Un climat général, couplé à l’absence de résultats tangibles de ce gouvernement sur le front de l’emploi, la poursuite de la dégradation du niveau et de la qualité de vie des classes moyennes et populaires, qui expliquent la nouvelle érosion de la cote de popularité d’Emmanuel Macron. Celle-ci a atteint selon un sondage Ifop paru hier dans le Journal du Dimanche son plus bas niveau depuis un an, avec seulement 40% de sondés satisfaits de l’action du président contre 64% en juin 2017; une courbe descendante que suit dans les mêmes proportions le Premier ministre Edouard Philippe.
Mais la politique se nourrit et s’incarne aussi par des symboles, aussi, il y a fort à parier que la fête de la musique organisée par Emmanuel Macron dans la cour de l’Elysée le 21 juin laissera des traces. Elle vient télescoper, saborder les efforts qu’avaient entrepris le chef de l’Etat pour restaurer la dignité d’une fonction présidentielle qui avait très abîmée par Nicolas Sarkozy et François Hollande.
RT l’a relevé « la fête de la musique 2018 de l’Elysée avait été annoncée en grandes pompes comme un événement extraordinaire : pour la première fois, la musique électronique ferait son entrée dans la cour du palais présidentiel le 21 juin (…). Mais c’est la prestation de Kiddy Smile qui aura fait le plus couler d’encre (…) : il a amené avec lui un aréopage d’exubérants danseurs pratiquant le voguing (danse développée par la communauté LGBT afro-américaine) (…). D’autres ont simplement noté le message sous-jacent du t-shirt du DJ Kiddy Smile : Une fête de la musique à l’Elysée politique : Kiddy Smile dénonce la loi Asile et Immigration en portant un t-shirt Fils d’immigrés, noir et PD sur scène.»
« Sur son compte Facebook, le musicien a explicité sa démarche en ces termes le 20 juin : Je sais ce que représente l’Elysée en terme d’oppression et d’histoire pour QPOC / POC (queer people of color) et la communauté LGBTQIA+ ainsi que la répression des migrants mais je crois fermement au high jacking du pouvoir en place de l’intérieur et a la création du discours la où il n’y en a plus/pas : cette invitation à mixer dans la demeure temporaire de Macron se présente à moi comme une opportunité de pouvoir faire passer mes messages : moi fils d’immigrés noir pédé va pouvoir aller au cœur du système et provoquer du discours de par ma présence.»
« Le portrait pour lequel le couple présidentiel a pris la pose avec les danseurs de Kiddy Smile a également fait réagir la presse.» Albert Zennou rédacteur en chef du service politique du Figaro ou encore sa collègue journaliste Eugénie Bastié ont eu beau jeu comme d’autres d’établir un parallèle entre un Macron recadrant (avec raison) un collégien qui l’avait interpellé irrespectueusement le 18 juin en marge des commémorations au Mont-Valérien « parce que ça porte atteinte à la fonction présidentielle et (qui) en même temps (transforme) l’Elysée en boite de Nuit».
Cette photo surréaliste ou Emmanuel et Brigitte Macron sont cernés par des créatures LGBT a été particulièrement mal vécue par beaucoup de Français expatriés (ils sont officiellement 1,7 million) dans des nations où la tenue est encore de mise. Certains d’entre eux nous ont écrit pour nous faire part de leur honte pour l’image de la France devant la consternation incrédule de nos amis étrangers, mais aussi devant la risée et les quolibets dont notre pays est l’objet depuis que cette photo notamment s’est répandue sur les réseaux sociaux…
Alors, nous sommes en effet ici dans le «en même temps » macronien qui confine peut-être au dédoublement de personnalité. Nous notions vendredi sur ce blogue cette réflexion de Brice Couturier, chroniqueur sur France Culture, qui expliquait que « Macron est hanté par l’idée que la France est victime d’une crise civilisationnelle et culturelle, autant sociale et économique. Il faut donc réconcilier les mémoires nationales et restaurer une fierté nationale. »
L’inénarrable militant-journaliste anti-national Bruno Roger-Petit, aujourd’hui porte-parole de l’Elysée, confiait au Monde en mai dernier que M. Macron, tout fédéraliste européiste qu’il est, se voyait comme le successeur des 40 rois qui ont fait la France. Un Macron qui comme nos rois sanctifiés le jour du sacre par la Sainte Ampoule, serait un représentant de Dieu sur terre, et dont il explique l’appétence pour les bains de foule en référence aux rois thaumaturges qui guérissaient les écrouelles: « Pour lui (E. Macron), le toucher est fondamental, c’est un deuxième langage. C’est un toucher performatif : Le roi te touche, Dieu te guérit. Il y a là une forme de transcendance.»
Bref, Emmanuel Macron aurait compris les deux dimensions de la politique, la sacrée et la profane, l’importance de ne pas désacraliser le pouvoir, en lecteur peut-être de l’historien Ernst Kantorowicz qui, dans Les deux corps du Roi, avait montré en quoi le monarque médiéval possédait un double corps : le corps naturel, mortel, et le corps surnaturel, celui qui incarne le principe dynastique et ne meurt pas…
Autant dire note Bruno Gollnisch, que cette fête de la musique élyséenne nous replonge dans la vulgarité la plus crasse et que ce solstice d’été 2018 écornera durablement l’image solaire, jupitérienne de notre monarque républicain. Certes, certains pourraient nous rétorquer que nous étions le 21 juin dans l’exceptionnel et non pas dans la règle… Un peu à l’image des Saturnales de la Rome Antique, dont le carnaval moderne est le dérivé, ces fêtes ou les serviteurs commandaient aux maîtres et ceux-ci les servaient. Un monde renversé l’espace d’un instant, ou tout se faisait à rebours de l’ordre normal… qui n’est pas de faire danser des travelos en résille sur le perron de l’Elysée pendant que Manu frappe dans ses mains et que Brigitte tape du pied…
Le problème c’est que nous sommes entrés depuis longtemps dans le règne du carnaval permanent, de l’inversion dans tous les domaines. Au risque de passer pour des pisse-froids, nous estimons que ce type de spectacle au cœur d’un lieu symbolisant le pouvoir Français est consternant. Mais nous assumons nos répugnances, un homme sain doit en avoir, et comme le soulignait Jiddu Krishnamurti, « ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade. »