En Italie, les partisans de l’Europe (grande) ouverte, très résiduels mais bien présents dans les rouages de l’Etat, font aussi de la résistance. Hier le président italien le démocrate-chrétien Sergio Mattarella a choisi la voie de l’affrontement avec le peuple italien, du coup d’Etat institutionnel. « J’ai accepté toutes les nominations (dans le nouveau gouvernement de coalition, NDLR) , sauf celle de ministre de l’Economie », a-t-il déclaré, en l’espèce celle de l’économiste très hostile à l’euro (et brièvement ministre en 1993-1994) Paolo Savona.
« La désignation du ministre de l’Economie constitue toujours un message immédiat de confiance ou d’alarme pour les opérateurs économiques et financiers ». « J’ai demandé pour ce ministère un représentant politique de la majorité cohérent avec l’accord de programme (…) qui ne soit pas vu comme le soutien à une ligne qui pourrait provoquer la sortie inévitable de l’Italie de l’euro », a déclaré Sergio Mattarella. Devant le tollé et l’indignation des Italiens, ce dernier a tenté de prendre les devants: « J’ai été informé de demandes de forces politiques d’aller à des élections rapidement. C’est une décision que je me réserve de prendre sur la base de ce qui arrivera au Parlement » a fait savoir M. Mattarella qui a convoqué ce matin Carlo Cottarelli, ex haut responsable du Fonds monétaire international (FMI), pour former un « gouvernement du président » dans l’attente de nouvelles élections.
Le choix de Paolo Savona, qui était le fruit de l’accord conclu entre la Ligue de Matteo Salvini et le M5S de Luigi Di Maio, s’avère insupportable pour le président italien. La constitution italienne lui octroie un rôle très symbolique, mais aussi le droit (jamais ou très peu utilisé) de refuser la nomination d’un ministre et de valider des lois risquant de peser sur le budget ne respectant pas les oukases de la la Banque centrale européenne (BCE). Une possibilité de blocage dont Emmanuel Macron s’était félicité par anticipation notions-nous la semaine dernière, lorsqu’il s’était dit confiant dans la capacité du président Mattarella à garantir que Rome continuera de travailler « de manière constructive avec l’UE…»
Sergio Mattarella s’était certainement ouvert à ses amis européistes de sa volonté d’enrayer la mise en oeuvre des choix exprimés par les Italiens dans les urnes. C’est peut-être la raison pour laquelle Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, avait promis de travailler avec le nouveau ministre italien de l’Economie quel que soit son identité …tout en exhortant le gouvernement italien à maintenir une politique austéritaire refusée par la Ligue et le M5S .
Les deux alliés se sont en effet entendus sur une baisse des impôts mais aussi des dépenses sociales. Un programme qui commanderait une sortie de l’euro (qui n’était pas formellement actée dans le programme de la Ligue et du M5S) se réjouissent ou déplorent de nombreux observateurs. Il est certes assez évident que la politique de relance par la croissance voulue par les vainqueurs des législatives entraînerait une forte hausse du déficit budgétaire (le plus élevé en Europe après celui de la Grèce) qui aurait pour effet d’enclencher une nouvelle crise de l’euro, dont la monnaie unique pourrait cette fois-ci ne pas se remettre.
Le chef du gouvernement Giuseppe Conte a pris acte de cette volonté de Sergio Mattarella (poussé, appuyé par les cénacles euromondialistes) d’empêcher la coalition au pouvoir de mettre en place un pan capital de son programme. Il a donc annoncé dimanche qu’il renonçait à son poste de Premier ministre. Dans une vidéo diffusée en direct sur Facebook, Matteo Salvini a évoqué «un conflit institutionnel sans précédent (…). Dans une démocratie, si nous sommes toujours en démocratie, il n’y a qu’une seule chose à faire, laisser les Italiens avoir leur mot à dire. » Et le dirigeant de la Ligue d’ajouter sur son compte twitter : « Nous ne serons plus jamais les larbins de personne. L’Italie n’est pas une colonie, nous ne sommes pas les esclaves des Allemands ou des Français, du spread (l’écart entre les taux d’emprunt à dix ans allemand et italien, NDLR) ou de la finance. »
«Nous étions à deux doigts de former un gouvernement mais nous avons été stoppés parce que, dans notre équipe, il y avait un ministre qui critiquait l’Union européenne» a déclaré Luigi Di Maio à la Rai , précisant qu’il souhaitait que le président italien soit mis en accusation pour « haute trahison» ou « atteinte à la Constitution » comme le prévoit article 90 de la Constitution italienne. M. Di Maio a également utilisé les réseaux sociaux pour relever qu’ « il y a un grand problème en Italie : la démocratie». «Nous étions prêts à gouverner et on nous a dit non, parce que le problème est que les agences de notation dans toute l’Europe étaient inquiètes à cause d’un homme qui allait devenir ministre de l’Economie. Alors disons-le clairement qu’il est inutile d’aller voter, puisque les gouvernements ce sont les agences de notation, les lobbies financier et bancaire qui les font. Toujours les mêmes. »
Notons pour conclure que cette peur panique des élites eurolâtres (qui craignent surtout pour leur avenir), est encore accrue par la tribune parue le 21 mai dans le très sérieux quotidien de référence d’outre-Rhin Frankfurter Allgemeine Zeitung. Elle a été signée par plus de 150 professeurs d’économie allemands qui demandent très fermement à la chancelière Merkel l’ajout dans les traités européens d’une clause permettant la sortie de l’euro -et le rejet du plan Macron de reforme de la zone euro. Jusqu’à quand la prison des peuples qu’est devenue l’Europe bruxelloise parviendra-t-elle à éviter le naufrage et à museler les aspirations démocratiques? Luigi Di Maio l’a noté comme Bruno Gollnisch, toutes les forces du Système entendent bien décourager les citoyens qui ne votent pas dans les clous en remettant en cause les choix qu’ils expriment dans les urnes. Mais une mobilisation massive des Français, des Européens, dés l’année prochaine lors des élections européennes, reste bien une étape nécessaire, la condition sine qua non pour imposer enfin l’Europe des nations libres, des choix politiques conformes aux aspirations populaires.