Samedi, lors d’un conseil des ministres extraordinaire, le chef du gouvernement espagnol et membre du Parti populaire (droite), Mariano Rajoy, a renforcé la pression sur le gouvernement catalan de Carles Puigdemont. Ce dernier et ses ministres régionaux ont déjà été mis en examen, sous les chefs de « désobéissance, abus de fonction et malversation de fonds publics», depuis la convocation jugée illégale pour le référendum d’autodétermination du 1er octobre. Fort du soutien du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et de Ciudadanos (parti anti-indépendantiste), Madrid a franchi une étape supplémentaire. Il a été décidé d’un plan d’ensemble dont les différentes mesures seront soumises à un vote du sénat vendredi prochain. Sans suspension de l’autonomie dont jouissait déjà la Catalogne, lesdites mesures s’apparentent à une mise sous tutelle, telle qu’elle est prévue par article 155 de la Constitution espagnole dans le cas de régions qui nuiraient « gravement l’intérêt général ». M. Puigdemont et ses amis ont dénoncé sans grande originalité le retour aux heures noires du franquisme que constituerait notamment selon eux la reprise en main en Catalogne par le gouvernement espagnol de la police régionale, des médias publics, l’interdiction de transfert de fonds à des « organismes ayant des relations avec le processus sécessionniste »…
Comparaison n’est pas raison, mais difficile de ne pas faire le lien entre le la crise catalane, voire le Brexit, et le vote qui se déroulait ce dimanche dans les régions de Vénétie et Lombardie (Italie du nord). Un référendum qui posait la question d’une autonomie accrue ardemment promu par le parti identitaire (mais qui a abandonné depuis longtemps son programme indépendantiste) de la Ligue du Nord, actuellement au pouvoir dans ces deux régions. Dans une Italie contemporaine sans tradition centralisatrice, dont l’unité s’est faite tardivement balayant royaumes, principautés, villes, républiques indépendantes , et dans un contexte économique inquiétant, les partisans d’une prise de distance avec Rome ont su trouver une audience. Le OUI en faveur de « formes supplémentaires et conditions particulières d’autonomie » – soutenu également par les populistes du Mouvement cinq étoiles, le parti de droite centriste Forza Italia de Silvio Berlusconi, des syndicats et des organisations patronales- a atteint 98 % en Vénétie et 95 % en Lombardie avec une participation conséquente -respectivement 57% et 40%.
Comme pour la Catalogne (entre 17 et 20% du PIB espagnol) , la question financière et de redistribution des richesses est au cœur des souhaits accrus d’émancipation-autonomie en Italie du nord, la Lombardie et la Vénétie pesant au total 30 % au PIB italien et 15 millions d’habitants. Le sentiment ( ancien, assez généralisé et souvent vérifié dans les faits) d’une mauvaise gestion des fonds publics par le pouvoir central (auquel peut s’amalgamer un rejet de la tutelle bruxelloise); le ras-le-bol d’être des vaches à lait , de payer pour les autres régions moins riches du sud de la botte et/ou appréhendés comme parasites, ont fini par se substituer chez certains à la défense première de l’unité et de la solidarité nationales… pour laquelle les patriotes et nationalistes italiens avaient tant œuvré.
Matteo Salvini, le dirigeant de la Ligue du Nord, dont les députés européens siègent avec ceux du Front National au sein de l’ENL, s’est félicité hier soir que des millions d’électeurs aient exprimé leur vœu d’« une politique plus proche, plus concrète et efficace, moins de bureaucratie et de gâchis ». Électeurs qui ont aussi approuvé, via cette question sur l’autonomie, la défense de l’identité lombarde et vénitienne qui en est le soubassement. Une problématique plus actuelle que jamais note Bruno Gollnisch, au moment ou l’Italie est en première ligne face à la submersion migratoire, laquelle est aussi une conséquence de l’inféodation du gouvernement italien à la politique pusillanime menée par les instances bruxelloises dans ce domaine.
Électeurs italiens parfaitement conscients du combat identitaire mené ces dernières années par la Ligue du Nord contre l’immigration sauvage. Les Italiens du nord sont eux aussi confrontés à une augmentation considérable des viols, des agressions violentes, des exigences communautaires islamiques. En réaction, une loi a été votée en Vénétie -dénoncée immédiatement par l’évêque de Venise…– restreignant la construction de nouveaux lieux de culte mahométans. Nos voisins transalpins ont été choqués à cette occasion par la provocation d’un groupe islamiste basé en Italie, dénommé Rumiya Al-Mawu. Cette entité dont la page internet compte 80 000 inscrits, a appelé les membres de l’oumma à travers le monde à rejoindre l’Italie, afin de «renforcer notre communauté et nous aider à garantir un futur meilleur pour tous », car « si la communauté islamique en Italie était plus forte et nombreuse cela (cette loi en question, NDLR) ne serait pas arrivé »…
La Ligue du nord et Matteo Salvini ont aussi donné de la voix en juin dernier en menant campagne contre la refonte de la loi de nationalité voulue par la gauche, les centristes et la conférence des évêques italiens afin d’imposer le droit du sol pour fabriquer des Italiens de papier. Comment ne pas voir que l’incapacité de Bruxelles et des gouvernements a protéger leur peuple contribue grandement au développement de forces centrifuges qui menacent l’existence même des Etats européens en les minant de l’intérieur? Affaiblissement de nos nations dont on peut sérieusement douter qu’il puisse être bénéfique aux régions, provinces et patries charnelles, autonomes ou non, de notre continent européen.