Le 1er juin, Emmanuel Macron prenait déjà les devants pour dénoncer cette volonté du président américain de rétablir des barrières douanières: « Cette décision n’est pas seulement illégale, c’est aussi une erreur sur de nombreux points. C’est une erreur car elle répond à un déséquilibre mondial qui existe de la pire des façons par la fragmentation et le nationalisme économique. » Reste qu’on ne peut pas accuser Donald Trump –qui n’est pas « éternel » a déclaré Emmanuel Macron comme pour se rassurer- de ne pas tenir ses promesses de campagne puisque il s’est fait élire sur un programme de défense de l’industrie et de l’agriculture américaines menacées selon lui par les traités de libre-échange.
Il l’a redit dans les tweets qu’il a commis après la tenue de ce G7 :« En raison des fausses déclarations de Justin (Trudeau) à sa conférence de presse, et du fait que le Canada impose des taxes massives sur nos agriculteurs, travailleurs et entreprises américains, j’ai demandé à nos représentants américains de retirer le soutien au communiqué, tandis que nous envisageons des tarifs sur les automobiles qui inondent le marché américain. » M. Trump vise ici explicitement les taxes européennes sur les importations de voitures en provenance des pays hors UE qui s’élèvent à 10%, taux quatre fois supérieurs aux droits de douanes américains. «Pourquoi devrais-je, en tant que président des États-Unis, autoriser des pays à bénéficier d’énormes excédents commerciaux, comme c’est le cas depuis des décennies, alors que nos agriculteurs et nos ouvriers doivent payer un prix si élevé et si injuste ? » Il est « injuste » que les Américains aient à supporter les conséquences d’un « déficit commercial de 800 milliards de dollars. »
Décidé à jouer les trouble-fête, Donald Trump s’est également déclaré en faveur d’un élargissement du G7 à la Russie qui en a été écartée depuis l’annexion de la Crimée en 2014, province historiquement russe dont le rattachement à la mère patrie a été validée par un référendum populaire. Cette proposition a été appuyée par le nouveau Premier ministre italien Giuseppe Conte – « Je suis d’accord avec le président américain (…). C’est dans l’intérêt de tout le monde. » Ce retour de la Russie a été conditionné par Emmanuel Macron à un changement de la position russe sur l’Ukraine. «Il faudrait qu’il (Vladimir Poutine, NDLR) fasse un geste » a-t-il déclaré, lequel conditionnerait la présence du président russe au prochain sommet du G7 à Biarritz à l’été 2019. En attendant M. Poutine a d’ores et déjà évoqué la possibilité d’un sommet avec M, Trump dans la capitale autrichienne,lors de sa toute récente visite à Vienne au jeune Premier Ministre conservateur Sebastian Kurz, nouveau pied de nez aux euro-progressistes...
Soucieux de rappeler que le camp occidental n’est pas incontournable, le président russe a traité avec un certain dédain cette question en déclarant que la Russie privilégiait « d’autres formats que le G7. » Une annonce qui intervient alors qu’il participait cette fin de semaine au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) dans la ville chinoise de Qingdao qui regroupe outre la Chine et la Russie, les républiques d’Asie centrale ( Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan).
Européens qui dans le bras de fer qui semble se dessiner avec les Etats-Unis ont aussi été menacés par Donald Trump. Il l’avait également proclamé lors de sa campagne présidentielle, l’hôte de la Maison Blanche a menacé de couper la robinet financier yankee qui alimente l’Alliance atlantique: « Les États-Unis paient la quasi-totalité du coût de l’Otan – protégeant les mêmes pays qui nous volent sur le commerce . On protège l’Europe (ce qui est bien) pour un coût financier élevé, et après on se fait matraquer injustement sur le commerce. Ça va changer ! ».« L’Union européenne a un excédent commercial de 151 milliards de dollars (avec les États-Unis). Elle devrait payer bien plus pour sa sécurité ». A cette aune, M. Trump s’est (certainement) félicité de la publication fin mai d’un document émanant du gouvernement polonais proposant de débourser entre 1,5 et 2 milliards de dollars pour accueillir à demeure une division blindée américaine, officiellement pour se prémunir de l‘Ours russe…
M. Trump appuie en tout état de cause là ou ça fait mal, à savoir l’incapacité des Européens à s’extraire de leur dépendance des Etats-Unis pour assurer leur sécurité; quand bien même cinq pays européens se placent dans la liste des 20 plus gros gros budgets militaires de la planète, certes très loin derrière les Etats-Unis. L’Afp le rappelait « les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 1 739 milliards de dollars (en 2017) une hausse de 1,1% sur un an. Les États-Unis restent le pays qui dépense le plus, de très loin. Leur budget, de 610 milliards de dollars, représente plus d’un tiers des dépenses militaires dans le monde, loin devant la Chine (13% des dépenses militaires, à 228 milliards, l’Arabie Saoudite (4% à 69,4 milliards)» ou la France (57,8 milliards de dollars, 2,3% de notre PIB), selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). La France a d’ailleurs perdu l’année dernière au profit de l’Inde, sa cinquième place au classement mondial des dépenses militaires.
Pour autant , et c’est là qu’une certaine forme de duplicité américaine apparaît clairement, l’émergence d’une puissance militaire européenne autonome est refusée tout net par l’Oncle Sam. En février dernier , le secrétaire à la Défense américain, l’ex général du corps des marines Jim Mattis , l’a fait savoir fermement à ses vassaux européens lors d’une réunion des ministres de la Défense, au siège de l’Alliance Atlantique à Bruxelles. Alors que Paris et Berlin ont esquissé timidement l’idée d’une relance d’une défense européenne, M Mattis a déclaré que « la défense commune est une mission pour l’Otan et pour l’Otan seule. » «L’UE ne doit pas se substituer à ce que fait l’Otan », elle « ne doit pas fermer ses marchés de défense aux Américains et aux autres pays non membres de l’UE » avait mis en garde de son côté le secrétaire générale de l’Otan , Jens Stoltenberg. On l’aura compris ce que veulent le très influent et incontournable lobby militaro-industriel et les cercles neocons de Washington ce n’est pas une Europe qui s’émanciperait de l’Otan mais une Europe qui paye pour y rester sous contrôle, dépendante, pieds et poings liés. Bruno Gollnisch l’a dit, la sagesse commanderait pourtant de ne pas dépendre d’un grand frère pour assurer sa protection, et cela vaut pleinement pour la France, puissance présente sur tous les continents, dans une période ou les menaces peut-être mortelles ne cessent de s’accumuler au dessus de la tête de la vieille Europe.