribal.» Toutes choses que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dont Emmanuel Macron tressait encore les louanges la semaine dernière, pourraient méditer avec profit.
M. Juncker a tenu en tout cas des propos peu susceptibles de rassurer Madrid. Il y a quinze jours, invité d’euronews, il a affirmé que « la Commission Prodi, la Commission Barroso et la mienne avons toujours dit (que) nous respecterions les arrêts de la cour constitutionnelle espagnole et du parlement espagnol, mais il est évident que si un oui à l’indépendance de la Catalogne voyait le jour, nous respecterions ce choix ». « La Catalogne ne pourra pas devenir membre de l’UE le lendemain matin du vote. » «Ce serait (aussi) le cas de l’Écosse », « (la Catalogne) sera soumise à un processus d’adhésion comme l’ont été les États membres qui nous ont rejoints après 2004, ça ne se fait pas simplement en claquant des doigts. » Et d’ajouter avec un certain détachement et fatalisme : « L’Europe est riche parce que les traditions régionales sont fortes, mais je ne voudrais pas que les traditions régionales s’érigent en un élément de séparation et de fragmentation de l’Europe. Mais qui suis-je pour pouvoir donner un avis éclairé à ceux qui sont tentés par des aventures indépendantistes ? »
Et bien nous, nous pouvons donner un avis sur ceux qui manœuvrent en faveur de l’affaiblissement des Etats européens. A côté d’un régionalisme identitaire historique, celui des Basques, des Catalans, des Flamands, des Corses… coexiste aussi un régionalisme technocratique -bien analysé par Pierre Hillard notamment-, celui-ci ouvertement promu par Bruxelles dont la finalité est de dépouiller les Etats de leurs pouvoirs régaliens. Une dérive vers une landërisation à l’Allemande, le fédéralisme, entamée depuis le traité de Maastricht, au sein d’une construction européiste dont la finalité est la mise en place d’une euro-amérique, d’un marché transatlantique, marchepied vers une gouvernance mondiale.
Bruno Gollnisch l’expliquait il y a déjà quelques années, « l’Eurocratie a très bien compris qu’il vaut mieux avoir comme interlocuteurs 100, 150, 200 collectivités territoriales en position de quémandeurs de crédits plutôt que des Etats nations, si modestes soient-ils par leur taille, leur superficie ou leur population, car ils peuvent parfois opposer des résistances sévères (…). Notre famille d’esprit n’a jamais été hostile, et était même à l’origine extrêmement favorable, à la défense, non seulement des identités nationales, mais également des identités provinciales, dans lesquelles nous voyions autant de particularismes culturels légitimes qui pouvaient s’épanouir en toute liberté dans la France de l’Ancien Régime. C’était un thème cher à Charles Maurras et à tous ceux qui, de près ou de loin, ont subi son influence, par réaction contre un jacobinisme révolutionnaire négateur de ces mêmes particularismes. Le problème, c’est qu’aujourd’hui ce régionalisme est utilisé par l’Union Européenne comme une arme contre les nations. »